Le coût socio-économique de la canne à sucre

par Djapaskero
lundi 8 mars 2010

 L’ONG Repórter Brasil a divulgué un rapport qui traite de la production de canne à sucre au Brésil en 2009. S’il faut en croire ce rapport, la situation est catastrophique. Les cas d’esclavage, violations des droits des travailleurs, destruction de milieux naturels et invasions de territoires Indiens sont innombrables. La production de canne à sucre à atteint 612,2 millions de tonnes en 2009, une hausse de 7,1% par rapport à l’année précédente. L’état de São Paulo concentre à lui seul 57,8% de cette production. Dans l’état de Goiás, l’augmentation de production fut de 50%. De toute cette production, 20% est déjà contrôlé par le capital international. 

En Europe, on est habitué à une vision fausse ou partielle de la réalité en ce qui concerne les problème socio-économiques du Brésil. Rares sont les informations vérifiées, exemptes de préjugés, d’amalgames ou de raccourcis trop rapides. 
 
Les phrases telles que "Au Brésil on détruit la forêt amazonienne pour produire du biocarburant"
ne sont pas rares, alors qu’il suffit de connaître un peu le pays pour découvrir que ce sont les pâturages abandonnés, résultats de la destruction de la forêt, qui sont à leur tour réutilisés pour la culture du soja, vendu entre autres en Europe pour nourrir le bétail...
 
Mais qu’en est-il de la production de "bio-carburant" au Brésil ? 
 
La production de bio-éthanol au Brésil provoque en effet de nombreux problèmes socio-économiques. La plus grande entreprise de production de transformation de sucre en éthanol en activité au Brésil, la "Cosan" à été ajoutée à la liste noire du "travail esclave" du Ministère du Travail brésilien. Le "travail esclave" est un terme utilisé au Brésil pour décrire un type classique d’esclavage moderne qui consiste à recruter des personnes marginalisées économiquement, de leur faire un chantage consistant à les "persuader" qu’ils ont une dette et ainsi les faire travailler de force, avec des armes pour tout argument. Bien sûr, l’esclavage au Brésil est heureusement marginal, mais il ternit gravement son image dans le reste du monde comme l’a rappelé récemment le député fédéral brésilien Luis Carlos Heinze. 
 
L’entreprise incriminée, bien sûr, n’a pas accepté cet état de fait et essaye de faire retirer son nom de la fameuse liste, ce qui va entraîner une procédure judiciaire. Beaucoup d’usines ont été prises en flagrant délit d’esclavage dans ces plantations. L’usine Santa Cruz du groupe José Pessoa, a été prise en flagrant délit trois fois de suite en 2009. Le 15 mai, 150 travailleurs esclavagisés ont été découverts, le 6 juin, 324, et on en dénombrait 122 le 11 novembre. Il faut noter que cette entreprise comme d’autres ont signé une charte pour l’éradication du "travail esclave". Malgré cela, même après n’avoir clairement pas respecté ces engagements, ils continuent en tant que signataires de cette même charte en l’utilisant comme un simple outil de marketing. 
 
Les actions contre le travail esclave au Brésil sont non seulement peu nombreuses mais en plus peu efficaces. Le secteur de production de canne à sucre au Brésil est celui qui est le plus touché par l’esclavage. En 2009, 1911 travailleurs ont été libérés dans ces exploitations, d’après 16 cas de dénonciations. Il y a à peu près un million de travailleurs dans ce secteur, qui souffrent de beaucoup de violations des droits de l’homme et du travail, particulièrement en ce qui concerne la longueur de la journée de travail, la sécurité et la santé du travailleur.
 
En 2007 et en 2008, l’état de Mato Grosso et celui voisin de Mato Grosso do Sul ont subi les plus grandes destructions de forêt du Brésil (ces régions sont éloignées de l’Amazonie, le type de forêt y est différent), et ce, pour permettre l’expansion des cultures de canne à sucre. En 2007, la canne à sucre substituait donc 1119 hectares de forêt du Mato Grosso do Sul et 1892 hectares au Mato Grosso. En 2008, ce dernier état a perdu 2385 hectares de forêt.
 
La "Confédération de l’Agriculture et de l’Élevage" du Brésil (CNA), une des associations les plus influentes dans le secteur, fait pression pour que la législation soit changée au Brésil en matière d’environnement : ils exigent l’expansion de la culture de la canne à sucre sur des zones actuellement préservées d’une manière permanente, appelées "APPs". Dans l’état de Goiás, beaucoup de ces zones, généralement des sources et cours d’eau, sont déjà affectées et souffrent des conséquences de l’expansion de la culture de la canne à sucre. Dans ces régions, les gens qui osent s’opposer à ces groupes sont victimes de continuelles menaces. La culture de la canne à sucre est classée troisième plus grande consommatrice de substances
agro-toxiques, après le maïs et le soja. L’impact sur les cours d’eaux et les nappes phréatique est catastrophique.
 
Même si certains indiquent le plan "ZAE" , (un découpage en "zones agro-écologiques") comme solution pour le problème de l’impact sur l’environnement de la culture de la canne à sucre, ce plan n’a pas réponse à tout. L’interdiction d’agrandissement de la zone plantation en Amazonie peut pousser les cultures vers d’autres biotopes, comme le type particulier de savane brésilienne appelé "cerrado". Cette région est extrêmement fragmentée et dégradée. La plantation de canne à sucre dans les régions considérées comme potentielles peuvent compromettre gravement certains processus écologiques importants. Déjà de vastes exploitations sont de réels obstacles à la migration d’espèces animales endémiques. Également pour d’autres biotopes, le découpage "ZAE" reste trop favorable à l’expansion de la culture de la canne à sucre, compromettant sérieusement la biodiversité dans certaines régions.
 
La canne à sucre peut aussi entrer en concurrence avec d’autres cultures et de cette façon affecter sérieusement la production d’aliments et ainsi la sécurité alimentaire. Le projet "ZAE" s’étend en effet dans des zones traditionnellement dédiées à la culture de grains. Ceci affecte directement la production locale d’aliments et porte préjudice à de petits agriculteurs. Cela peut être la cause directe d’une hausse des prix des aliments de bases. 
 
Les populations d’Indiens sont aussi sévèrement touchées par cette expansion sans limite de la culture de la canne à sucre. Malgré le fait que la célèbre Fondation Nationale de l’Indien  (FUNAI) ait délimité de nombreuses zones protégées, des 42 terres reconnues dans l’état du Mato Grosso do Sul, la majeure partie se situe en plein dans la région d’expansion des cultures.
Actuellement, 16 usines sont localisées dans des municipalités qui sont reconnues comme habitées entre autre par des Indiens. Avec l’expansion de ces cultures (le soja également), les Indiens sont confinés dans des espaces minuscules, ce qui aggrave les conflits territoriaux et augmente la violence dans la région. Le Mato Grosso do Sul a été la scène de 42 meurtres d’Indiens en 2008, avec un total de 60 pour le pays entier (de ceux qui furent dénoncé, bien sûr)
Le 18 septembre 2009, un campement Indien proche d’une zone de culture de canne à sucre a été attaqué par des hommes armés, qui ont incendié baraques et biens et ont blessé par balle un Indien de 62 ans. Plusieurs usines avancent en terre Indienne illégalement. D’après le "Centre de Suivi des Agro-combustibles", au moins quatre usines se fourniraient de canne provenant de territoires reconnus ou revendiqués, mais dans tous les cas en processus d’étude par la FUNAI.
 


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