Le « chef de guerre » Hollande va de Mali en pis...en Centrafrique

par Sam La Touch
mardi 11 juin 2013

De l'impérial-socialisme en Afrique.

Depuis son invasion programmée du Mali, François Hollande est présenté dans les médias d'Etat comme "un chef de guerre". C'est par ce sobriquet qu'il est usuellement désigné lorsqu'il s'agit d'évoquer la situation au Mali. Ainsi plusieurs titres de l'AFP reprennent cette dénomination. Le 30 avril 2013 l'AFP émet une dépêche intitulée : "Hollande s'est imposé en chef de guerre dès le début de son mandat". Cette désignation est présentée par les journalistes avec une valence positive. Pourtant le paradoxe vient d'une dépêche de l'AFP en date du 5 juin où l'on présente François Hollande comme le chef de guerre ayant reçu un prix décerné par l'UNESCO pour la paix au Mali : "Hollande, chef de guerre, récompensé pour la paix au Mali". Les terme de "guerre" et de "paix" peuvent paraître à bien des égards antinomiques sauf à considérer que nous sommes entrés de plein pied dans un monde Orwellien où la paix serait la guerre tandis que la guerre serait la paix. On peut se sentir quelque peu confus face à ce genre d'injonction paradoxale. Mais l'on nous dit que l'Etat-major a agi ainsi pour le bien de la population locale face aux islamo-terroristes. Ces derniers avaient pourtant été armés par la France en Libye. Ce qui n'aide pas non plus à faire plus de clarté sur la politique étrangère de la France dans cette région. Cette notion de "doit d'ingérence" puisque c'est bien de cela dont il s'agit n'est-elle pas la perpétuation d'une logique coloniale de civilisation ? En somme, le droit d'ingérence est-il un héritage direct de la pensée coloniale du XIXème siècle ? Est-ce une variante améliorée de l'idéologie de Jules Ferry qui justifiait sous la IIIème République la colonisation par la civilisation des peuples dits inférieurs ? Cette fois-ci ces peuples ne sont plus considérés comme inférieurs mais comme en danger justifiant l’intervention guerrière pour leur rendre leur liberté et leur autonomie. Encore plus incompréhensible. A peu de chose près, ce fut l’argument utilisé par les Nazis pour justifier l’occupation de la Tchécoslovaquie en 1939 face aux exactions commises sur les Allemands dans la région des sudètes. Le Führer avait évoqué le « droit des nations » pour exiger de Prague l'annexion au Reich de la Région des Sudètes et avait déclaré « L'Europe connaîtra ensuite la paix pour mille ans ». Le Führer obtiendra gain de cause avec l'aval du président du Conseil français Édouard Daladier, du Premier ministre britannique Neville Chamberlain et du duce italien Benito Mussolini, lors de la signature des accords de Munich, le 29 septembre 1938.

A l’instar d’Obama, grand chef de guerre occidental, Hollande a reçu lui aussi un prix pour la paix. Les temps changent et les prix Nobel ou de l'UNESCO pour la paix sont décernés à l’Ouest à ceux qui font la guerre et non la paix. Les futurs Martin Luther King, les Mandela n’ont qu’à s’armer d’une kalachnikov ou d’un M16 et aller jouer les justiciers à la Rambo s’ils veulent obtenir une distinction internationale pour leur action en faveur de la paix dans le monde. De plus, le prix pour la paix de l’Unesco est entachée d’une controverse. Il porte le nom de prix « Houphouet Boigny », ancien premier ministre de Côte d’Ivoire mis en place par la France sous mon général avec son bras droit Foccart proche des milieux d’extrême droite. Houphouet Boigny ce dictateur kleptocrate installé par la France pendant 30 ans au pouvoir est accusé d’avoir organisé la ruine de son pays au profit des anciens colons, d’avoir saboté les projets indépendantistes en Afrique, d’avoir multiplié les conflits dans la sous-région en organisant avec ses mentors français les livraisons d’armes et l’entraînement des rebelles notamment au Libéria au profit des dictateurs Blaise Compaoré et Charles Taylor. De plus, le "chef de guerre" Hollande a reçu son prix en présence de Blaise Compaoré dictateur au Burkina Faso indirectement impliqué dans les conflits les plus sanglants d’Afrique de l’Ouest, d’Alassane Ouattara président de la Côte d’Ivoire imposé par les armes françaises, d’Idriss Déby Itno dictateur du Tchad maintenu à son poste en 2008 grâce à l’intervention de l’armée française.

Cette autocélébration à l’UNESCO, avec des dictateurs éminents de la Françafrique, de la politique de pacification coloniale hollandaise au Mali à l’odeur de la poudre. Et le moins que l’on puisse dire c’est que la situation au Mali est loin de s’être améliorée après l’intervention de l’armée française au Mali. Deux rapports distincts d’Amnesty International d’une part et de Human Rights Watch d'autre part dénonce de graves exactions commises par toutes les parties en conflit au détriment des populations locales. Selon Amnesty International, la situation se serait même dégradée depuis l'intervention française.

Amnesty affirme que "des civils font partie des dizaines de personnes tuées, torturées et disparues, y compris en détention, depuis le lancement de l'intervention de l'armée française il y a cinq mois". "Le bilan des forces de sécurité maliennes en matière de droits de l'homme est simplement terrible", selon Gaëtan Mootoo, à l'issue d'une récente mission au Mali, "elles continuent à violer les droits de l'homme, sans crainte apparente d'en être tenues responsables".

" L'armée malienne ne s'est pas battue pour la reconquête des villes du Nord mais une fois sur place, les soldats ont fait usage de leurs fusils sur des civils désarmés. Faits les plus graves dénoncés par Amnesty International : des exécutions, parfois de vieillards, parfois dans le dos, principalement de Touaregs ou d'Arabes, sans crainte de devoir rendre des comptes. L'organisation de défense des droits de l'homme dit avoir recueilli des informations sur plus de vingt cas de disparitions forcées et d'exécutions extrajudiciaires. Quand elles ne sont pas tuées, les personnes soupçonnées d'appartenir ou d'entretenir des liens avec l'ennemi jihadiste ou autonomiste sont régulièrement torturées au moment de leur arrestation ou pendant leur détention."

Amnesty "s'inquiète" que l'armée française et celles de pays africains également présentes au Mali "aient remis des prisonniers aux autorités maliennes alors qu'elles savaient, ou auraient dû savoir, que ces prisonniers risquaient d'être torturés ou maltraités". Les djihadistes sont aussi accusés "d'exécutions sommaires" et "d'enlèvements" de civils accusés de collaboration avec les armées française et malienne. Le Mujao et la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) sont en outre accusés "d'abus sexuels" contre des femmes et de jeunes filles, et d'avoir recours aux enfants soldats.

Human Rights Wath dénonce des exactions de plus en plus importantes dans les camps des forces maliennes et du MNLA. Ces derniers auraient fait prisonniers des dizaines d'hommes en raison de la couleur de leur peau et les maltraiteraient tandis que les forces maliennes loyalistes feraient de même.

De plus, les décisions du « chef de guerre » Hollande suscitent la controverse en Centrafrique. En effet dans ce pays, porte-avions français, le « chef de guerre » a refusé que les troupes stationnées à Bangui interviennent pour arrêter l’avancée des rebelles du Séléka qui ont démis le dictateur Bozizé précédemment installé par l’armée française comme ses prédécesseurs Patassé, Bokassa et consorts. Face aux appels pressants du dictateur Bozizé, le « chef de guerre » avait rétorqué «  La France ne défend que ses ressortissants et ses propres intérêts  ». Il se trouve que Bozizé avait commencé à lorgner économiquement sur la Chine. La majorité des dictateurs du Centrafrique, installés par l'Etat français, semblent avoir été démis en raison de leur volonté de se tourner vers la Chine dans leurs transactions économiques. Bozizé aura fini par connaître le même sort que Patassé. La chute du dictateur du Centrafrique, François Bozizé, mis en place par l'Etat français et son camp françafricain (Tchad, Congo Brazzaville, Angola), a été décidé car Bozizé était accusé de choisir le camp adverse (Chine, Afrique du sud) (Pourquoi l’impérialisme français a lâché Bozizé, son dictateur du Centrafrique, son homme de paille ? ).

"Plus de 500 soldats français sont déployés à Bangui, en République Centrafricaine, pour soutenir le nouveau régime dirigé par Michel Djotodia, chef de la coalition rebelle Séléka qui a évincé dernièrement le président de la RCA, François Bozizé. Djotodia a annoncé vouloir dissoudre le parlement et suspendre la constitution de 2004. « Nous nous engageons à conduire désormais la destinée du peuple centrafricain pendant cette période de transition consensuelle de trois ans… Pendant cette période de transition qui nous conduira à des élections libres, crédibles et transparentes, je vais légiférer par ordonnances, » a-t-il dit. Djotodia a déjà annoncé vouloir revoir les contrats miniers et pétroliers conclus entre la RCA et la Chine et signés par le gouvernement Bozizé, pour voir « si les choses ont été mal faites et essayer d'y mettre de l’ordre. » De plus, Djotodia a déclaré qu’il inviterait en RCA la France, son ancienne puissance coloniale, aux côtés des Etats-Unis, afin de former à nouveau l’armée officielle qui a été vaincue par la Séléka le week-end dernier. « Nous nous appuierons sur l’Union européenne pour nous aider à développer ce pays, » a dit M. Djotodia, en ajoutant que 80 pour cent de l’aide étrangère du pays provenait du bloc. « Quand nous avons été malade, l’Union européenne était à notre chevet. Elle ne nous abandonnera pas maintenant. » Effectivement, Djotodia planifie de remettre les ressources clé de l’économie centrafricaine à l’impérialisme européen."(WSWS Les dirigeants pro-français du coup d’Etat en Centrafrique jettent au rebut les accords pétroliers avec la Chine.).

Il est donc prévu que la France formera la future armée centrafricaine, selon un accord avec la Séléka montrant bien son opportunisme du moment pour ne pas parler de soutien direct. La situation du « chef de guerre » Hollande et des troupes françaises stationnées sur leur base en Centrafrique est devenue vite intenable dès lors que les rebelles islamistes du Séléka se livrent aux pires exactions. Les rebelles avec le soutien du dictateur Idriss Déby au Tchad et de manière implicite du « chef de guerre » François Hollande réalisent pillages, viols et massacres qui ont détruit une partie du tissu économique du pays figurant déjà parmi les plus pauvres de la planète. Derrière la Séléka, il y a la Francafrique. Et derrière elle les généraux de l'OTAN et de l'AFRICOM. L’Afrique est devenue l’arrière cour du « Grand Moyen Orient » de l'administration Bush et Obama, clé d’un « XXIe siècle américain ». Dans ce projet la tactique est simple, toujours la même : installé dans un état faible ou fragmenté un pouvoir militaire et des forces islamistes, tous deux gagnés à l’économie libérale et ne passant des transactions économiques qu'avec les pays issus des forces atlantistes.

Dans cette stratégie guerrière menée par la Françafrique et ses alliés atlantistes, le viol est utilisé comme armes de guerre par les rebelles. Des femmes ont marché à Bangui pour dénoncer ces exactions : « Dans une déclaration lue par Mme Suzane Onombelle, les manifestantes, formées en cercle, s’interrogent : « comment les mères centrafricaines peuvent-elles être honorées dans leur propre pays au vu des événements actuels ? Comment pouvons-nous festoyer dans la nudité, car violées, violentées et humiliées de manière très profonde et continue ? Comment pouvons-nous festoyer avec les meurtrissures dans de nos cœurs et les larmes aux yeux avec la perte de nos enfants, et nos maris, et nos biens ? Comment pouvons-nous festoyer avec la perte de notre dignité, de l’intégrité de notre nation ? Comment pouvons-nous festoyer alors que nos églises sont profanées ? … » (Afrik.com 28 mai 2013 Centrafrique : les femmes manifestent contre la Séléka). La Séléka mal financée se livre au pillage des commerces et des civils. «  ...Il est important de noter qu’il ne se passe pas une seule journée sans que les Centrafricains où qu’ils se trouvent sur toute l’étendue du territoire national, pleurent leurs parents tués par les combattants du Séléka. A Bangui, la capitale, les cas de meurtres et de tueries sont enregistrés tous les jours. Pas plus tard que dans la soirée du 19 avril, à 20 heures, un jeune homme d’une vingtaine d’années a été abattu dans le 6e arrondissement. Son corps a été jeté sur la voie publique au niveau de l’église Fatima. A ces cas de tueries volontairement perpétrées, s’ajoutent les nombreux cas de blessés et morts atteints par des balles perdues incessantes et inutilement tirées par les rebelles. » (Afrik.com)

La Cour Pénale Internationale (CPI) a lancé une enquête contre les rebelles de la Séléka et leur leader Djotodia en indiquant que « la situation en République centrafricaine s’empire de jour en jour et le nombre de victimes civiles affectées par des crimes graves ne cesse d’augmenter  ». Face aux exactions croissantes et aux enquêtes de la CPI, le MAE français Laurent Fabius a été obligé de se désolidariser du chef des rebelles : Michel Djotodia. Mais la France comme à son habitude entraînera la nouvelle armée de l'ex-rébellion à présent au pouvoir conformément aux accords passés entre eux.

"La prise de contrôle de Bangui par les rebelles de la Séléka, avec le soutien de la France et des Etats-Unis, représente la toute dernière étape d’une recolonisation qui est en cours en Afrique de la part des puissances impérialistes qui sont arrivées sur le devant de la scène grâce à la guerre en Libye. Ceci témoigne du caractère réactionnaire de la politique fondée sur l’ethnie de certaines factions bourgeoises et petites bourgeoises en Afrique et qui sont en permanence manipulées par les puissances impérialistes dans un contexte d’appauvrissement des travailleurs et des masses rurales."((Pourquoi l’impérialisme français a lâché Bozizé, son dictateur du Centrafrique, son homme de paille ? )

Au train où vont les choses, le "chef de guerre" François Hollande devrait bientôt recevoir le prix Nobel de la paix. On pourra pousser un cocorico de soulagement et les communiquants du "chef de guerre" ne parleront que de cela !



Sources :
Amnesty International 7 juin 2013 Les violations graves des droits humains se sont multipliées au Mali depuis l'intervention de la France, il y a cinq mois

HRW 7 juin 2013 Mali : New Abuses by Tuareg Rebels, Soldiers

WSWS 3 avril 2013 Les dirigeants pro-français du coup d’Etat en Centrafrique jettent au rebut les accords pétroliers avec la Chine.


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