Le « printemps arabe » débouche-t-il sur « l’été des femmes arabes » ou plutôt sur « l’hiver des femmes arabes » ?

par menou69
lundi 3 décembre 2012

Les femmes sont les principales victimes des révolutions arabes, après les dictateurs déchus.

On se souvient du tabassage de cette femme au soutien-gorge bleu, devenue la "blue bra girl", que le monde entier a vu (merci aux reporters de Reuters) se faire massacrer par plusieurs soldats qui lui sautent sur le corps à coups de rangers et la frappent de façon ahurissante tout en lui arrachant ses vêtements. Cette photo a fait le tour du monde. Mais surtout, "elle est devenue le symbole du prix que paient les femmes dans la révolution égyptienne".

De Tunis à Benghazi, du Caire à Sanaa, les femmes ont adhéré, bien avant les islamistes, aux “printemps arabes”. Aujourd’hui, elles sont les premières menacées par le vent du conservatisme.

Les premières élections démocratiques en Tunisie et en Egypte ont vite balayé leurs espoirs. Car un vent de conservatisme souffle aujourd’hui sur tous les pays du Moyen-Orient.

Souvenez-vous c’est en annonçant dans l’euphorie la libération de la Libye que Mustafa Abdel Jalil, alors président du Conseil national de transition, a promis l’application de la charia et le retour de la polygamie.

Les Tunisiennes étaient jadis enviées dans tout le monde arabe pour leur statut, mais la révolution du jasmin a tout bousculé. Un an et demi après la révolution qui était censée apporter plus de libertés, les Tunisiennes craignent aujourd'hui de voir leurs droits amputés.

Depuis le début, les islamistes d'Ennahda s'efforcent de donner une image modérée du parti. Avant les élections, ils avaient garanti que les droits des femmes resteraient intactes. Mais la réalité est tout autre : de plus en plus, les femmes se plaignent d'être harcelées en raison de leur tenue soit-disant contraire aux lois de l'islam. Quant aux Salafistes, des islamistes radicaux, ils ont beaucoup gagné en influence au sein de la société ainsi qu'en politique.

Au Parlement, les Salafistes font pression pour introduire la charia dans la nouvelle constitution. Une mesure qu'Ennahda a toujours refusé d'appliquer, le but n'étant pas d'instaurer un état religieux, mais une constitution à caractère séculier, comme en Turquie. Aujourd'hui, l'article 27 du futur texte est au coeur de la polémique. Il évoque la "complémentarité" des sexes. Une formulation qui, pour les Tunisiennes, enterre le principe d'égalité hommes-femmes, réduisant ainsi la femme à une simple compagne. Enfin, ce même article induit une différence de statut et donc de droits entre les mères et femmes célibataires et celles mariées.

En Égypte les islamistes et les libéraux tentent de surmonter leurs profondes divergences sur la future Constitution en sacrifiant les femmes. L'avant-projet de la Constitution , présenté le 10 octobre, ne remet pas en question l’article 36, qui stipule que “les hommes et les femmes sont égaux tant que cette égalité ne contrevient pas aux règles de la charia”. Mais reste à savoir qui définira le contenu de la charia, sujet à de multiples interprétations. Les uns pensent que les juges sont habilités à le faire, d’autres veulent réserver ce rôle à l’instance islamique d’Al-Azhar.

Depuis le 25 janvier 2011, les Frères musulmans et les salafistes ont multiplié les vexations et les violences contre les femmes. À la lisière de Boulak, le quartier de la presse où siègent les plus grands quotidiens, six salafistes ont investi un salon de coiffure, lançant des menaces de mort à l’encontre des femmes aux cheveux découverts. Dans un supermarché de Nasser City, des femmes voilées ont battu des femmes non voilées qui faisaient leurs courses. À Alexandrie, des bandes de salafistes ont saccagé des plages et détruit les cabines de bain pour dissuader les femmes de se baigner.

Les frères Musulmans avec la victoire de leur candidat, possèdent ce qu’ils n’avaient pas auparavant : la légitimité d’imposer leur vision religieuse et celle de la société. Dernièreement ils se sont distingués en proposant de réformer la khola, une disposition qui permet aux femmes de divorcer sans l’accord de leur mari, de réclamer la baisse de l’âge du mariage à 9 ans ou d’envisager le retour à la pratique de l’excision. Des tracts sont distribués près de la mosquée avec cet argumentaire : " Excisées, les femmes deviennent plus pudiques et protègent l’honneur de la famille."

Une femme non mariée ne peut pas prendre un appartement seule. Un couple non marié ne peut pas avoir de relations sexuelles. L’homme frustré de relations normales a donc le choix entre la violence, le terrorisme, la religion ou le bango, sorte de drogue qui ressemble à l’ecstasy.

En novembre dernier, une femme journaliste est agressée sexuellement par une centaine d'hommes, publiquement sur la place Tahrir, symbole de la révolution égyptienne. Elle n'est pas la seule. Quelques mois plus tôt, les forces de l'ordre arrêtent Samira Ibrahim, et lui font subir un "test de virginité".

La journaliste égypto-américaine et célèbre féministe Mona Eltahawy a écrit un article dans la revue américaine Foreign Policy, sous le titre provocateur “Pourquoi ils nous haïssent”, dans lequel elle parle de la haine des femmes dans le monde arabe. Il faut absoument le lire en cliquant ICI.

Toute la planète se pose désormais une question : les islamistes vont-ils transformer leurs pays en cauchemars théocratiques, à l’image de ce que les ayatollahs ont fait de l’Iran ? Vont-ils accroître encore la répression envers les femmes qui deviennent la ligne de front de l'affrontement entre séculaires et traditionalistes ? En tout cas sûrement qu'ils vont tout faire pour cela.

Mais les femmes de ces pays sont debout, malgré tout ce qu'elles subissent. Elles continuent de se battre et demandent notre aide dans notre savoir faire dans le "droit des hommes et surtout des femmes", par des conseils, sans ingérence. Comme ces onze journalistes blogueuses activistes qui ont couvert les révolutions arabes, pour la plupart d'entre elles en prenant de sérieux risques. Originaires de Bahreïn, d'Egypte, de Jordanie, du Maroc, des Territoires palestiniens, de Tunisie et du Yémen, elles sont venues au début du mois de juin en France à l'occasion d'un programme d'invitation de journalistes organisé chaque année par le Ministère des affaires étrangères. (Voir vidéo)

 

 

Sources : Tribune de Genève, France 24, Courrier international,


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