La Tunisie cherche toujours son identité
par A.
samedi 13 avril 2013
Depuis la révolution, il y a deux ans de cela, la Tunisie est devenue le centre d'intérêt d'un nombre important de journalistes, blogueurs, intellectuels et politiques arabes.
Le citoyen lambda s'intéressa désormais aussi à ce pays. Il y découvrit une conception différente de la vie sociale : la Tunisie est le seul pays arabe où le mariage civil est appliqué. Point de polygamie, ni de divorce unilatéral, mais une loi civile qui garantit des droits et devoirs similaires aux hommes et aux femmes. Cependant, cette modernité a ses limites : l'homme obtient toujours deux fois plus que la femme lors de l'héritage.
Le citoyen arabe découvrit aussi un pays pseudo-laïque, où le voile était toléré difficilement par l'ancien régime. Mais aussi découvrit que, selon la constitution, la Tunisie reste un pays islamique.
Mais d'un autre côté, le monde découvrit un pays en proie à des divisions et des tensions sociales énormes. La division classique entre conservateur et libéraux ne suffisait pas, la Tunisie se divise à l'infini : terroristes armés, salafistes en marche, islamistes aux doubles visages, et aussi des islamo-conservateurs, des pseudo-libéraux, des partis financés par de l'argent du pétrole, et finalement les classiques partis de gauche, communistes, et autres courants radicaux de la lutte des classes.
Cela parait, à premier abord, le résultat de la démocratie : une liberté qui se traduit par une diversité politique très large. Sauf que cela a ses effets de bord.
- Assassinats, dont l'exemple le plus connu est Chokri Belaïd. Cependant d'autres opposants ont été assassiné aussi.
- Financement illicite et de sources étrangères des partis politiques : Ennahda par exemple, et aussi le président de la république Moncef Marzouki. Ce dernier écrit toujours des articles socio-philosophiques sur le site de la chaine qatarie Al-Jazeera et est rémunéré pour cela. Pour Marzouki, cela ne parait pas gênant. Par contre, pour la souveraineté nationale du pays, c'est une autre histoire.
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Révoltes économiques récurrentes. La révolution tunisienne a été le résultat direct de la crise alimentaire de 2008. Cette dernière s'est traduite dans des multiples émeutes, notamment en Afrique. A l'aube de la révolution tunisienne, le monde arabe suivait les émeutes égyptiennes (qui ont mené à la révolution égyptienne en janvier).
Les problèmes économiques s'aggravant, les émeutes et révoltes locales se sont multipliées en Tunisie (en particulier à Siliana). -
Insécurité et impunité grandissantes. Des salafistes qui attaquent les directeurs de lycées ou d'universités. Un président qui gracie des milliers de prisonniers, dont des violeurs qui recommencent à violer deux jours après leur libération. Des milices islamistes qui patrouillent dans certaines villes. Des policiers qui violent en accusant la victime, etc.
Certes la Tunisie n'est pas encore un pays dangereux à visiter ou à vivre. Certes aussi les crimes restent relativement rares, et c'est pour cela qu'ils font les titres des journaux. Mais ceux qui connaissaient la Tunisie d'il y a deux ans savent que la dégradation n'est pas négligeable.
Est-ce le prix de la démocratie ? En France, aux États-Unis, ou en Angleterre, l'insécurité, des émeutes, la corruption politique, voire des assassinats, existent. Peut-on comparer la Tunisie à ces démocraties ? La question mérite d'être posée, mais la réponse n'est guère optimiste pour la Tunisie.
Longtemps éclipsée par les grandes puissances arabes (Égypte, Algérie, Arabie Saoudite, Irak, Syrie), ou par les pays à conflits permanents (Liban, Palestine), la Tunisie fut découverte par les populations arabes en 2011.
La Tunisie découvrit aussi le monde arabe, avec toute sa complexité, sa beauté, et ses problèmes. Des centaines, peut-être des milliers de jeunes tunisiens et tunisiennes partirent combattre en Syrie. D'autres cherchaient à émigrer en Europe ou ailleurs. Certains voulaient contrôler le pays, tandis que la majorité décidât de se taire. Et finalement, une partie refusa la capitulation et prôna la résistance.
En d'autres termes, la démocratie ne s'est pas installée en Tunisie. La bataille pour la démocratie, la liberté, et l'égalité n'est pas encore terminée. Et cela est un bon signe.
Tout comme l'Égypte, une partie de la population tunisienne refuse de ne pas avoir une démocratie et une liberté longtemps rêvées. La lucidité de cette population est encourageante : elle sait que la fenêtre d'action pour arriver à la démocratie et à la liberté est restreinte. Si le peuple ne se bât pas aujourd'hui pour sa liberté, demain ce sera trop tard. Le prochain rendez-vous étant dans 50 ans.