Le Québec élevé au rang de nation

par Jean-François
mercredi 29 novembre 2006

Dans une motion votée le 27 novembre 2006 à 266 voix contre 16, le parlement canadien affirme que « les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni ».

Ce vote constitue une avancée historique pour la reconnaissance du statut particulier du Québec au sein de la fédération canadienne. Ce nouvel épisode fait partie d’une longue saga qui fait la pluie et le beau temps en politique canadienne depuis plus de vingt-cinq ans : on y retrouve des référendums perdus sur l’indépendance du Québec, le refus du gouvernement québécois de signer la constitution canadienne et les échecs des négociations subséquentes pour y réintégrer la province francophone. Il est à noter qu’en 1995, le Parlement canadien avait reconnu dans une motion à moindre portée que le Québec formait une société distincte.

L’adoption de la motion sur la nation québécoise constitue indéniablement un geste d’ouverture à l’égard du Québec ; néanmoins, plusieurs observateurs y voient un coup fumant contre les opposants politiques du Parti conservateur, à la tête du gouvernement minoritaire dirigée par le Premier ministre Stephen Harper. Le Parti libéral, récemment délogé du pouvoir par les conservateurs, est au milieu d’une course à chefferie, marquée par le déchirement du parti sur la question québécoise. Les libéraux doivent composer avec leur refus traditionnel d’accorder quelque statut spécial que ce soit pour le Québec et leur désir de reconquérir leur électorat perdu dans la province francophone. Le 21 novembre, le Bloc québécois, le parti prônant l’indépendance du Québec, dépose une motion qui stipule que « les Québécoises et Québécois forment une nation », afin de forcer les libéraux et les conservateurs à prendre position sur le sujet. Le lendemain, le ministre prend tous les parlementaires par surprise en reconnaissance la nation québécoise, ce que son parti avait refusé auparavant, mais en sauvant la face en y ajoutant dans sa propre motion que le Québec faisait partie intégrante du Canada ; c’est cette dernière version qui fut adoptée par le Parlement.

Cette motion n’a cependant aucune portée juridique, elle n’accorde de fait aucun nouveau pouvoir au Québec, mais elle crée un précédent qui pourrait ouvrir la porte à davantage d’autonomie. Toute symbolique qu’elle soit, cette motion a créé beaucoup de heurts dans le Canada anglais, un ministre ontarien du gouvernement Harper a même démissionné en guise de protestation. Le Premier ministre a aussi annoncé son intention de réaliser une demande répétée du gouvernement du Québec, en déposant un projet de loi qui empêche le gouvernement fédéral de dépenser dans le champ de compétence des provinces. Dans le passé, le gouvernement québécois s’est plaint de voir ses pouvoirs érodés lorsque le gouvernement fédéral instaurait lui-même des programmes d’investissement en santé et en éducation, des domaines où les provinces ont l’unique juridiction. Reste à voir si ce nouveau statut pour le Québec sera éventuellement enchâssé dans la Constitution canadienne.



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