Le cauchemar étasunien, conclusion 2/2 : cette société qu’il faut arrêter de suivre

par Laurent Herblay
mardi 14 novembre 2017

L’analyse des dérives de la société étasunienne ne cesse de progresser, de la vraie gauche, menée par Bernie Sanders, aux tenants de ce modèle, comme The Economist. Malheureusement, le logiciel de nos dirigeants ne semble pas avoir recouvert de la chute du mur de Berlin et reste en pilotage automatique sur le chemin tracé par les Etats-Unis, comme l’a souligné récemment Régis Debray.

 

Refermer enfin la page de la guerre froide
 
Pendant les Trente Glorieuses et la guerre froide, les Etats-Unis ont été nos alliés, et le modèle économique mis en place par Franklin Roosevelt, fait d’un Etat interventionniste, de conquêtes sociales, de progressisme fiscal et de forte réglementation financière, a permis une croissance régulière et équitablement partagée, sans les crises qui avaient agité le capitalisme dérégulé de la fin du 19ème siècle et du premier tiers du 20ème siècle. Malgré de vraies zones d’ombre, qu’il ne faut pas ignorer, les Etats-Unis pouvaient être une source d’inspiration pour certains. Mais à cette époque déjà, Washington était trop impérialiste, ce à quoi la France du Général de Gaulle avait su s’opposer dans les années 1960.
 
Mais aujourd’hui, alors que les innombrables limites du modèle étasunien deviennent chaque jour plus visibles, bien des élites françaises ou européennes continuent de suivre un peu trop aveuglément le chemin tracé par l’Oncle Sam. Pourtant, l’état de cette société dont la violence endémique fait de plus en plus de victimes dans le corps social, ces « morts de désespoir » qui ont plus que doublé en deux décennies, devrait inciter à la prudence. Il faut malheureusement croire que le vernis de la modernité digital des GAFAM tourne la tête de ceux qui célèbrent la vivacité du capitalisme étasunien en fermant les yeux sur son carcatère aussi destructeur qu’à la recherche de rente asservissante.
 
La contestation monte heureusement. Les pays asiatiques ont refusé le consensus de Washington, se gardant bien de lever les lourdes protections de leurs agriculteurs (le riz importé est taxé à plus de 300% au Japon), mais aussi de son industrie, ayant compris les vertus d’un protectionnisme aussi fort que bien ciblé. Les pays d’Amérique Latine, qui ont subi l’impéralisme étasunien, se sont éloignés de ce gringo envahissant et irrespectueux, d’abord à Caracas et Buenos-Aires, avant de toucher le reste de la péninsule. Même nos vieux pays européens ont pris leurs distances depuis 2003, et la guerre injustifiée en Irak. Les allemands sont de plus en plus inquiets sur les questions de liberté civile.
 
Mais ce mouvement des opinions publiques et de quelques pays n’a toujours pas abouti à une vraie remise en question géopolitique dans les pays dits occidentaux. Pire, la France, après avoir été en pointe en 2003, est aujourd’hui à la traine dans la prise de distance (sur Cuba, la Russie, l’Iran ou l’extra-territorialité de son droit) devrait imposer une prise de distance beaucoup plus forte. Comme si la menace terroriste islamiste paralysait ces dirigeants qui n’osent pas remettre en cause ce qui devrait l’être (l’OTAN, le dollar), par peur de se retrouver seul face à « l’axe du mal »… Il est vrai que les failles de certains contre-modèles érigés un peu trop rapidement en modèles, ne facilitent pas les choses.
 
Heureusement, pour paraphraser Régis Debray, nous ne sommes pas encore complètement devenus étasuniens. Malgré la progression des inégalités, de la violence sociale et du communautarisme sous toutes ses formes, nous avons su conserver une partie de nos spécificités, qui font que la France refuse le burkini et le voile à l’école, quand les anglo-saxons ne voient même pas le problème que pose la burka. Nos sociétés sont moins violentes, moins inégales et notre ascenseur social, certes grippé, y fonctionne moins mal. Nous continuons à refuser ce capitalisme totalement dérégulé où la quête de l’argent passe avant la santé ou tout simplement, de notre environnement terrestre.
 

 

Malheureusement, le poisson pourrit parfois par la tête et on voit bien que la direction prise par le président actuel s’inspire clairement des Etats-Unis, son modèle, économique comme politique, au moins autant que Nicolas Sarkozy avant lui. Macron semble vouloir faire ressembler la France aux Etats-Unis. Un triste projet qu’il convient de combattre avec la plus grande énergie.

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