Le Portugal, la crise et la Démocratie

par sejo vieira
samedi 13 février 2010

Paradoxalementest au sein des régimes oppressifs que naît la conscience politique et que l´on invente la Liberté. Le despotisme des dictateurs, les charges de leur police de choc, la sauvagerie des flics politiques, les cachots où l´on torture et l´on tue au nom de doctrines totalitaires, l´exploitation que le patronat, allié naturel des dictateurs, exerce sur le monde du travail, finissent irrémédiablement par provoquer une réaction de défense chez les opprimés, les poussant à la révolte. Les réseaux clandestins naissent un peu partout, la peur et l´indifférence d´une partie de la population côtoient le courage, la détermination de ceux qui risquent leur vie dans les combats de l´ombre. Celui qui s´opposera au despotisme sera toujours vu comme un héros et un ami. On le respectera, on l’admirera, même si l´on ne partage pas ses idées. Les factions politiques s´allient face à l´ennemi commun. C´est une marche de gens sous un même drapeau vers une terre de promesses.

La liberté et l´espoir d´un monde meilleur sont au bout du chemin, et cela vaut bien tous les sacrifices.

Le régime qui s´impose naturellement après l´éjection du despotisme se nomme pompeusement Démocratie, c´est à dire pouvoir du peuple

Étrangement, ce régime qui devrait mettre fin à toutes les exactions contre l´Homme, qui devrait assurer pleinement une quantité raisonnable de conquêtes, (la culture, le travail sans exploitation, la santé, la dignité, la sécurité des citoyens, le respecte d´autrui, l´honnêteté des élus du peuple, la disparition de la corruption, la sauvegarde des droits et valeurs humains, une réelle liberté d´expression), ne laisse prévoir en aucun des pays où il s´est imposé, une claire volonté de remplir son rôle, c´est-à-dire, assurer le pouvoir ou le contrôle du peuple. À part des exceptions très rares, quelques pays nordiques, le régime soi-disant démocratique fini par s´abâtardir en faisant le jeu d´une classe toute puissante, la classe politique, qui se veut représentative du peuple, mais qui en réalité ne représente que ses propres intérêts : conquête du pouvoir politique, gestion de la chose publique, alliance avec les gestionnaires du Grand Capital, et usufruit de privilèges de caste.

Rassemblés dans des associations appelées partis, ces professionnels de l´idéologie ou plutôt de l arnaque, ont créé de véritables organisations qui ont su, au fil de décennies, se répandre dans tous les secteurs de l´État. Et le pouvoir du peuple dans cette chère Démocratie a laissé la place au pouvoir des partis. Ainsi est née cette aberration sociale, politique et linguistique nommée Particratie !

Qu´ils soient de droite, de gauche, du centre, enfin, de tous les points cardinaux possibles et imaginables, ces partis sont la propriété de gens qui vivent aux dépens de la Richesse Nationale produite par l´ensemble du monde du Travail, qui récoltent de bons salaires, de bonnes retraites, des privilèges appétissants et un statut qui leur permet de jouir d´une agréable sécurité pécuniaire jusqu´à la fin de leurs jours. Et, c´est un comble, du fait de leur étroite liaison professionnelle au monde du Grand Capital, certains de ces élus du peuple réussissent même des tours de passe-passe extraordinaires qui les rendent richissimes à vie. Comparez maintenant la situation, de nos chers députés, de nos chers ministres et tutti quanti qui sillonnent les allées du pouvoir politique, avec le quotidien de tous ceux qui contribuent avec leur effort de travail et leurs impôts pour la Richesse Nationale, cette richesse qui sert en premier lieu à payer les dépenses exorbitantes de l´État, cet État qui veille avec tant de tendresse et d´obligeance sur quelques-uns, délaissant, méprisant la grande majorité des citoyens, auxquels il laissera, tout au plus quelques miettes du gâteau.

Aussi bien chez les seigneurs du despotisme que chez les seigneurs de la (pseudo) Démocratie, le citoyen sera toujours le dindon de la farce, et même en s´appuyant sur une béquille nommée vote, il ne fera jamais un bout de chemin sur la route qui aurait pu mener à ce monde de lendemains qui chantent, cette route sur laquelle beaucoup ont laissé leur peau en rêvant de Démocratie… 

Alors ne craignons pas d´analyser ce semblant d´État de Droit, et soyons toujours prêts pour appeler les choses par leur nom. Il y va de notre santé mentale, de notre confiance en l´Homme, de notre capacité d´agir en tant que citoyens.

Tout ceci à propos du Portugal. Après une révolution enjolivée par les couleurs des œillets (1974), et sa participation (1985) dans le concert cacophonique de cette Union Européenne, véritable auberge-espagnole dans laquelle chacune des nations apporte son égoïsme et sa faim démesurée d´avantages, il s´enfonce dans une lamentable banqueroute de la crédibilité politique et économique.

Le temps n´est certainement pas aux miracles, mais même sans l´actuelle crise mondiale du capitalisme sauvage, le Portugal continuerait sa descente vers les abysses tel le Titanic, emballé par le ronron musical de ses insuffisances structurelles.

De Gaulle disait que les peuples ont les gouvernements qu´ils méritent ! Rien de plus vrai.

Au Portugal, depuis ce fameux 25 Avril, les gouvernements se suivent et se ressemblent comme des gouttes d´eau, porteurs d´une tare congénitale appelée Médiocrité, mais les portugais n´engendrent que des mauvais politiciens, dans un accouchement ô combien douloureux et pitoyable ils continuent d´accoucher des élites capitalistes décevantes, sans capacité d´innovation et de compétitivité, des masses laborieuses sans formation adéquate aux nouveaux défis de la mondialisation, des générations sans véritables horizons intellectuels et culturels. 

Le gouvernement socialiste de José Socrates, avance dans sa deuxième législature, sans majorité absolue, et par conséquent subit l´attaque de l´opposition, aussi bien de droite comme de gauche.

Des scandales d´éventuelles pratiques de corruption à la fin de la première législature jusqu´à un nouveau scandale sur une étrange affaire de violation de liberté d´expression, menée soi-disant par le corpus socialiste, c´est tout un éventail de situations dont l´opposition en use et abuse pour tenter d´abattre le gouvernement.

Or tout le monde sait qu´aucune de ses formations politiques est en mesure de proposer une alternative crédible et courageuse au gouvernement en place. C´est un remue-ménage gratuit, risible car il fait oublier les véritables problèmes du pays, sous-développement économique, médiocrité des élites. C´est encore une fois de plus de l´hypocrite politique, puisque des situations de gigantesque corruption ont toujours eu lieu, dans une totale impunité, sous tous les gouvernements. En ce qui concerne la pression que ce gouvernement aura exercée sur certains médias ( télévision et journaux), dans le but de museler des voix qui le harcèlent, parfois, avec d´étranges aspects de persécution personnelle, l´opposition avec le PSD en tête, à cor et à cri, la classifie comme étant de la pure violation de la liberté d´expression ! 

Le PSD, parti de la social-démocratie, au Pouvoir pendant le règne du professeur Cavaco Silva, a été la première des formations politiques, à créer une véritable toile d´intérêts financiers, d´appuis politiques, d´affaires de corruption à travers le pays. On a, d´ailleurs, appelé ce modus operandi le Cavaquistão, le territoire des Cavaquistes. C´est tout dire. En ce qui concerne la liberté d´expression, certains dirigeants de ce même parti (le PSD), oublient candidement, de dénoncer un des plus grands scandales de despotisme (à l´intérieur de l´Union Européenne !) sous le couvert du démocratiquement incorrect, exercé par le Président de la Région Autonome de Madère, Albero João Jardim (du PSD), sur tous les médias qui critiquent sa gestion catastrophique. Hypocritement ils baissent les yeux, s´automusèlent, de peur de perdre les votes que ce monsieur fait déposer, sur leur compte, lors des élections nationales.

Jésus a pourtant dit : »Que celui qui est innocent lui jette la première pierre ». 

Si « certains » peuples ont les gouvernements qui méritent, ils ont aussi les oppositions politiques qui vont avec.

Au Portugal, depuis longtemps déjà, des voix s´élèvent contre cette culture politique du parti-gang qui fait main basse sur le pays. Si on sait reconnaître la gangrène qui dévaste un peuple, pourquoi alors, ne saurait-on lui trouver la parade qui peut le sauver d´une mort annoncée ?

Dans le principal parti de l´opposition sévit la loi de l´intérêt personnel, de la complicité dans l´intrigue, de la conquête des positions dominantes. C´est, hélas ! un héritage du défunt cavaquisme, dont la nouvelle génération n´arrive toujours pas à s´en débarrasser.

Les élus socialistes, comme un peu partout, en Europe, sont devenus les fossoyeurs du plus beau des idéaux, celui qui est fait de justice, d´honnêteté, de solidarité. Ils partent à la dérive, car ils ont perdu le courage de s´opposer à tout ce qui ronge l´humain, se sont adaptés aux règles de la prédation, en sont même devenus des complices décomplexés.

Au Portugal, seul, un grand chambardement, un revirement de toutes les règles, pourra faire face au chaos économique et social qui s´avoisine, et on ne trouve pas dans aucune des formations politiques, dans aucune des élites (capital, connaissance, travail) les hommes, l´honnêteté et le courage indispensable pour faire face à la maladie presque chronique de ce pays.

Ce qui est d´ailleurs le cas pour la plupart des membres de cette Union Européenne, dont les dirigeants n´ont toujours pas su nous prouver qu´elle sert véritablement les intérêts des peuples qui la composent.l
 

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