Le combat actuel de Barack Obama : la réforme de la santé aux Etats-Unis

par Lucile
lundi 14 septembre 2009

Avant toutes choses, il nous faut tenter de comprendre le fonctionnement du système actuel.

La question essentielle est : qui doit protéger des risques sociaux (maternité, chômage, maladie, accidents du travail, vieillesse...) ?

Faut-il assurer en fonction du travail ou faut-il que ce soit l’Etat qui se charge de l’assurance de ses citoyens ?

La première solution correspond à ce qui est majoritairement installé aux Etats-Unis, tandis que la seconde renvoie à la protection sociale qui existe le plus en France. Pour la première, l’assurance est financée par des cotisations, alors que pour la deuxième elle est financée par l’impôt.

La première est appelée solidarité horizontale, car une marchandisation de la protection sociale est possible puisqu’on peut placer notre épargne en fonds de pension (c’est-à-dire qu’elle va être placée sur des marchés financiers et redonnée au propriétaire au moment venu), et la seconde est surnommée solidarité verticale puisque l’argent est redistribué des riches vers les pauvres (pour simplifier).

Mais en fait si l’on veut être plus réaliste, il faut signaler qu’en général les deux systèmes de protection sociale sont utilisés (la logique Bismarkienne pour le premier et la logique Beveridgienne pour le second, du nom des créateurs).

Ainsi, la France a adopté un système de sécurité sociale (qui relève de l’assurance, c’est-à-dire des idées de Bismark), mais a également choisi de combler les larges manques de ce dernier par une forme développée du système de Beveridge qui correspond davantage à une assistance. Quant aux Etats-Unis, ils ont décidé de compléter le système assistanciel, qui ne distribue que des remboursements très faibles dans ce pays, par un système assurantiel, qui permet à chacun de choisir ou non une couverture complémentaire privée. En effet, seulement 38% des entreprises payent une assurance à leurs employés. Les autres doivent souscrire eux-même à des assurances privées dont les coûts sont très souvent beaucoup trop élevés.

 

Voyons maintenant l’évolution historique de la protection sociale aux Etats-Unis.

En 1933, Franklin Delano Roosevelt lance le célèbre New Deal (la nouvelle donne) qui avait pour but de revoir les relations entre l’Etat et l’économie après la crise financière de 1929. Une politique de grands travaux, entre autres, est menée (construction de ponts, de barrages, reboisement, assainissement...) Ainsi, l’emploi est relancé. En effet, 2 millions de personnes vont travailler de près ou de loin à ces travaux. Dans la même logique, en 1935 est créée la Sécurité Sociale qui fournira une assurance financée par des cotisations salariales et patronales. Le système bismarkien fonctionnait donc très bien à ce moment là puisque le chômage avait été enrayé et que donc beaucoup de personnes pouvaient bénéficier d’une assurance.

Or aujourd’hui le chômage ne cesse d’augmenter. En 1965, le président Lyndon Johnson avait créé le Medicare et le Medicaid dans le cadre de la "guerre contre la pauvreté", le Medicare s’appliquant aux retraités et aux handicapés. Bill Clinton, en 1993-1994, avait déjà tenté d’instaurer une réforme du même type qu’Obama, mais avait échoué devant les protestations des républicains conservateurs qui se sont d’ailleurs servis de cet argument pour gagner les élections présidentielles qui ont suivi. Le même scénario risque de se reproduire pour Barack Obama, qui avait promis lors de sa campagne électorale d’offrir une couverture santé aux 46 millions d’américains qui en sont dépourvus (sur 305 millions d’américains en tout, soit 15% de la population). Il l’affirme lui-même : "Je pense qu’il y en a certains qui conçoivent ça comme une réplique des années 1993-1994. Vous savez bien : un jeune président arrive, il propose un système de santé. Cela échoue et alors les républicains utilisent ça pour gagner les élections au Congrès lors de l’élection d’après... Je pense que certains sont en train de vouloir dépoussiérer ce scénario".

 

En quoi consiste donc réellement cette réforme ?

Barack Obama et Joe Biben ont trois principaux objectifs :

  1. Pour ceux qui ont déjà une assurance, leur assurer plus de sécurité et de stabilité. Il s’agit en effet d’empêcher que les assurances baissent leur couverture-maladie quand les assurés sont malades, et réduire les coûts pour les soins préventifs comme les mammographies. De plus, Obama souhaite préserver Medicare et Medicaid.
  2. Pour ceux qui n’ont pas d’assurance, Obama veut en créer une qui aurait un prix abordable. Pour aider les personnes les moins favorisées, une bourse nationale d’assurance-santé sera créée.
  3. La réduction des dépenses de santé. En effet, le président des Etats-Unis affirme que sa réforme n’ajoutera pas un centime au déficit public. Un comité d’experts indépendant, composé de médecins et de professionnels de la santé, aura pour rôle d’identifier les fraudes, les abus et les pertes d’argent du système de santé. Cette réforme doit faire économiser 2 500 dollars à chaque famille américaine en faisant baisser les prix des médicaments et en obligeant les hôpitaux à réaliser un compte-rendu du coût de la santé.

 

Alors quelles sont les chances pour que cela marche aujourd’hui ?

Le 12 septembre, une manifestation a eu lieu à Washington le long de la Pennsylvania avenue qui relie le Capitole à la Maison Blanche. Les manifestants, qui parlent de "dérives socialistes et marxistes", scandaient des slogans tels que "l’Obamacare me rend malade". L’argument principal de ces contestataires était le coût que cette réforme pourrait avoir, soit 900 milliards de dollars (Des phrases telles que "Je ne suis pas un distributeur automatique de billets" figuraient sur les pancartes).

Cependant le lendemain, les partisans de cette réforme ont cherché à répondre à la manifestation de la veille en organisant la leur. Ils n’étaient certes que quelques centaines ou un millier tout au plus, mais étaient bien décidé à se faire entendre. En effet, ils tournaient en rond autour d’une fontaine près du Capitole en brandissant des pancartes où l’on pouvait lire "Etre pauvre, ça ne devrait pas être une condamnation à mort", ou encore "Non, je ne vais pas débrancher grand-mère". Une jeune manifestante ce jour-là expliquera la faible mobilisation par cette affirmation : "C’est décevant, oui, mais vous savez c’est plus facile de mobiliser les gens pour venir protester contre quelque chose que pour montrer qu’on soutient un projet".

Le dimanche soir, Barack Obama était invité à une émission intitulée Soixante minutes pour convaincre. Il réaffirmait à cette occasion qu’il était convaincu qu’il réussirait à obtenir du Congrès une loi qui remplirait les trois objectifs qu’il s’était fixés. Rappelons également que le Président des Etats-Unis a clairement précisé qu’il ne comptait pas toucher à ceux qui sont déjà assurés. En effet, il ne voulait pas reproduire l’erreur de Bill Clinton et propose une réforme moins radicale que celui-ci, et plus réaliste. 

 
Pour terminer sur une note positive, je rappellerais que deux tiers des américains ayant suivi le discours de Barack Obama mercredi soir dernier seraient convaincus par cette réforme, selon un sondage CNN/Opinion research publié le jeudi suivant. Ceci représente une hausse de 14 points par rapport à avant cette intervention. Une personne interrogée sur sept dit avoir changé d’avis suite à ce discours. Les sondeurs précisent néanmoins que les démocrates ont davantage suivi le discours que les républicains, ce qui déséquilibre la représentativité de l’échantillon interrogé. 
 

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