La situation dans le Xinyang, les autorités chinoises et les relations internationales

par Abdellah Ouahhabi
jeudi 9 juillet 2009

Selon lemonde.fr, Selon une source médicale qui a demandé à ne pas être nommément citée, 362 personnes ont été hospitalisées dimanche soir des suites de blessures reçues durant les affrontements. Près de 234 étaient Hans, 60 Ouïgours, le reste appartenant à diverses autres petites minorités ethniques. Vingt-et-un patients sont morts par la suite, trois étaient des Turcophones, dix-huit Hans. De source officielle chinoise, 140 victimes auraient perdu la vie et les autorités ont arrêté 1434 personnes.
Cette situation détestable fait suite aux troubles du Tibet. Il est utile de s’arrêter sur ce problème des minorités nationales en Chine et sur la manière dont il est traité par les autorités et aussi sur la manière dont il est exploité par des forces hostiles à la République Populaire de Chine.
Le Président de la république populaire Chinoise se trouvait jusqu’à hier en visite d’État en Italie. Il devait dans la foulée prendre part au sommet du G8 + G5 (pays les plus développés, plus pays représentatifs des pays émergents) qui se tient dans la ville italienne de L’Aquila, récemment sinistrée par un tremblement de terre.
Mais s’il a bien conclu la visite d’État, il a décidé de quitter l’Italie pour renter en Chine « en raison de la situation dans le Xinyang » précise une dépêche de l’agence Xinhua de ce jour (2009-07-08 à 03:43). Cette décision se justifiait effectivement par la gravité de ces évènements.
Jugez-en :
Le problème du Tibet avait été posé par les ennemis de la Chine comme celui d’un peuple colonisé par les Hans, venu d’un pays voisin, la Chine. Et les bonnes âmes ennemies de la Chine demandaient que faute d’accorder l’indépendance au Tibet et le remettre à l’autorité du dalaï lama, le célèbre agent rémunéré et soutenu par la CIA depuis les années 1948, la Chine populaire devait au moins accorder une large autonomie à cette région.
On sait que toutes ces tentatives ont échoué face à la fermeté du pouvoir communiste en Chine, appuyé par l’ensemble de la population du pays, y compris par la majorité écrasante de la population tibétaine. Des lecteurs au cerveau bien lavé et bien calibré par la presse dominante vont me dire que la majorité des Tibétains est pour l’indépendance.
Ma réponse est qu’une telle affirmation est fausse. Totalement fausse. Parce qu’indépendamment des arguments historiques qui montrent que le Tibet a toujours fait partie de la Chine, seule perspective de développement matériel et culturel du Tibet réside dans son appartenance à la République Populaire de Chine, sous la direction du Parti Communiste Chinois. Je ne vais pas entrer dans des démonstrations longues et détaillées.
Je rappelle tout simplement que des peuples qui ont vécu sous le socialisme, sous des couleurs très diverses et qui ont par la suite pratiqué le capitalisme regrettent le socialisme. Mais le socialisme a permis le passage pacifique vers le capitalisme. Or le capitalisme ne permet pas - sauf cas exceptionnels - le passage pacifique au socialisme. Je cite des enquêtes d’opinion faites dans les pays suivants : l’ancienne République Démocratique d’Allemagne qui a pourtant bénéficié d’un apport financier massif, la Bulgarie, la Roumanie, la Russie où le niveau de la production et le niveau de vie commencent seulement à se rapprocher de ce qu’il était vingt ans auparavant.
- Oui, mais la liberté d’aller et de venir me dira-t-on !
- Qui en profite ? la peuple ou une minorité ? Kroutchev avait demandé à Kennedy : « à quoi sert la liberté de voyager partout dans le monde à un clochard américain qui n’a pas de quoi manger ? ».
Je ne veux pas dire que la liberté d’aller et de venir soit un détail secondaire ; je ne veux pas dire que la liberté d’expression soit un luxe. Je dis que les peuples qui ont vécu dans « le socialisme réel », puis qui vivent dans « le capitalisme réel » (donc ils ne sont pas sujet à des effets de propagande ; ils parlent de ce qu’ils connaissent), regrettent le premier système social parce qu’il est générateur d’un plus grand bonheur et d’une meilleure qualité de vie.
Cela est valable pour le Tibet. Cela est valable pour le Xinyang.
Et pour le Xinyang, on me dira qu’il s’agit de pauvres Musulmans Ouigours colonisés par des Hans, que cette situation est analogue à ce qui se passe en Palestine ou en Tchétchénie. Que les revendications nationales des émeutiers sont légitimes.
Soyons clairs. Il ne s’agit pas de se positionner vis-à-vis des autorités de la République Populaire de Chine : « oui, colonisez les Musulmans comme nous l’avons fait et comme nous continuons de le faire indirectement en soutenant l’existence d’Israël et certains pouvoirs vendus des pays arabes et musulmans ».
Il ne s’agit pas non plus de proposer en tant que militant pro-Palestinien : « amis Chinois, soutenez la cause Palestinienne, nous ne dirons rien pour les Ouigours ». Une sorte d’échange de Palestiniens contre Ouigours.
La question est de définir une position de principe générale, relative à la question des nationalités dans un État, qui puisse s’appliquer sans double standard.
Je dois préciser que tout mouvement sécessionniste n’est pas bon a priori.
Nous savons à quoi nous en tenir en France : Corse, Pays Basque, voire Bretagne et autres îles… Pourquoi soutenir des mouvements comme le Tibet et le Xinyang et se taire sur le droit des Palestiniens à récupérer toutes leurs terres ? Pourquoi fermer les yeux sur le problème du Cachemire ou sur celui de la Tchétchénie ? Quid de la Géorgie ?
La réponse qui consiste à dire « nous occupons un territoire, un peuple pour son bien parce que nous apportons un progrès technologique » ne suffit pas à justifier une présence étrangère.
Il existe réellement une contradiction entre le principe de libre disposition des peuples et le principe d’intégrité territoriale des États constitués.
L’intégration de minorités ethniques dans un système étatique doit présenter des garanties expresses pour être légitime :
Une intégration voulue par la majorité de la population, exprimée dans un cadre de libre expression.
Une égalité de droit (sociaux, économiques, culturels et politiques) absolue de tous les citoyens, indépendamment de leur origine, de leur religion.
Une situation économique non pas meilleure que ce qu’elle aurait pu être sans l’arrivée de la puissance étrangère, mais un niveau de vie au moins égal à celui de l’ethnie majoritaire du système étatique. En France, cela voudrait dire que les Corses, les Martiniquais, les Comoriens doivent avoir le même niveau de vie qu’en Île-de-France sinon supérieur. Si l’État français ne peut le garantir dans les faits, alors, il doit accéder aux demandes indépendantistes.
Enfin, cette intégration ne peut se concevoir que dans le cadre d’une politique internationale de véritable respect des droits de l’homme : imaginons un pays intégrateur (La France, la Chine) qui comprend une minorité attachée à un peuple ou à une religion donnés (par exemple l’Islam ou les Palestiniens ou les Irakiens ou les Ouigours) soutient un autre pays (par exemple Israël ou les USA) qui est en guerre ou opprime ce peuple ou cette religion. Alors le pays intégrateur doit avoir une politique fondée strictement sur les droits de l’homme pour que touts ses citoyens soient d’accord.
Je prends le cas de la France. Son gouvernement, notamment le gouvernement de Monsieur Sarkozy, soutient l’État illégal d’Israël dans ses entreprises coloniales, sanctionne le peuple palestinien quand il réclame ses droits inaliénables. L’État français est prêt à faire la guerre à un autre pays musulman, l’Iran pour imposer le colonialisme et l’obscurantisme dans le Moyen-Orient. Il est évident que cette politique n’est pas en accord avec les principes universels des droits de l’homme. Les citoyens français de culte ou de culture ou d’affinité musulmane sont froissés, gênés par cette politique. Ils se sentent floués par les discours politiques du gouvernement.
Sur la base d’une stricte observance des principes des droits de l’homme, le gouvernement Chinois doit occuper une position de catégorique envers l’existence artificielle d’Israël et envers la politique agressive criminelle d’Israël. Si la position du gouvernement chinois montre une certaine mansuétude concernant les manquements d’Israël, alors il est logique que les ethnies musulmanes de la Chine aspirent à un pouvoir national qui respectera ces tendances légitimes.
En tant que marxiste athée convaincu, je ne préconise pas une politique musclée contre les religions. Contre aucune religion. Dans le passé, il y eut des erreurs et des exactions du marxisme contre les religions durant le siècle dernier ; elles furent aussi le résultat de l’engagement de plusieurs clergés de plusieurs religions dans la lutte contre le socialisme, aux côtés des classes capitalistes. Aujourd’hui, l’anticléricalisme, c’est ringard. Cela n’a plus de raison d’être tant que le clergé se limite à ses fonctions religieuses.
Alors que fait la Chine au sujet d’Israël ? Par comparaison avec ce que font les gouvernements Arabes ? Et les gouvernements Musulmans ?
Je pense que dans la situation actuelle, les Ouigours n’ont pas plus de raison de contester le pouvoir chinois que les peuples arabes et la majorité des peuples musulmans peuvent faire avec leurs propres gouvernements.
Actuellement, seul l’État iranien a une position de principe : l’existence de l’État d’Israël est illégitime parce qu’on ne peut pas prendre les terres d’un peuple, déposséder un peuple au profit d’immigrants venus du monde entier.
J’aurais voulu que la position chinoise concernant la Palestine, qui est pragmatique soit plus attachée aux principes, comme le fait le gouvernement chinois pour l’île de Taïwan, comme elle l’a fait pour Hong Kong, comme elle l’a fait pour le comptoir de Macao.
J’aurais voulu que le gouvernement chinois ait une attitude plus nette au sujet du droit de tout pays à accéder à toutes les sciences et à tous les moyens de défense qu’il juge nécessaires à sa sécurité. J’apprécie la retenue chinoise envers la Corée du Nord, j’aurais voulu qu’une position aussi nette soit affirmée comme nous avons soutenu l’accès de la Chine à la puissance nucléaire.
Tout le monde sait bien que les USA et la Russie sont crispés sur leur capacité de frapper quiconque sur la terre sans subir de réponse dissuasive. Tout le monde voit comment depuis plus de soixante ans ils nous bernent avec leur logorrhée sur le désarmement nucléaire et conventionnel. Alors ayant une position universaliste : obligeons-les par la peur à désarmer en laissant tous les pays s’armer en réponse.
En conclusion, je constate que la position chinoise relative au droit du peuple iranien à maîtriser l’énergie nucléaire et à en faire un usage civil, que la position du gouvernement chinois au sujet de la Palestine sont plus satisfaisantes pour les Ouigours que celles des pays arabes et musulmans.
Les Ouigours ne vivent pas plus mal que les autres nationalités chinoises. Ils ont des droits égaux. Et la politique du gouvernement chinois tient compte de leur sensibilité nationale en politique internationale dans la mesure où elle est basée sur le respect de la souveraineté, sur le droit au développement, sur le respect des droits du peuple palestinien.
Dans la mesure où ces constatations correspondent bien à la vérité, alors la revendication indépendantiste ouigour n’a pas de raison d’être. Elle est illégitime. Elle vise uniquement à affaiblir la République Populaire de Chine dans le cadre de la confrontation à fleurets mouchetés qui se déroule encore de nos jours entre les systèmes socialistes (primauté de l’intérêt général sur les intérêts privés) et capitaliste (primauté des intérêts privés sur l’intérêt général).
Et l’on comprend que des puissances traditionnellement colonialistes et impérialistes poussent à l’émeute une population ouigours dont l’intérêt est au sein de l’ensemble étatique chinois dont ces puissances envisagent l’éclatement et le dépeçage. D’où la survivance du problème de Taïwan, de celui du Tibet, de celui Xinyang, de celui dit « des droits de l’homme », etc.
Ce qui fait plaisir, c’est la solidité du Parti Communiste Chinois qui permettra de surmonter toutes ces difficultés temporaires. En 1987, j’ai fait publier un essai sur l’URSS. Dans ce récit j’ai exprimé l’idée que si l’URSS devait sombrer un jour, ce ne serait ni sous l’effet centrifuge des nationalités, ni sous l’effet des dissidents politiques financés par l’Occident, ni sous l’effet des refuzniks juifs, mais sous l’effet de la perte de foi des cadres du Parti Communiste d’URSS.
À la même époque(1978), Madame Hélène Carrère d’Encausse a publié un ouvrage, l’Empire éclaté, où elle prédisait l’éclatement de l’URSS à cause des dissensions nationales.
Les deux ouvrages ont été très lus et comparés dans les milieux spécialisés dans la soviétologie. Chacun y allait de sa préférence entre ces deux hypothèses.
La suite des évènements a montré que c’est l’affaissement idéologique du Parti Communiste d’Union Soviétique (PCUS) qui a été la première force destructive de l’URSS. L’émiettement national a suivi ; il a été une conséquence et non une cause première.
Aujourd’hui, le PCC (Parti Communiste de Chine) est fort, il a le moral et il tient bon. Il compte en son sein des citoyens chinois de toutes les nationalités du pays - dont les Ouigours. Tout le reste n’est que balivernes. 
 

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