Le Rwanda, Paul Kagamé et Judi Rever (1/2)

par Bertrand Loubard
jeudi 19 avril 2018

Au moment du 24iéme anniversaire du déclenchement du Génocide des Tutsis du Rwanda un livre sort, « un de plu », mais, cette fois, sous la signature d’une canadienne Judi Rever : « The Praise of the blood – The Crimes of the Rwanda Patriotic Front - Random House Canada- ISBN 978-0-345-81209-4)[1].

Judi Rever est une journaliste freelance. Elle a travaillé pour RFI, AFP, Globe and Mail et a rapporté ses expériences dans divers médias depuis qu’en 1996 elle découvrit l’Afrique des Grands Lacs à travers l’enfer des réfugiés de guerre pourchassés dans la forêt zaïroise par les troupes rwandaises et ougandaises. Elle se rend compte alors que la notion, généralement admise dans l’effroyable histoire de cette région depuis près de 10 ans, à l’époque, (à savoir qu’il y avait, dans ce drame, les bons et les mauvais) était une notion à « mettre à jour » non seulement en nuances mais aussi et surtout sur base des principes d’honnêteté et de logique intellectuelles qui doivent guider toute investigation. Elle a travaillé pendant près de 20 ans au livre qui vient d’être mis en vente en version anglaise. (Une version française devant sortir cette année encore).

Elle y décrit son parcours allant de pays en pays et de découvertes en découvertes. Elle dit rencontrer, questionner et entendre de plus en plus de témoins, de survivants et d’acteurs de tous bords (ou presque). Elle prétend prendre connaissance de documents « confidentiels », entre autres « fuités » du TPIR. Progressivement elle se déclare convaincue qu’il y a une histoire convenue de ces 30 dernières années de guerres entre l’Ouganda, le Rwanda et la RDC. Cette histoire, elle la reprend en posant les questions en 5W+H (What ? ; Who ? ; Where ? ; When ? ; Why ? + How ?) et en y donnant des réponses cohérentes, complètes et les plus précises possibles. Toutes ces réponses convergent vers Paul Kagamé, son clan, son lignage, son premier cercle, son armée, ses alliés et ses soutiens.[2]

Elle s’interroge donc, de plus en plus critique, vis-à-vis de la presse mainstream et des écrits des « experts » qui semblent assez bien « tranchés » dans leur approche : du mauvais côté : le gouvernement rwandais des génocidaires ; du bon côté : le FPR de Paul Kagamé appelé au secours, par le peuple rwandais et délivrant au prix du propre sang de ses hommes, tous les Rwandais de leur tyran sanguinaire en arrêtant, in fine, le Génocide en cours depuis de nombreuses années.

Elle met en évidence une imposture dont les dimensions dépassent tout entendement. Elle ne nie pas le Génocide des Tutsis du Rwanda. Mais, pour elle, avant (crimes contre la Paix), pendant (crimes de Guerre) et après (massacres des Hutus) le Génocide, Paul Kagamé est responsable et coupable d’un grand nombre de tueries dont certaines sont manifestement des crimes contre l’humanité. C’est ainsi qu’à travers l’ensemble des faits qu’elle met en exergue pour présenter les crimes du FPR elle fait, concrètement, converger ce que d’autres ont déjà dit, de longue date, et dont ses recherches et ses expériences personnelles lui ont donné confirmation. Elle asserte que s’il s’avère que c’est le FPR qui a assassiné Habyarimana, l’histoire du génocide doit être revue. En cela elle n’est pas plus révisionniste que Carla Del Ponte. Pour la culpabilité de Paul Kagamé dans l’attentat du Falcon présidentiel du 6 avril 1994, elle aurait pu s’en référer aux réponses de ce-même Kagamé aux questions de Stephen Sackur lors de l’émission de la BBC « Hard Talk Host »[3] (« Et si c’était lui qui m’avait assassiné, est-ce que ce juge l’aurait inculpé ? ». Aveu implicite). Pour ce qui est de l’extermination des réfugiés dans la forêt zaïroise elle fait siens les propos d’un éminent avocat du Bureau du Procureur du TPIR, Douglas Marks Moore, qui utilise le vocable de « deux génocides différends[4] » :un petit et un grand, un reconnu et un méconnu. En cela elle se rapproche du constat de la Haut-Commissaire aux Droits de l'Homme, la Sud-Africaine Navanethem Pillay, dans le Mapping Report de 2009 – 2010.

Dans la conclusion des 15 chapitres et 225 pages elle cite les méthodes des SS Nazis, en URSS en 1940-1941 (Opération Barbarossa) à propos des agissements du FPR « derrière » le front durant le Génocide. Elle rejoint donc ceux qui qualifiaient les membres du FPR, dès 1990, de « Khmers Noirs »[5], ainsi que les écrits et déclarations des André Vltchek, Susan Thomson,Phil Taylor, Helmut Strizek, Albanel Simpemuka, John Pilger, Andy Piascik, Kayumba Nyamwasa, et tant d’autres ..... Elle s’en réfère à René Lemarchand quand elle précise que la vérité doit être dite sur tous les sujets et que l’escalade dans l’horreur n’est pas causée par l’attitude d’une seule des deux parties. La spirale de la violence est un processus dynamique qui a un début et durant lequel les feedbacks engendrent le chaos. Le Génocide ne se définit pas par la quantité de victimes mais par l’acte en lui-même.

Durant les 20 années de son travail d’investigation elle a dû faire face aux pires menaces un peu partout dans le monde où elle se rendait[6]. En cela elle a été la victime de ce que beaucoup d’autres acteurs (avocats[7], témoins, journalistes et autres) impliqués dans les investigations, enquêtes et procès ont dû subir, jusqu’à leur « abandon » par « réflexe vital », par « instinct de conservation »[8]. Mais pour elle, les faits sont têtus et elle est encore plus têtue ... si bien qu’elle a maintenu, contre tous, le cap qu’elle s’était donné. « Tells All the Facts, Names All de Names », pourrait être sa devise contre la désinformation et les propagandes......

J’essayerai de donner quelques autres points de vue sur cet ouvrage dans la suite de ce papier, si j’en ai encore la force, la santé et le temps et si ce premier papier obtient les pré-requis de la communauté des modérateurs du site .....

(A suivre.... ?)

 

[1]http://www.cbc.ca/radio/asithappens/as-it-happens-monday-full-episode-1.4602119/canadian-journalist-challenges-rwandan-genocide-narrative-in-new-book-1.4602122

[2]http://www.france24.com/en/20180412-eye-africa-rwanda-genocide-tutsi-hutu-judi-rever-algeria-plane-crash-car-bangui-pk5

[3] https://www.blackagendareport.com/crime-turned-central-africa-vast-killing-ground

The Crime That Turned Central Africa Into a Vast Killing Ground

[4] Et non d’un double génocide.

[5]Différences Pol Pot / Paul Kagamé. Pour Pol Pot = la Chine Communiste + 22 ans de pouvoir + environ 1,5 millions de morts + l’exode urbain vers les campagnes ..... mais pas d’invasion de ses voisins. Pour Paul Kagamé = le conglomérat Anglo-Belgo-Canado-Etasunien (dans l’ordre alphabétique) + 23 ans de pouvoir(à ce jour) + villagisation des paysans Hutus + 6 à 7 (+/-) millions de morts directes et indirectes au Rwanda et au Zaïre + les 2 invasions du Zaïre. Il n’empêche donc que la « comparaison-constat » de l’époque, bien qu’en dessous de la réalité, semble avoir été plus que prémonitoire.

[6] Canada, RDC, Belgique, Italie, Tanzanie.

[7]Maître Jean Flamme : « J’ai vu, à Arusha, des avocats, décidés à faire leur travail jusqu’au bout, entourés par des gardes du corps ».

[8]Andrew McCarten (†) , JwaniMwaikusa (†), Me Gakwaya, etc, etc.


Lire l'article complet, et les commentaires