Le coup d’Etat divise la population au Honduras

par Marie Deshayes
lundi 6 juillet 2009

Le Honduras atteint avec la destitution de son président la plus grave crise politique depuis la fin des dictatures militaires l’ayant secoué. Face à cela, les réactions au sein de la population sont loin d’être unanimes.

 

28 juin 2009, coup d’Etat au Honduras. André Marcel d’Ans, seul intellectuel français s’étant penché sur ce petit pays d’Amérique centrale, ne s’en aurait certainement pas étonné. Il écrivait en 1997 (1) : « bien que la Constitution les définisse comme une « institution nationale à caractère permanent, essentiellement professionnelle, apolitique, obéissante et non délibérante », les Forces Armées se sont converties, de fait, en un mélange de force politique, de groupe de pression et d’entité corporative  ». Mélange qui est parvenu à écarter le chef de l’Etat du pouvoir, avec l’aide de Roberto Micheletti, président du Congrès National.


Retour sur les évènements : Manuel Zelaya souhaitait réaliser une « consultation populaire » afin de pouvoir modifier, à terme, la Constitution pour que le président de la République puisse être rééligible à la fin de son mandat de quatre ans. Avec cette consultation, les électeurs auraient dû définir s’ils étaient d’accord ou non pour demander au Congrès National (le pouvoir législatif) de placer une quatrième urne aux côtés de celles concernant l’élection du président, des maires et des ministres afin de nommer une Assemblée nationale constituante. Ces élections générales devaient avoir lieu le 29 novembre.

L’Armée s’y est opposée, et Mel a destitué le chef d’état-major, le général Romeo Vasquez. Le président a alors été expulsé du pays par les Fuerzas Armadas… Pour Sofia, jeune femme résidant dans la capitale, « c’est un coup d’Etat, il n’y a pas d’autre mot ! Ils ont violé la Constitution de la manière la plus néfaste possible ». Elle raconte : « c’est un chaos dans le pays, et les Fuerzas Armadas sont derrière tout ça. Toute la communauté internationale condamne ce qui se passe ici, toutes les frontières ont été fermées. Aujourd’hui nous n’attendons qu’une chose : le retour de notre président, et que s’en aille Micheletti et de tous les putschistes qui l’entourent ». 


Comme des milliers d’autres personnes, elle a manifesté pacifiquement son désaccord contre de tels évènements : « Lundi dernier, les militaires m’ont presque embarquée… Nous étions devant la Casa Presidencial dans une protestation pacifique… et Micheletti a ordonné nous faire évacuer par la force, avec des coups de feu, des gaz lacrymogènes… C’était vraiment terrifiant, j’ai couru, j’ai couru, parce qu’ils étaient sur le point de nous arrêter. Et s’ils le font, ils peuvent nous torturer, jusqu’à nous faire disparaître ». 


Mais pour Marisela, une autre jeune femme hondurienne étudiant le Français, la cause du chaos actuel réside dans la politique même de Zelaya. « Même si la manière de destituer le président n’était pas la plus appropriée, il ne faut pas oublier la raison pour laquelle il a été destitué. Il a investit 600 millions de lempiras pour payer des personnes pauvres pour qu’elles viennent voter, dénonce-t-elle. La consultation était simplement là pour que, une fois les votes obtenus, il puisse monter une assemblée constituante afin de changer les articles clés de la Constitution et atteindre ainsi la réélection automatique. Et ça, c’est illégal ».


Dans cette manœuvre politique, Marisela y voit le fait que le président du Honduras veuille suivre les pas de Hugo Chavez. « Nous nous sommes rendu compte à temps, même si cela ne s’est pas fait avec un processus correct pour le juger  »


La liberté de la presse


C’est un point réellement sensible au Honduras, avant même le coup d’Etat. La corruption et les menaces envers les journalistes sont monnaie courante (2), le président Zelaya lui-même s’étant permis d’essayer d’acheter un journaliste en public. Pouvoir et presse tantôt sont entre séduction réciproque et guerre permanente. Le manque de stabilité politique et institutionnel et l’absence d’Etat de droit qui minent le pays ne permettent pas le respect de la liberté d’expression et l’existence d’une société civile capable de réguler le politique.


La situation de la presse est d’autant plus criante aujourd’hui, comme le constate Sofia : « La liberté de la presse est totalement bafouée. Il n’y a pas qu’une chaîne de télévision fermée, il y en a quatre. Plusieurs radios de province ont même été mitraillées et démantelées. Et maintenant militarisées. On ne sait pas où se trouvent exactement les journalistes Eduardo Maldonado, Esdras Amado Lopez (tous deux propriétaires de médias), tout comme Jorge Amador, le caricaturiste Allan Mac Donald est porté disparu.... Il a été capturé avec sa fille Abril de 17 mois ». La jeune femme regrette d’ailleurs que le Collège de Journalistes, un organisme régulant la profession, ne s’est pas prononcé sur le sujet.


« Aujourd’hui nous avons accès à l’information des chaînes d’actualité internationales. Mais ce gouvernement usurpateur essaye de cacher la vérité et de mentir au peuple, en disant qu’il ne s’agit pas un coup d’Etat mais une transition de pouvoirs par la démocratie… Ils ne nous laissent pas revendiquer nos droits. Nous ne paraissons pas dans les médias, il ne ressort que ce que les putschistes veulent en laisser entendre ». El Heraldo, l’un des principaux quotidiens nationaux titre aujourd’hui : « le Honduras contre l’illégalité ». Sous-entendu celle de Manuel Zelaya, le « président déchu ».


(1) André Marcel d’Ans, Le Honduras, difficile émergence d’une nation, d’un Etat, Editions Karthala, 1997


(2) Thelma MEJIA, journaliste, en rend compte dans Noticias inéditas de una sala de redacción, Editions Guaymuras, 2002


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