Le bout du tunnel pour la Tunisie ?

par Henri Diacono
mardi 17 décembre 2013

 Pas si sûr ! Le doute s’est installé et le bât blesse toujours. C’est à dire les craintes de voir s’installer pour le long terme un pouvoir parfumé d’islamisme… à défaut du jasmin tant souhaité depuis prés de trois ans.

 Conformément à ce que demandait son peuple dans son ensemble mois après mois par la voix de ses représentants syndicaux, toutes classes confondues, la Tunisie s’est réveillée dimanche avec un nouveau chef de gouvernement chargé de la conduire, enfin, et le plus vite possible, vers une véritable démocratie, mais c’est en effet la qualité de l’homme choisi et les conditions dans lesquelles il l’a été qui posent question.

 A l’issue d’interminables palabres et de querelles, le nouveau promu, Mehdi Jomaâ, 51 ans technocrate, ingénieur de profession ayant fait toute sa carrière professionnelle au sein du groupe Total, n’a été désigné que par 11 des partis politiques sur les 21 qui avaient à désigner le nouveau premier ministre dit de "transition". Chez les déficients, quatre se sont abstenus et les six autres ont tout simplement marqué leur désaccord en quittant, excédés, la salle des délibérations. Parmi eux, les principales formations dites d’opposition au groupe des « islamistes modérés » d’Ennahda, c'est à dire les poids lourds Nina Tounés (centre droit) et Front Populaire (gauche). C’est d’ailleurs cette dernière qui avait payé le prix du sang récemment, avec l’assassinat de deux de ses dirigeants les plus influents, par un groupe terroriste. Très vite les assassins avaient été identifiés, mais tardivement poursuivis en vain à l’époque, par le Ministre de l’Intérieur devenu par la suite la tête du gouvernement, issu comme le précédent de la mouvance des Frères Musulmans.

 Et c’est justement là que le bât blesse. Dans ce dernier gouvernement des « frères » siégeait au poste de Ministre de l’Industrie …Mehdi Jomaâ. Donc pour une grande partie des tunisiens, celui qui est chargé aujourd’hui de relancer la Tunisie vers la démocratie, est proche d’Ennahda le parti responsable, selon les citoyens, de l’actuelle descente aux enfers du pays et que quelques éditorialistes locaux comparent à une secte. Dans l’ensemble de la Presse locale, des sites d’informations et des réseaux sociaux, les craintes, voire même le rejet d’une telle désignation, ont fleuri. De même qu’au sein des partis d’opposition où quelques uns n’ont pas hésité à la décrire comme une mascarade ayant conduit « à une nouvelle manœuvre frauduleuse et mafieuse des islamistes ». 

 Pourtant çà et là au lendemain même de cette attribution contestée, quelques voix se font entendre proposant une patience supplémentaire de quelques jours avant de se faire une opinion définitive sur la valeur indépendante du nouvel élu. Celui-ci devra, dans un peu plus d’une semaine, former un cabinet réduit (de transition donc) composé de spécialistes apolitiques comme l’ont exigé les syndicats d’ouvriers, du patronat, des avocats et la Ligue des droits de l’Homme, initiateurs de cette démarche et du programme complet de celle-ci. Charge donc à ce cabinet d’avaliser, après avis de juristes, la nouvelle constitution sur laquelle planche, en vain, depuis des mois et des mois l’Assemblée Nationale Constituante, puis de désigner une commission, indépendante du pouvoir politique, chargée d’organiser les élections générales et de les valider. Une fois cette tâche accomplie, le cabinet et son chef démissioneront et laisseront la place aux politiques et leurs élus.

  Il aura en outre et avant de de s'effacer, stoppé dans le pays l’inflation galopante, rassuré les instances (financières surtout) internationaes en renforçant sur place la sécurité contre une éventuelle recrudescence du terrorisme attribué à Ansa Charia ( Rien que la Charia) un groupe salafite aux ordres d’Al Quaïda Maghreb qui, selon des sources dignes de foi (agences de presse), vient de tenir congrès à Benghazi, en Libye. Il est bon de rappeler à ce sujet qu’il y a plus d’un an Rached Ghannouchi , leader tunisien de la « Confrérie des Frères Musulmans  » s’était affiché publiquement en compagnie du chef, aujourd’hui en fuite, de la « filiale » tunisienne de ce groupe armé placé sur la liste internationale des "groupes terroristes".

 Dans quelques jours cette nation si peu belliqueuse qu’est la Tunisie apercevra donc ou non le bout du tunnel. Dans la crainte d’une nouvelle déception, les services sécuritaires du pays, garde nationale, police et armée, se prépareraient déjà, en dehors de leurs hauts commandements respectifs mais à travers la volonté de leur syndicat commun en ce qui concerne les deux premières nommées et d’officiers pour l’armée, à intervenir an cas de troubles graves, voire même d’une guerre civile.

 Pour le grand malheur, si proche de l'Europe, de l'Afrique du Nord qui a déjà vécu une telle tragédie en Algérie et qui la vit actuellement avec la Libye. Un grand malheur également pour tout le monde arabophone de confession musulmane, qui avec un symbole tunisien détruit, s'ajouterait les déboires de l'Egypte, remous et vioences aveugles de la Syrie, en Irak et en Afghanistan pays et contrées où la diplomatie occidentale, s'appuyant souvent sur ses alliés de la Péninsule Arabique et Israël, a perdu toute fiabilité, accumulant erreurs sur erreurs, par mensonges, laxisme, méconnaissance des populations concernées ou...profits à court terme. 


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