Le Mali vers la démocratie ?

par Undergrags
samedi 21 septembre 2013

Janvier 2013, la France se pose en vainqueur avec l’opération Serval. Le rapprochement est facile : après la Lybie de Sarkozy, le Mali d’Hollande. Cependant, toute opération militaire a ses bons et mauvais côtés : un gain de popularité d’un côté ; un avenir difficile à gérer de l’autre. Même si le Président français est acclamé par les maliens (ceux qui sont filmés, du moins), l’opération est-elle une réussite ou un échec ? Le Gouvernement mis en place saura-t-il répondre aux attentes des maliens ?

La démocratie

Une fois les élections présidentielles achevées, le Mali va devoir se tourner vers les législatives. Si Ibrahim Boubacar Keïta propose qu’elles se déroulent le 24 novembre (avec un éventuel second tour le 15 décembre), certains représentants de partis émettent des réserves quant à ce calendrier, jugé trop prématuré. Un seul crédo devra être respecté : ne pas gâcher ce moment démocratique après 18 mois de crise. Au contraire des élections présidentielles, il sera exclu de voir un taux de participation ridicule. De ce fait, les observateurs internationaux et les partis de l’opposition estiment que le Président devra réintégrer, dans le fichier électoral, les 35 000 jeunes qui n’ont pas pu voter aux précédentes élections. Il ne faudra pas non plus négliger les 170 000 réfugiés bloqués aux frontières car « Les législatives (…) sont des élections de proximité, ce sont les représentants du peuple des communautés locales qu'on élit, donc si on exclut ces réfugiés, ces déplacés, c'est que l’on a occulté une partie de la voix du peuple et ce n'est pas bon pour le Mali  », pense Abdel Kader Sidibe, maire d’une commune de Bamako. Dans le processus de réconciliation, IBK doit tenir compte de la société civile, et ne pas s'en tenir au simple face à face entre les groupes rebelles et groupes armés avec l'Etat malien. Il faut que le citoyen ait sa place pour dire "voilà ce qu'il nous faut pour en finir avec les problèmes" ». Une grande partie de la politique d’Ibrahim Boubacar Keïta reposerait donc sur l’attention qu’il va porter aux citoyens maliens, la liberté de parole qu’il accordera à l’opposition et les mesures qu’il prendra pour redonner vie au Nord du Mali.

Le Nord Mali et la poussée Djihadiste

« En nettoyant le nord du Mali, on a renforcé les positions de ces mêmes islamistes dans le sud de la Libye et même en Tunisie, en Mauritanie, au Niger, jusqu’à poser un risque pour le Maroc », explique Samuel Laurent pour Rue 89.
Fin 2011, début 2012, les djihadistes ont pris le Nord du Mali comme un territoire conquis (Tombouctou, Gao, Kidal … sont tombées entre leurs mains). Pas assez bien armés face aux frappes françaises, les extrémistes d’Al Quaeda au Maghreb Islamique (AQMI) et ceux du Mouvement pour l’Unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) se sont repliés vers le Sud de la Libye.

Finalement, comme on s’y attendant, le problème terroriste n’a pas été réglé, juste déplacé.

Carte du Sahel (http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Saharan_Africa_regions_map_%28fr%29.png).

 

Renouer avec le Nord du Mali est, entre autres, un des enjeux de la politique. Dans cette optique, le pouvoir s’est doté de deux nouvelles antennes ministérielles : le ministère de la Réconciliation nationale et celui du Développement des régions du Nord. « Si vis pacem, para bellum  », un précepte que le nouveau Président se contente d’ignorer en tendant une main vers les rebelles du Nord par le bais de la nomination de Zahabi Ould Sidi Mohamed (ex-chef rebelle) au poste de Ministre des Affaires Etrangères. Une tentative de coopération complètement faussée d’après le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) qui n’aurait pas vu l’ancien chef grossir les rangs des rebelles depuis plus de 20 ans.

Le changement c’est (pas trop) maintenant

Mais, à l’annonce de la constitution de son Gouvernement, IBK n’a pas fait l’unanimité chez les journalistes et semblent être à « à mi-chemin entre la rupture et le clonage  », déclare Vincent Hugeux, journaliste spécialiste de l’Afrique. Le site d’information malien, Malijet, dénonce la présence d’anciens ministres du Gouvernement d’Amadou Toumani Touré. Selon le nouveau Président, leur présence serait due à une tentative d’apaisement en les associant à des membres de la junte militaire qui a permis le coup d’état.

Autre fait problématique : IBK a récompensé ses soutiens par deux beaux portefeuilles (le général Moussa Sinko Coulibaly devient Ministre de l’Intérieur et Abdoulaye Koumaré est nommé aux transports). Pour un pays montré du doigt à cause de sa corruption manifeste, ça peut intriguer. Cependant, Vicent Hugueux justifie ces nominations par l’impact que ces deux hommes ont, ont eu et auront sur le peuple.

Même s’il est un peu tôt pour donner un avis tranché sur la politique d’Ibrahim Boubacar Keïta et donner un avis sur la situation malienne, on pourra noter que la rupture sèche et nette attendue du nouveau Gouvernement n’aura pas lieu tout de suite. Entre les rebelles, les partis d’opposition, la majorité et l’attention à accorder aux citoyens malien, il est difficile – impossible, même – de trouver un terrain d’entête. Le nouveau Président et son Gouvernement ont une lourde tâche sur les épaules, une lourde tâche qui ne les a pas pris en traitre, et le regard des observateurs internationaux fixés sur leurs faits et gestes. Qui vivra verra !


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