Le Vénézuela entre peste et choléra ?

par Laurent Herblay
vendredi 15 février 2019

Dans la plupart des média, au Vénézuela, la cause est entendue : d’un côté, le méchant dictateur Maduro, responsable d’une crise qui a envoyé des millions de personnes dans la pauvreté, de l’autre, le gentil Guaido, président auto-proclamé soutenu par une majorité de la population. Bien sûr, certaines personnes défendent le régime chaviste. Que penser de la crise actuelle ?

 

Sortir d’un noir et blanc caricatural
 
Si quelques média généralistes, y compris parmi les grandes chaines de télévision, ont rappelé qu’une partie de la population du pays continue à soutenir le régime, notamment celle qui a accès aux logements sociaux qui ont été construit par le régime, le ton dominant est sans nuance, comme un film paresseux d’Hollywood, entre le méchant moustachu et le jeune héros… Heureusement, il y a l’émission de Frédéric Taddéï, sur RT, qui fait débattre pendant près d’une heure les deux camps, donnant deux interprétations de la crise : d’une part ceux qui soutiennent le régime et dénoncent l’ingérence de Washington, de l’autre, ceux qui critiquent le pouvoir en place, ses dérives autoritaires et la crise économique. 
 
 
Bref, dans l’émission de Frédéric Taddéï sur RT, nous avons droit à un vrai débat, pas comme dans certaines émissions du service dit public, où un plateau peut ne réunir que des personnes qui défendent l’oligo-libéralisme. Les uns dénoncent les liens de l’opposition avec les Etats-Unis, en partie responsable de l’échec des discussions sur l’organisation de la dernière élection présidentielle, soutien à Guaido, passé à Washington fin 2018, et architecte de sanctions qui pèsent sur la population. Tous cela pose de multiples problèmes. L’Oncle Sam est fortement de parti-pris et on ne peut pas dire que les expériences au Moyen-Orient ou en Amérique Latine incitent à la moindre confiance.
 
 
Sachant que le Vénézuela a beaucoup de pétrole, il est très inquiétant de suivre les Etats-Unis qui ont toujours été prêts à multiplier les abus destructeurs pour les populations pour pousser leurs intérêts. Et on a vu en Libye que les bonnes intentions peuvent aboutir à un désastre complet, y compris pour les locaux. De plus, l’argumentaire constitutionnel de Guaido n’est peut-être pas valable, comme le notait un intervenant de l’émission. Il est tout de même regrettable que les critiques de Maduro ne soient pas capables d’accepter les limites de Guaido, notamment les liens avec des Etats-Unis dont les interventions extérieures, arbitraires et intéressées, n’ont pas eu un bilan particulièrement positif.
 
Mais en parallèle, on aimerait aussi que ceux qui défendent le régime tiennent un discours plus équilibré. Défendre la mise en place d’une nouvelle assemblée au nom de l’élection contestable de trois députés est un peu court et les pratiques du régime ne semblent pas toujours démocratiques, même s’il faut remarquer que l’opposition a gagné les législatives, ce qui ne serait pas possible sous une dictature… Mais surtout, le bilan économique, positif tant que le prix du pétrole était élevé, s’est révélé désastreux dès que le prix du baril a baissé durablement, révélant que les progrès n’étaient pas complètement structurels, même s’il faut noter que la richesse pétrolière a été bien partagée sous Chavez.
 
 
Pour toutes ces raisons, et notamment tant de précédents calamiteux ces dernières décennies, je pense que nos pays ne devraient pas s’impliquer dans les évènements en cours au Vénézuela. Un coup d’Etat appuyé par des puissances étrangères intéressées ne risquerait-il pas d’avoir de mauvaises conséquences, même s’il faut reconnaître les limites du chavisme, comme je le fais depuis 5 ans  ?

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