Le Japon a-t-il un problème avec les femmes ?

par William Kergroach
lundi 18 février 2019

Le Japon accueille, fin juin cette année, le sommet du G20. Pourtant, le très avancé pays du soleil levant traite ses femmes comme des citoyennes de seconde zone, leur barrant le chemin de l'épanouissement intellectuel, politique ou économique. Ces moeurs détestables pourraient bien ruiner les chances d'avenir du pays.

« S’il faut admirer la Japonaise – et il le faut -, c’est parce qu’elle ne se suicide pas. […] Si à vingt-cinq ans tu n’es pas mariée, tu auras de bonnes raisons d’avoir honte, si tu ris, tu ne seras pas distinguée, si ton visage exprime un sentiment, tu es vulgaire, si tu mentionnes l’existence d’un poil sur ton corps tu es immonde, si un garçon t’embrasse sur la joue en public, tu es une putain, si tu manges avec plaisir, tu es une truie, si tu éprouves du plaisir à dormir, tu es une vache… » Ces extraits de Stupeur et tremblements, le roman d’Amélie Nothomb qui relate son expérience professionnelle au Japon, ne donne pas vraiment envie de naître japonaise…

En juin 2014, Ayaka Shiomura, une femme membre du conseil municipal de la ville de Tokyo, est moquée par plusieurs hommes de l’assemblée parce qu’elle évoque le manque de soutien de la ville pour les femmes enceintes et les jeunes mères. La même année, le politicien Zenji Nojima affirme devant les journalistes qu'il n'aurait aucun scrupule à dire aux femmes ambitieuses qu’elles devraient « plutôt se marier ». Ces comportements, pour le moins sexistes, font partie d’incidents qui émaillent régulièrement la vie politique du Japon. Parmi les derniers scandales, en avril 2018, Junichi Fukuda, un haut fonctionnaire du ministère des Finances du Japon, était forcé de démissionner après avoir été enregistré par une journaliste dont il voulait toucher la poitrine. Son patron, Taro Aso, prend aussitôt sa défense en déclarant publiquement que le harcèlement sexuel n’était « pas un crime »…

En août 2018 encore, l'Université de médecine de Tokyo reconnaît avoir manipulé les résultats de l'examen d'entrée afin que le nombre de femmes admises ne dépasse pas les 30%...

 

Le féminisme et l’émancipation des femmes n’ont jamais été acceptés au Japon. Les recherches menées par la sociologue Karen Shire sur les pratiques d’embauche dans les entreprises japonaises des années 1980 et 1990 montrent que l’embauche des femmes est fondée sur l’apparence, tandis que les hommes sont évalués sur leurs compétences professionnelles. L’étude montre également que les femmes sont systématiquement reléguées à des postes subalternes avec peu ou pas de chances d'être promues.

Les hommes, comme les femmes japonaises acceptent généralement cela comme normal. Selon Business Insider Japan, une étudiante chinoise de 23 ans en programme d’échange universitaire, qui se plaignait de se faire palper les fesses, s’est vu répondre par une collègue nippone : « C'est peut-être du harcèlement sexuel pour vous, mais au Japon, c'est normal. »

La chaîne YouTube « Asian Boss » a interrogé des jeunes gens japonais dans les rues de Tokyo à propos du harcèlement sexuel. La plupart rejetaient la responsabilité sur les femmes qui portent des vêtements suggestifs ou se montrent trop amicales avec les hommes… Selon un sondage Kyodo News de 2016, 60% des femmes politiques japonaises ont été harcelées sexuellement par des collègues masculins ou des électeurs et 30% des Japonaises seulement se déclarent victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail. Le sujet est tabou, beaucoup n’osent se plaindre pour ne pas perdre leur travail.

Shinzō Abe, le premier ministre du pays, a mis en place « Womenomics » en 2014 pour « encourager les femmes à faire partie de la population active ». Malgré cette volonté apparente, le Japon a en fait glissé dans le classement mondial du fossé entre les sexes établi par le Forum économique mondial (WEF), passant de la 111ème en 2016 à la 114ème en 2017, se plaçant derrière l’Indonésie, le Kenya et l’Inde. Il y a dix ans, il se classait au 80ème rang.

 M. Abe a déclaré qu'au cours des cinq dernières années, le taux d'emploi des femmes avait augmenté et qu'il était désormais supérieur à celui des États-Unis pour les femmes de plus de 25 ans. M. Abe a raison sur ce point. En 2016, le taux d'emploi global des femmes au Japon (66,1%) dépassait, indéniablement, la moyenne de l'OCDE (59,4%). Mais 12,4% seulement des législateurs nippons, des hauts fonctionnaires et des cadres sont des femmes.

Le gouvernement de M. Abe a bien promulgué une loi pour l'égalité entre les hommes et les femmes sur le lieu de travail. La loi incite les entreprises de plus de 300 employés à augmenter le nombre de femmes occupant des postes de direction et à publier leurs résultats dans ce domaine. Mais aucune pénalité n’a été prévue pour les entreprises qui n’appliquent pas la loi…

En 2016, le gouvernement a donc dû réviser son objectif d’atteindre 30% de postes à responsabilités offerts aux femmes dans les secteurs public et privé d'ici 2020. Les nouveaux objectifs sont de 7% pour les postes de cadres supérieurs...

Seiko Noda, ministre de la justice, et Yoko Kamikawa, ministre de la sécurité sociale, sont les deux seules femmes dans le gouvernement actuel de M. Abe. De même, la Chambre des représentants abrite le plus faible nombre de femmes des pays du G8, loin derrière la Corée du Sud, l'Indonésie ou la Chine.

Alors que le Japon organise le premier sommet du G20, fin juin cette année, le pays occupe toujours le bas du classement mondial concernant l'égalité des sexes et reste indifférent au mouvement #MeToo…

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