La Syrie. Le point ce dimanche 16 juin 2013
par Pierre
lundi 17 juin 2013
Il est très difficile pour un citoyen lambda de se faire une opinion exacte sur la responsabilité des uns et des autres dans la crise syrienne étant donné toutes les informations contradictoires qui circulent dans les média.
La presse écrite et les médias audio-visuels français, en relayant les communiqués des agences de presse occidentales ou de fausses ONG et en présentant continuellement une vision tronquée de la réalité syrienne, sont complètement sortis de leur rôle de témoin objectif de l’information pour devenir des outils de propagande incitant les pays occidentaux à intervenir militairement dans un pays souverain et cela au mépris du droit international. Cette attitude n’est pas nouvelle mais elle a atteint aujourd’hui un sommet inégalé.
Une plus grande diversité d’opinions est disponible sur Internet. Il est vrai que ce ne sont plus les professionnels de l'information français qui ont le monopole de la communication. Les spécialistes non médiatisés du Moyen-Orient, les organes d'information étrangers ainsi que des journalistes citoyens peuvent donner leurs opinions et faire leurs analyses qui sont presque toujours beaucoup plus pertinentes que celles des journalistes professionnels.
Avant de revenir sur le sujet syrien et sur ses conséquences, je pense qu’il est bon de repositionner cette crise dans le grand jeu géostratégique qui se joue entre les États-Unis soutenus par les pays de l’Alliance atlantique et le duo russo-chinois.
La géopolitique mondiale.
D’abord et contrairement au géostratège français Gérard Chaliand [1]dont je reconnais cependant la grande compétence, je pense que l’alliance stratégique entre la Chine et la Russie durera au moins pendant la première moitié de ce siècle. Les pays européens, en se tournant vers le marché transatlantique et en confiant leur sécurité à l'OTAN, ne laisse à la Russie que le choix du rapprochement avec la Chine. Un rapport gagnant-gagnant uni les deux pays, la Chine étant associée à la Russie pour l’exploitation des immenses richesses de la Sibérie et la Russie ayant un partenaire fiable pour vendre ses matières premières. Les deux pays ont réglé leur différent frontalier [2]. Une compétition pourrait les opposer en Asie centrale mais la Russie et la Chine auraient trop à perdre à ne pas s'entendre. De plus, ils ouvriraient ainsi la porte à l’irruption des États-Unis dans la région.
Au Conseil de Sécurité de l'ONU, on peut donc s'attendre pour les prochaines années à un soutien chinois aux intérêts russes et vice versa.
De leur coté et depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont toujours cherchés une domination globale en voulant imposer leur modèle économique et financier au reste du monde. Le contrôle des ressources énergétiques et la domination du dollar comme devise unique dans les échanges commerciaux internationaux ont été le fer de lance de cette politique.
Les présidents se sont toujours inspirés d'ouvrages de politologues et de géostratèges pour étendre l’influence des États-Unis. Je pense à des auteurs comme Zbigniew Brzezinski (The Grand Chessboart), à Francis Fukuyama (The End of History and the Last Man), à Samuel Huntington (Clash of civilisations) ou récemment à Robert Kagan (The World America Made) qui ont tous influencé la politique extérieure des présidents des États-Unis.
L'évolution démographique de la société étasunienne fait que les populations qui étaient jusque là minoritaires deviendront dans un proche avenir largement majoritaires. La première conséquence a déjà été l'élection d'un président afro-américain à la tête du pays.
Les préoccupations de ces populations est davantage tournée vers l'augmentation de leur niveau de bien-être que vers la conquète d'une domination planétaire globale à un moment où leur gouvernement est obligé de recourir à des quantitative easing [3] pour équilibrer son budget.
Tout le monde a pu constater la réticence des États-Unis de Barack Obama à encore engager des opérations militaires terrestres. Les guerres d’Afghanistan et d’Irak ont épuisé leur armée et elles sont en grande partie responsables de leur dette colossale.
La montée en puissance de la Chine et accessoirement de la Russie contraint cependant les États-Unis à ne pas rester passifs.
La Chine place patiemment ses pions (jeu de go) en Asie et en Afrique. Cela semble abstrait aujourd'hui mais, comme dans ce jeu, tous ces pions finiront par se relier et contrôler plus tard des territoires.
Il y a, avec le développement économique de la Chine, un danger existentiel majeur pour les États-Unis et il n'est ni militaire ni idéologique.
Ce danger est la mise en place d'une zone économique en Asie-Pacifique où le yuan renminbi deviendrait la devise utilisée. L'US dollar n'y serait plus qu'une devise secondaire qu'il ne suffira plus de créer ex nihilo pour payer ses créanciers.
Voila pourquoi Barack Obama veut réorienter ses moyens militaires vers cette région du monde et qu'il doit nouer des alliances avec le maximum de pays asiatiques et africains ou, au moins, en écarter la Chine.
Le redéploiement des forces armées étatsuniennes vers l'Extrême-Orient laisse un vide en Europe [4]. Un pilier européen de l'Otan était censé le combler et il devait remplacer les États-Unis dans le rôle de gendarme régional.
Les opérations en Côte d'Ivoire, en Libye et au Mali furent des succès (du point de vue géostratégique). La Syrie devait compléter le tableau.
Toujours dans la vision géostratégique de la guerre froide, ce dernier domino devait, en tombant, faire de la Méditerranée une mare nostrum après le ralliement final de l'Algérie.
La Russie qui, elle, joue plutôt aux échecs n'est pas disposée à perdre ce pion qui peut être destiné à devenir plus tard une pièce majeure. Contrairement à toutes les supputations des analystes qui prédisaient que son intérêt était de se rallier à la Communauté atlantique, elle a maintenu sa position de principe qui est celle de la Charte des Nations unies [5] et qui n'autorise pas une intervention dans les affaires intérieures d'un État. Le chapitre VII ne s'applique pas vu que la Syrie n'a pas commis d'agression contre un autre Etat.
La politique étrangère russe est actuellement renforcée grâce à cette constance et cela au détriment des piliers européens de l'OTAN qui, crise économique oblige, n'ont pas les moyens militaires pour intervenir seuls en Syrie
La Syrie.
Son Histoire et sa situation géographique centrale font de la Syrie un carrefour exceptionnel du Moyen-Orient. C'est ici qu'a prospéré une brillante civilisation au temps des Omeyyades.
Les voies de communication naturelles font de la Syrie un passage obligé. Je ne parle pas ici que des routes Nord-Sud entre la Turquie et les pays arabes ni de celles qui partent des ports syriens vers l'Est. Je parle des oléoducs et des gazoducs qui, en traversant la Syrie, relierait directement la péninsule arabique à l’Europe [6] via la Méditerranée ou la Turquie.
La Syrie est un petit pays laïc relativement prospère d’environ 22,5 millions d’habitants.
La majorité de la population est musulmane sunnite mais une mosaïque d’autres religions est disséminée dans le pays. Le parti Baas gouverne sans partage. C'était un parti socialiste et nationaliste panarabe. Le parti s'était rallié à l'économie de marché après les évènements du 9/11 et il avait entamé un rapprochement avec l'Occident sans toutefois rompre avec l'Iran.
La disparition de l'aspect social du baasisme a provoqué une paupérisation des populations rurales dont le mécontentement a été canalisé par des imams de banlieues sans doute liés aux Frères musulmans. Tout le monde se souvient des manifestations, pas si spontanées que cela, qui avaient lieu tous les vendredis à la sortie des mosquées à partir de mars 2011.
L’attribution de la responsabilité des premiers tués est très difficile à déterminer. Il y eut des tirs d'armes à feu sur les manifestants mais aussi des dizaines de policiers tués. Une manipulation comme celle qui a eu lieu le 11 avril 2002 au Venezuela n'est pas à exclure [7] [8].
Parallèlement, une opposition laïque pro-occidentale a aussi voulu se faire entendre mais Bachar al Assad a sans doute commis l'erreur de l'étouffer dans l'œuf.
Les acteurs régionaux qui ont des intérêts en Syrie.
La Turquie a des intérêts économiques et d'accès aux sources d'énergie. Elle désire sûrement aussi retrouver l'influence qu'elle a perdue dans la région à la chute de l'Empire ottoman.
La disparition du dernier gouvernement arabe qui lui résiste conviendrait bien à Israël à condition qu'il ne soit pas remplacé par des fondamentalistes islamiques. Un gouvernement laïc pro-occidental qui signerait un traité de paix est souhaité par Israël.
Les Palestiniens risquent de faire partie des perdants en cas de maintien au pouvoir de Bachar al Assad. La Syrie n'aura plus les moyens de soutenir le Hamas qui, d'après le Hezbollah, a conseillé les rebelles et leur a cédé des moyens militaires qu'il lui avait donné pour résister à Israël à Gaza [9].
Pour l'Irak, la crainte de voir une majorité sunnite arriver au pouvoir en Syrie fragiliserait sa frontière ouest.
La famille royale d'Arabie Saoudite doit son maintien au pouvoir à deux choses.
Le pacte du Quincy [10] qui lui assure la protection des Etats-Unis et l'alliance avec les autorités religieuses wahhabites. Elles reconnaissent les Saoud comme gardiens des lieux saints de l'Islam contre la liberté du mouvement d'imposer ses règles religieuses dans le pays.
Les Wahhabites saoudiens soutiennent financièrement les Takfiristes [11] qui commettent les pires crimes en Syrie. Si les autorités saoudiennes acceptaient de ne plus les soutenir, on peut dire que l'avenir des quelques 4000 princes de la famille royale qui vivent dans l'opulence grâce aux revenus versés par l'État se retrouverait fortement compromis.
Le Qatar est un mini émirat grand comme trois départements français mais immensement riche. Il cherche à augmenter son influence par tous les moyens. On le retrouve partout, investissant dans les compagnies pétrolières, dans des sociétés commerciales, dans des hôtels, dans Al Jazeera, dans des évênements sportifs etc. Ce pays est un des principaux sponsors des Frères musulmans, un mouvement politique islamique qui a le vent en poupe après les révolutions du "printemps arabe". Le Qatar espère les voir arriver partout au pouvoir et en retirer des bénéfices en termes de prises de participations dans les grosses sociétés pétrolières.
Il est à noter que l'Arabie Saoudite est farouchement opposée à l'Islam politique et est, de ce fait, en conflit idéologique avec le Qatar.
L'Emir Hamad ben Khalifa al Thani va céder le trône à son fils au mois d'août, officiellement pour raisons de santé. Il semblerait plutôt qu'il ait échappé à un coup d'Etat [12] et que les États-Unis (qui veillent toujours aux intérêts des Saoudiens) soient intervenus pour exiger son départ.
Pour l'alliance du 14-mars libanaise, la disparition du principal soutien au Hezbollah serait la bienvenue alors que le Hezbollah risque de perdre un de ses principaux alliés.
Pour l'Iran, la chute de son plus proche allié serait une catastrophe et, surtout, cela fragiliserait le Hezbollah et donc la faculté de riposte en cas d'agression d'Israël.
La Jordanie n'a pas d'intérêts et est grandement fragilisée.
Des acteurs plus lointains ont aussi des intérêts en Syrie.
La France rêve encore de l'espace économique méditérranéen. Elle voudrait bien être vue comme le parangon de la démocratie dans le monde mais elle est plutôt perçue comme un pays arrogant et néocolonialiste. Je ne sais pas si les dirigeants français actuels qui bénéficient d'un soutien d'environ 24 % d'opinions favorables se rendent compte du ridicule qu'il y a à reconnaître un agrégat de Syriens expatriés comme représentant légitme du peuple syrien alors que Bachar al Assad aurait 70 % de ses concitoyens qui le reconnaissent comme président légitime.
Les médias français sont aussi incompétants que manipulateurs en essayant de faire adhérer les Français au déclenchement d'une nouvelle guerre "humanitaire". La réponse de Gérard Chaliand à Yves Calvi dans l'émission C dans l'air est fulgurante [13] et j'ajouterais que si on s'intéresse au sort des enfants, qu'est-ce qu'on attend pour venir en aide aux 5 millions d'enfants [14] qui, tous les ans, meurent de faim dans le monde.
Il est à noter que le départ de l'émir du Qatar sera sans doute défavorables aux intérêts de la France vu qu'ils sont pilotés par les États-Unis. Adieu Rafales ?
Le Royaume-Uni pense à ses intérêts pétroliers et à ceux de la City. Comme tous les autres pays, il se positionne pour obtenir une part du butin syrien. Pour rappel, une grande partie de l'économie syrienne est nationalisée ou appartient à des proches du parti Baas. Il y a donc des opportunités pour les compagnies occidentales d'acquérir des parts dans le domaine pétrolier, des télécommunications, de la distribution des resources, de l'armement, etc.
Le Royaume-Uni est avec la France un des principaux défenseurs des intérêts israéliens.
Les États-Unis espèrent récupérer une Syrie sans Bachar al Assad dans leur giron mais ils sont dans une passe difficile. Les sondages sont hostiles à une intervention en Syrie. Barack Obama doit composer avec la Russie pour l'Iran et l'Afghanistan. Il n'aura jamais un accord de la Russie au Conseil de Sécurité de l'ONU pour une intervention en Syrie.
Il sait que Genève 2 n'a aucune chance d'aboutir à un résultat. Il va sans doute profiter des manoeuvres militaires en Jordanie pour former et équiper les éléments modérés de l'opposition armée syrienne et ouvrir un nouveau front au sud de la Syrie en espérant que Bachar al Assad commette une erreur qui permettrait l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne. Il peut aussi l'instaurer sans attendre une erreur. La grande inconnue est de savoir s'il trouvera suffisement de combattants. Il devra sans doute suciter des défections dans l'armée arabe syrienne.
La Russie n'a pas varié de position depuis le début. Elle est restée cohérente et est le seul pays à avoir des contacts avec toutes les parties du conflit. Tartous ou un autre port syrien deviendra le port d'attache de la flotte de le Méditerrané (Tartous est actuellement un point de support logistique) en cas de maintien de Bachar al Assad au pouvoir.
Peut-être même sans avoir été déployés et utilisés (sauf contre des F4 turcs le 22 juin 2012) les missiles russes auront reçus une grosse publicité et ils seront certainement demandés par de nombreux pays. Des missiles qui sont craints par Israël et par les États-Unis, cela doit être rare. Je pense aux S300 sol/air, aux SSN-26 anti-navires et aux Iskander-M sol/sol.
Les armes chimiques.
D'abord, il faut rappeler que toutes les armes à feu sont chimiques puisque c'est un composant chimique qui provoque la détonnation.
Si on parle de gaz, les gaz lacrymogènes, paralysants, soporifiques et autres sont aussi des gaz chimiques et ils sont utilisés par les forces de l'ordre dans tous les pays y compris la France.
Il reste les gaz de combat que les Européens ont utilisés les premiers à partir de 1915 (ypérite) et les terribles gaz sarin et innervant.
Est-ce que certain de ces gaz ont été utilisés en Syrie, par qui et à quelle échelle ? Il semble que oui mais pas de façon massive comme à Halabja en 1988 par exemple. Or, il semble à beaucoup d'analystes que la ligne rouge évoquée par Barack Obama concernait l'utilisation massive de ces gaz comme lors de la guerre Iran – Irak. Bachar al Assad n'est pas suicidaire et ne se lancera pas dans une telle aventure. Qui a utilisé des gaz et quels gaz ont été utilisés en Syrie ? La question reste ouverte mais Barack Obama doit être furieux contre certains de ses alliés qui veulent le forcer à intervenir en Syrie en interprétant ses propos à la lettre.
J'ai trois questions à poser aux "journalistes" qui sont revenus avec des échantillons prélevés sur place.
Aviez-vous emporté des fioles stériles en Syrie et avez-vous une compétence particulière en gaz de combat qui vous a permis de prélever ces échantillons ?
Si du personnel local, médecins ou autres, s'est chargé de prélever des échantillons, avez-vous vraiment suivi ces échantillons des yeux et pour garantir la fiabilité de leurs analyses ?
Avez-vous gardé un double des échantillons prélevés pour une éventuelles contre-analyse ?
Pour des experts étasuniens et spécialistes en gaz chimiques, l'utilisation de gaz sarin en Syrie est sujet à caution [15].
Il faut quand même mentionner que la Syrie a des stocks de ces gaz qui sont le contrepoids des armes nucléaires israéliennes et qui sont plutôt destinées à répondre à une attaque nucléaire. Israël a donc un grand intérêt à voir ces armes être éliminées.
Bachar al Asaad.
Je n'ai aucune envie de me confondre en excuses et de commencer par écrire que c'est un dictateur mais moins pire que les autres. Je ne le pense pas et je ne l'écrirai pas.
Comme tout dirigeant, il a commis des erreurs mais il n'est pas l'homme qui tire sur son peuple comme ses ennemis le présentent. S'il avait voulu le faire, les morts se compteraient par centaines de milliers.
Bachar al Assad a su montrer qu'il a la stature d'un chef d'État dans les moments les plus périlleux pour son pays. Il n'est pas responsable, des crimes commis sur le terrain par des milices civiles qu'il ne contrôle pas. Gardons à l'esprit qu'il s'agit d'une guerre civile qui par définition oppose des civils incontrôlés.
L'armée arabe syrienne (l'armée régulière) est disciplinée, majoritairement composée de conscrits et elle lutte pour l'unité du pays non seulement contre des rebelles syriens qui ne veulent pas négocier avec Bachar al Assad mais aussi contre un nombre indéterminé mais certainement important d'éléments étrangers bien aguerris et rompus à la guerilla urbaine.
Les services secrets syriens qui pratiquent des exactions contre des détenus (mais les États-Unis ont fait de même en Irak et en Afghanistan) échappent au contrôle du Président et ils ne peuvent être réformés en temps de guerre.
Bachar al Assad est aujourd'hui incontournable et que ceux qui en doutent me citent le nom de quelqu'un d'autre capable de le remplacer.
Au début des évènements, il a ouvert la politique à un système pluraliste et il a libéré les prisonniers politiques dans le silence total des médias occidentaux.
Un rapport interne de l'OTAN (à ma connaissance, il n'a pas été démenti) donne à Bachar al Assad 70 % de soutien dans son pays et seulement 10 % de rejet [16]. Ce rapport n'a surement pas fuité par hasard. Cela signifie qu'on peut s'attendre à une courbe rentrante des États-Unis après sans doute un dernier baroud d'honneur pour ne pas perdre la face.
Il n'y a que lui qui peut conduire son pays vers une transition plus démocratique et, si cela réussi, ce sera l'exemple qui fera peur à tout ses voisins. Il est clair que ce ne pourrait se faire qu'après la fin de cette guerre et sans doute après une réconciliation nationale dont seront exclus les mouvements takfiristes.
L'avis que je donne ici concerne la personne de Bachar al Assad seul et pas son entourage.
Les réformes.
Voila bien un mot vide de sens. Chaque Syrien, chaque communauté, chaque région a ses attentes et si une réforme constitutionnelle ne les rencontrait pas toutes, ils diraient qu'on ne les a pas entendus. J'entends souvent dire qu'on était bien en Syrie avant, qu'on avait tout.
Pourquoi alors tout bouleverser. Ne vaut-il pas mieux partir de ce qu'on avait et qui marchait plutôt bien que de subir le chaos ?
Genève 2.
Tant que ceux qui soutiennent les rebelles auront un espoir renverser Bachar al Assad par les armes ou suite à une longue guerre d'usure, cette conférence n'a aucune chance de réussir.
Dans de nombreux pays musulmans, les oulémas sunnites lancent des appels au jihad en Syrie [17], ce qui amènera une nouvelles vague de combattants.
Les Occidentaux n'ont pas encore épuisés toutes les options pour renverser Bachar al Assad par la force et ils sont prêts à l'escalade.
Cela prouve que Barack Obama n'a pas été sincère en acceptant de monter cette conférence avec les Russes. Il est vrai qu'il subit beaucoup de pression de ses alliés et du Congrès des Etats-Unis pour une intervention armée. Il est clair que pour lui et ses alliés, l'objectif est un changement de régime en Syrie quel que soit le coût en vies humaines. La cessation de la barbarie n'est pas n'est pas une option si elle ne s'accompagne pas d'une victoire géostratégie. C'est lamentable pour un prix Nobel de la Paix mais finalement pas si étonnant que cela.
Cette conférence n'aura sans doute pas lieu parce que les principaux belligérants de l'opposition n'ont pas envie d'y participer.
Message aux journalistes professionnels.
Vous rendez-vous compte que votre couverture partiale de la guerre civile qui se déroule en Syrie contribue à exacerber les sentiments de certains jeunes musulmans en révolte de chez nous. Si cela devait les encourager à devenir jihadiste en Syrie ou ailleurs et s'ils y commettaient des actes terroristes ou barbares, votre responsabilité morale serait engagée et vous seriez peut-être un journaliste terroriste.
Quand vous vous rasez le matin, demandez-vous si l'homme que vous voyez dans le miroir peut regarder les familles des victimes des terroristes les yeux dans les yeux.
Message à tous les candidats jihadistes.
Si se battre pour ses convictions peut parfois être noble, cela ne veut pas dire que toutes les causes méritent d'être défendues et surtout pas par les armes.
Si vous reveniez dans votre pays de départ, on ne vous accueillerait pas en héros. Vous subirez certainement des interrogatoires serrés par les services de sécurités [18] et vous serez l'objet d'une surveillance permanente.
Est-ce que vous vous adapterez encore à la vie civile après avoir participé à toutes ces horreurs ? Posez-vous la question avant de partir.
Message à tous les Syriennes et à toutes les Syriens.
Vous êtes les principales victimes d'une guerre guidée par des étrangers. Vous n'avez pas voulu cette guerre, vous vouliez seulement plus de liberté et de justice mais ceux que vous n'aviez pas désignés et qui se sont mis à parler en votre nom vous ont confisqué votre combat et votre parole et ils n'ont écouté que les conseils de leurs sponsors qui se font appeler "Les Amis de la Syrie".
Vous êtes de plus en plus nombreux à dire "Arrêtons tout ça" mais d'autres, ceux qui se disent vos amis ne craigne pas d'encore faire couler plus de sang et ils veulent voir encore plus d'armes dans votre pays.
Je ne sais que vous dire. Je suis triste de voir des dirigeants occidentaux se comporter ainsi. Je ne peux qu'espérer que de plus en plus de citoyens épris de vérité, de vrais démocrates, osent s'opposer à ces va-t-en-guerre et qu'ils finiront par être entendus.
Message à tous les citoyens qui regardent, écoutent ou lisent les médias.
Vouloir être objectivement informés est un choix personnel de l'utilisation de son temps libre. Cela demande un travail de recherche, d'étude et de tri de l'information. La plupart des gens n'ont le temps que de regarder un journal télévisé par jour et de lire un article de magasine de temps en temps en faisant confiance à l’objectivité des journalistes. C'est déjà bien parce que tout le monde ne le fait pas mais insuffisant, surtout si les sources ne sont pas variées. Vous pouvez tous chercher "Syrie" sur Youtube et surfer sur les vidéos proposées. Ayez le coeur bien accroché parce que c'est dur à regarder. Demandez-vous ensuite si les médias vous donnent une information objective de cette guerre civile.
Les vidéos montrent des violences barbares commisent par les deux camps et on peut légitimement se demander ce qu'un apport de nouvelles armes va changer.
Quelques réflexions personnelles.
Des centaines, peut-être des milliers, de jeunes européens sont partis rejoindre l'opposition en Syrie. Certains sans doute avec la bienveillance des autorités de leur pays d'origine. D'autres ont été recrutés par des organisations islamistes qui se déclarent ennemies de la démocratie et cela, semble-t-il, sans éveiller l'attention des services policiers. Se rend-on compte que cela signifie que des réseaux de recrutement de combattants jihadistes sont installés dans l'Union européenne et qu’ils peuvent agir de façon clandestine sans être inquiétés ?
A-t-on remarqué le déplacement des brigades jihadistes de l'Irak et de l'Afghanistan vers la Syrie ? On sait qui les manipule aujourd'hui. On peut en déduire que ce sont les mêmes qui les finançaient avant. Pour ceux qui veulent des noms de pays, souvenez-vous de la nationalité des responsables des attentats du 9/11.
On peut comparer le jihad actuel aux croisades des XIe et XIIe siècles, quand l'Europe féodale envoyait ses enfants les plus turbulents se tailler un royaume en Orient.
Comme eux, les Jihadistes sont partis combattre pour leur religion en Syrie pour instaurer un califat islamique sur des terres conquises. Comme les croisés, ils sont embrigadés, équipés et à la merci de leurs mentors.
Quelle solution pour l'avenir.
Il n'y a pas de solution à cette guerre civile applicable immédiatement. A mon avis, pour faire cesser cette tuerie, les Occidentaux doivent commencer par reconnaître la légitimité de gouvernement syrien actuel vu que c'est le souhait des Syriens eux-mêmes (70 à 90 %). Une reflexion plus profonde sur l'avenir de la Syrie pourrait avoir lieu ensuite avec une cessation des combats, un retrait des non-Syriens, un retour des militaires dans leurs casernes suivi d'élections présidentielles libres en 2014 pour enfin avoir l'avis de la population. Tout cela devrait se faire sous la supervision de l'ONU et sous la protection de casques bleus.
Ce serait une solution de bon sens mais il y a plusieurs hics.
Les rebelles et leurs sponsors perdraient la face s'ils ne remportaient pas les élections contre Bachar al Assad. C'est bien pour cela qu'ils exigent son départ ou que, pour le moins, il ne se présente pas à une future élection présidentielle.
Vu les divisions qui règne dans les rangs de l'opposition, qui pourrait se dégager comme leader ? La coalition anti Bachar al Assad est contre nature. On y retrouve des laïcs, des Frères Musulmans, des combattants de Jabhat al Nosra (affilié à al-Qaïda), des groupes mafieux locaux, des militaires déserteurs. Quel est le lien qui uni tous ces opposants à part de vouloir le départ de Bachar al Assad ? Et n'oublions pas qu'il y a aussi une opposition syrienne de l'intérieur et de l'extérieur qui a rejetée la violence armée et qui est sans doute la plus légitime.
Et, last but not least, imaginons un pays arabe réellement libre, quel danger pour les petromonarchies féodales du Golfe !
J'ajoute en dernière minute que les Occidentaux veulent continuer la politique de la lutte armée et que cela signifie que le conflit durera encore très longtemps.
[1] Gerard Chaliand dit dans de nombreuses interview que l'entente Chine-Russie est temporaire. Ici à partir de 7,30 m. http://www.youtube.com/watch?v=ANKq1EkqpEg
[2] http://fr.rian.ru/world/20080721/114504563.html
[3] Les États-Unis crée 85 milliards de dollars tous les mois. http://business.financialpost.com/2013/06/14/unwinding-qe-too-quickly-could-rock-global-markets-imf-warns/
[4] http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/la-nouvelle-strategie-de-defense-107758
[5] Chapitre 1 – Article 2 - § 7 http://www.un.org/fr/documents/charter/chap1.shtml
[7] Des tireurs embusqués avaient tiré sur les manifestants et l'opposition avait fait porter la responsabilité des morts sur la police de Hugo Chavez. https://www.youtube.com/watch?v=YlfKCTFE5CI
[8] Roland Dumas dit que l'invasion de la Syrie par les rebelles était préparée bien avant le début des manifestations. A partir de 27,40 m. https://www.youtube.com/watch?v=sSie6caCCy0
[10] http://fr.wikipedia.org/wiki/Pacte_du_Quincy
[11] Le takfirisme et le salafisme soutenus par les Wahhabites. http://libnanews.com/2013/05/13/le-leviathan-arabo-wahhabite-nest-il-pas-plus-dangereux-que-le-programme-nucleaire-iranien/
[12] http://www.algerie-focus.com/blog/2013/06/16/qatar-lemir-hamad-ben-khalifa-al-thani-pousse-vers-la-porte-de-sortie/
[13] http://www.youtube.com/watch?v=fAoiK3khtwE
[14] http://www.planetoscope.com/mortalite/778-nombre-d-enfants-mourants-de-faim-dans-le-monde.html
[15] http://www.montereyherald.com/rss/ci_23465558?source=rss
[16] http://lefirago.overblog.com/l%E2%80%99otan-admet-que-70-des-syriens-soutiennent-bachar-el-assad