Les dessous des cartes de la libération d’Ingrid Betancourt (3e partie)

par morice
mercredi 20 août 2008

Nous l’avons vu dans les deux épisodes précédents, les Américains ont été bien davantage présents dans les préparatifs et le suivi de l’opération "Jaque" que le gouvernement d’Alvaro Uribe ne veut bien le laisser dire. Toute l’intendance lourde, nous l’avons vue, à partir de la base de Tres Esquinas, où ils sont sur-représentés, explique en grande partie le succès de l’opération. D’autres preuves existent de cette forte implication, et nous allons en montrer quelques-unes. Dire, comme le fait l’armée colombienne, qu’il s’agit d’une opération "100 % colombienne", à partir de là et que les Américains n’ont été qu’une infime partie dans la réalisation, c’est tromper son monde. Ils étaient plus que partie prenante. Et se sont trahis par des détails extrêmement précis.

Parmi ceux-ci, deux étranges véhicules à côté des deux hangars, d’origine américaine déjà décrits, que l’on distingue clairement en effet sur les vidéos. Ce ne sont ni des jeeps, ni des Hummers, ni des véhicules blindés. Ce sont des "M-Gator" de chez John Deere, le fabricant de tracteurs, au départ des véhicules de… jardinage (façon américaine !), qui se sont avérés être de parfaits transporteurs de soldats en milieu difficile du type jungle, et ont été choisis pour ça (et d’autres choses comme ici au Koweit à Port Shueiba en 2003) par l’armée américaine, la Navy et le Canada. Car ces véhicules en font pas partie encore du répertoire officiel de l’armée colombienne, pourtant bien fourni. On possède bien un cliché d’un engin semblable sur une base colombienne, pour tout dire, mais il n’est pas militarisé et possède ses couleurs d’origine (vert jardin !). Seules les forces spéciales américaines et les troupes canadiennes ont en fait leur véhicule militarisé particulier, entré en action en Afghanistan à bord duquel des soldats, comme le sergent Christos Karigiannis, ont été tués par l’explosion d’une IED. Petits, repliables (en version 4 roues) et à 6 roues, donc très reconnaissables, palettables (pour être parachutés), ils ont été apportés sur place avec le hangar par avion, non pas un C-130 nécessairement, plutôt la taille en dessous, celle d’un des CASA 235 (achetés par l’armée et la Navy boliviennes en 2002 - quatre exemplaires au total aujourd’hui). Ou bien le CASA de la CIA surpris en plein désert (voir épisode précédent). Ou même le Casa 212 qui suffit à la tâche. Pour mémoire, John Deere fait aussi dans l’humanitaire, en fournissant aussi des tracteurs 6920 modifiés pour le déminage, appelés Mantis. Des véhicules très particuliers portant la trace des Forces Spéciales américaines, mais aussi des rencontres préparatoires, beaucoup de rencontres. Pour mémoire, l’amiral Mullen avait déjà rencontré Juan Manuel Santos, ministre de la Défense colombien, à Bogota le 17 janvier 2008, Robert Gates l’ayant déjà fait à Tolemaida en octobre 2007. C’est d’ailleurs lors de cette visite que l’on avait appris que les Lanceros colombiens, formés eux-mêmes par les Américains avaient donné en 2006 des leçons de contre-insurrection aux... soldats français, marsouins et légionnaires ! Les Français jouant le rôle des otages et les Colombiens ceux des Farc (la vidéo ne manque pas de sel) !

Cette opération est pleine d’incongruités, nous l’avons déjà dit. En voici une autre de taille : les chaînes et les cadenas. On le sait, nul ne peut le nier, les Farc avaient comme méthode de surveillance des prisonniers de longues chaînes, qu’Ingrid Betancourt a bien décrites. Les services secrets américains le savaient donc. Dans l’hélicoptère qui part chercher les otages, une caisse et dessus des liens en plastique, avec la pince pour les sceller. Dans la caisse noire... la rançon ? Même pas, quoique la première versée par les Français avait été en petites coupures apportées sur place (et volées aussi vite !). Les prisonniers sont donc amenés près des hélicos par les Farc. Déjà, on peut se dire que de leur garder les jambes attachées par des chaînes semble irréalisable : comment voulez-vous traverser ainsi une jungle ? Sur les préparatifs visibles, on ne voit pas le retrait des chaînes, mais on voit la préparation des liens de plastique apposés aux otages. Dans une ancienne vidéo, on voyait les chaînes des poignets d’un otage, qui ne faisaient pas la dimension de celles montrées. La démonstration de John Frank Pinchao Blanco à la presse, montrant son cadenas au cou, avait dû marquer les autorités colombiennes, qui ont retenu que les chaînes étaient un bon moyen de montrer l’inhumanité de la détention des Farc. Pinchao s’était évadé d’un camp près de Mitu. A son retour, il n’était pas très convaincu de l’option militaire pour récupérer les otages, et l’avait même dit à Uribe, quoique ayant été lui-même résigné : "We knew that a rescue operation would in practice mean the death of the hostages," the Colombian police officer said Friday. "But if it was my fate to die in a rescue, at least I could hold onto the hope that my family would have the certainty of a cadaver — the peace of being able to bury me — and not the uncertainty of an indefinite kidnapping." De plus, dans toutes les photos des prises de la police colombienne, les prisonniers dont un célèbre narco-trafiquant (Diego Montoya Sánchez, alias Don Diego) sont ostensiblement montrés avec ces liens de nylon ! La suspicion aurait dû être de mise sur ces fameux liens dont les Farc, visiblement, ne disposaient pas. Et encore moins des humanitaires ! Ça n’a choqué personne de voir des prisonniers aux mains liées par des liens de nylon, alors que les Farc n’en ont visiblement pas fourni le procédé ! Depuis quand les humanitaires deviennent eux-mêmes geôliers, car, dans un bref extrait, ce sont bien nos fameux faux humanitaires (une femme en particulier), et non les Farc eux-mêmes, qui apposent les liens ! Depuis quand les missions humanitaires partent en mission de sauvetage avec de quoi ligoter des prisonniers ? Ingrid Betancourt, encore incrédule, monte lentement dans l’hélicoptère avec les mains attachées de la sorte. Sans aucune chaîne. Pas un seul des prisonniers n’en a plus, une fois à bord. Ils ont tous été libérés de leurs chaînes à plusieurs mètres des hélicoptères. Une fois libérés, une étonnante séquence s’attarde pourtant longtemps sur un amas de chaînes (alors que les otages sont montés SANS dans l’hélicoptère !), répandues au milieu de l’hélico... déserté par les otages, avec un commentaire lourd et insistant sur le côté inhumain de la détention d’otages "misérablement enchaînés". Le hic, c’est que le tas de chaînes est du volume exact de l’étrange boîte noire, devenue subitement invisible, et que les cadenas sont tous FERMES (or, pour libérer les prisonniers, ils auraient dû rester ouverts, ou être jetés !), et qu’on voit mal dans une opération qui a duré 22 minutes (temps officiel !), des militaires penser à prendre de pareils souvenirs avec eux. Et les Farc encore moins enclins à offrir des cadeaux de départ ou même à utiliser cette technique du DAS (réputé proche des paramilitaires), copiée sur les policiers américains. C’est inimaginable ! La belle histoire des longues chaînes ne tient donc pas debout. Même si les prisonniers, on le rappelle, ont effectivement été traités ainsi, nul ne le conteste aujourd’hui. Ils étaient bien dès le départ dans l’hélicoptère, car cette opération a avant tout pour thème essentiel de décrédibiliser les Farc. C’est bien pensé, mais mal réalisé. Dans la meilleure opération de cover-up, on peut faire des erreurs, c’en est une de taille. Celle d’un pouvoir qui cache d’autres... liens.

Quant aux autres ligotés... si Ingrid Betancourt a fait la une de tous les journaux du monde, les trois malheureux employés de DynCorp n’ont pas eu droit au même accueil. Le New York Sun le note précisément : "All appeared well as they exited the Air Force C-17 without fanfare". Dans le public, personne ne s’en souciait, et seul McCain avait été prévenu. Des "contractants" n’ont le droit à aucun égard. Pas même leur employeur : dans un terrible reportage de Max Jourdan, pour 60 minutes, on apprend en effet qu’une épouse d’un de leurs collègues décédés n’a pas eu le droit de toucher quelque compensation que ce soit, car Northrop Grumman avait refusé de les considérer comme ses employés :"when I tried to collect the personal accident insurance that Tommy had paid for, I was told that I could not be paid for the insurance because my husband did not work for Northrop Grumman..." Tout le danger d’être mercenaire. Dans le journal cité, on apprend que l’un des frères d’un otage, en train de tondre son gazon, a été averti par sa famille que son frère passait à la télé, laissant sa tondeuse en marche. Aucune autorité gouvernementale ne l’avait contacté. Les otages américains ont le désavantage de ne pas être des combattants officiels, ce qui explique le peu d’empressement pour les sauver jusqu’ici, seul McCain ayant seul perçu l’intérêt qu’il pouvait en tirer... à condition qu’une fois rentrés, ils ne parlent pas. Ce qui est chose faite aujourd’hui, les médias américains ne s’étant pas précipités sur les interviews. Le père de Gonsalves, de même, a été appelé par le FBI, bien après que son fils fut passé à la télévision. Ils avaient atterri à Lackland au Texas... "la plus grande base d’entraînement américaine". Une base qui s’est vu décerner le 31 juillet 2008 la "Colombian Air Force Cross." On se demande bien pourquoi... Ce qui est notable également, c’est que dès qu’ils atterrissent à Tolemaida, en Colombie, avec Betancourt et les autres otages, ils y sont directement pris en charge par la sécurité militaire américaine qui va les mettre tout de suite à bord d’un C-17 pour les ramener au Texas. Dans des conditions bien particulières. A peine descendus du Fokker présidentiel, on les dirige tout de suite vers la gauche, direction le bout de la piste… où attend déjà un C-130 et non un C-17 (il y a donc un transfert, certainement sur la base de Manta). Ils sont accueillis par un étrange et frêle monsieur, en chemisette et casquette orange à logo blanc. Le même personnage figurant sur le cliché de la visite des nouveaux hangars de Tres Esquinas, vu dans l’épisode précédent. La casquette est texane, c’est celle de l’équipe de l’Etat de football américain et aussi le symbole d’un bataillon texan particulier, celui de la Task Force Longhorn, qui arbore fièrement ses couleurs jusqu’en Afghanistan. On peut aussi largement supposer que l’homme n’est autre qu’un ponte de DynCorp, société basée en Virginie, mais ayant ses racines texanes à Irving, dont on trouve des employés tels que les gardes du corps rapprochés de Karzaï arborant fièrement leur origine. Les Texans se font toujours remarquer à l’extérieur, à vanter leur Etat avant même leur nation. DynCorp était le véritable employeur des trois otages, rappelons-le. En 2006, une étude évaluait à 2,1 billions les revenus sur dix ans de DynCorp en Colombie pour l’épandage de l’agent orange, l’herbicide surdosé répandu là-bas (104 fois la dose de jardinage !). Ce n’est pas la seule société à bénéficier du conflit.

Si les Américains avaient été pour si peu dans l’organisation de cette opération, pourquoi donc McCain avait-il été retenu trois jours en Colombie dans la connivence de l’opération et pourquoi donc ce C-130 était-il déjà sur place ? Les dires du ministre colombien sur le fait d’annoncer à Georges Bush le succès de l’action sans qu’il n’ait été prévenu du jour exact de la tentative d’opération ne tient pas la route. On ne fait pas déplacer un C-130 à la légère, et encore moins retenir trois jours un candidat à la présidence des Etats-Unis sans que les personnes concernées n’aient été au courant longtemps à l’avance. Sauf si bien entendu on extrait des otages de Colombie un 2 juillet, les rapatrie aux Etats-Unis un 3 et on célèbre le 4 la Fête nationale américaine en chantant les vertus de la démocratie et de la liberté... Question timing, on ne peut rêver mieux.



Le 4 août 2008, le gouvernement américain se réveille : un jury fédéral américain décide d’inculper l’un des fondateurs des Farc, Hely Mejia Mendoza, connu sous le nom de guerre de "Martin Sombra", pour l’enlèvement des trois otages américains revenus et le meurtre des deux autres pilotes. L’une des charges retenues contre Mendoza est la construction d’un camp de barbelés où avaient été enfermés les trois otages et qui avait fait la une de tous les journaux en 2003 et que s’était empressé de remettre en ligne en 2008 l’ineffable correspondant de l’AFP, en la mettant sous l’image d’une Ingrid Betancourt amoindrie. Certains informent, et d’autres déforment. Et d’autres cherchent encore et toujours les responsabilités : le procureur de la Cour pénale internationale de La Haye (CPI), l’Argentin Luis Moreno Ocampo, écrit le 17 août aux juges colombiens. Sa requête vise l’extradition récente vers les Etats-Unis des 14 paramilitaires décidée par Alvaro Uribe : tout le monde avait vu dans cette décision une forme de protection de ces auteurs de crimes. Les Américains qui savent mettre en examen des membres des Farc sauront-ils faire de même avec leurs... protégés ? Rien n’est moins sûr : les Etats-Unis n’ont pas signé le traité de Rome instituant le CPI ! Rien donc d’étonnant au contraire à ce qu’on apprenne que les Etats-Unis aient demandé tout de suite l’extradition des deux geôliers de Betancourt... dès le 8 juillet, au prétexte d’avoir détenus les trois Américains de DynCorp. Selon les sources gouvernementales, Alvaro Uribe n’y verrait aucun inconvénient... "The president authorized me to disclose this situation, and said that once all legal requirements are met he would be willing to extradite (the two rebels)" précise l’infatigable Padilla. Les deux gardiens de Betancourt assimilés aux paramilitaires, on aura décidément tout vu dans cette histoire. Et Uribe tout fait. Y compris redécouvrir le Cheval de Troie.

Mais il y a d’autres mensonges, le plus grave étant l’utilisation délibérée et surtout préméditée des insignes de la Croix-Rouge, chose assimilable à un crime de guerre, rappelons-le, au vu et à la lecture des conventions de Genève. Car c’est net : sur les extraits vidéos, les Colombiens montrent ouvertement le détournement des insignes. Or "il est interdit d’utiliser les drapeaux ou pavillons, symboles, insignes ou uniformes militaires des parties adverses pendant des attaques ou pour dissimuler, favoriser, protéger ou entraver des opérations militaires", selon l’article 39 du protocole additionnel de CdG. Si les hélicoptères ne sont pas siglés de l’insigne qu’avait apposé Chavez sur ces hélicos civils, ils portent comme déjà dit le logo d’une organisation humanitaire virtuelle. Mais, à bord, des personnes arborent ostensiblement cet insigne sur leurs vestes légères. L’affaire de l’utilisation du logo de la Croix-Rouge semble particulièrement sensible pour le gouvernement d’Uribe, qui s’est cru obligé de faire une mise au point assez laborieuse, à partir d’un texte écrit et devant des généraux assez dubitatifs. C’était le 16 juillet dernier et l’homme semblait particulièrement embarrassé par cette initiative, qu’il dit ne pas avoir appuyée ou en tout cas d’avoir mis en garde ses soldats de ne pas y recourir. C’est la première grosse faille dans la communication de la libération de Betancourt : tout à coup, le président de la Colombie dénonce un abus... de sa propre armée, signe évident de fortes dissensions en son sein. L’armée colombienne est dévorée par une tentation d’extrême droite qu’Uribe ne contient que difficilement. Les militaires lui reprochent sa politique à l’encontre de leurs fidèles alliés des paramilitaires, qui ont souvent fait le "sale boulot" à la place de l’armée officielle et qu’Uribe, sous pression du Congrès démocrate américain, a dû se résigner à demander de renoncer à l’action. Pourtant, notre Ingrid Betancourt, toujours aussi brieffée, avait bien tenté elle aussi d’aider un Uribe en difficulté sur ce point : "Claro", dit-elle en parlant de l’absence de sigles sur l’hélicoptère, en hésitant quelque peu et en cherchant du regard Uribe, qui a visiblement besoin de son soutien à ce moment-là. Sa liberté future dans le pays est à ce prix, sans nul doute. La vidéo du commandant en chef des armées, Freddy Padilla, et celle du ministre de la Défense colombien, Juan Manuel Santos, niant ouvertement l’utilisation d’un sigle humanitaire, est un autre grand moment de désinformation. Tout se passe comme si les officiels du pays, qui n’ont à l’époque pas encore visionné les vidéos, ignorent totalement les détails de sa réalisation. Bien entendu, s’il s’agit d’une opération menée de bout en bout par des services secrets étrangers, on peut le comprendre. En revanche, s’il s’agit de leur propre armée, il y a problème : soit les dirigeants mentent effrontément, soit leurs généraux les trompent. Si l’hélicoptère effectivement ne portait que des sigles humanitaires, en revanche, à bord, des vestes arboraient bien le logo de la Croix-Rouge. Le crime de guerre "intentionnel" est bien avéré nous dit un spécialiste du droit colombien. Le lendemain même, le CICR en Colombie réagit avec force aux déclarations d’Uribe. Reste encore le cas des faux journalistes de TeleSur, la télévision de Chavez, qui avait suivi la libération de Rojas sur place. Là encore, il y a abus d’utilisation que dénoncent les associations de journalistes, dont le Committee to Protect Journalists. Une fausse infirmière et un faux docteur ont été là, c’est l’infirmière qui pose les liens de nylon d’ailleurs dans la vidéo, ce qui n’est pas pour surprendre non plus ! Les autres membres de la délégation se faisant passer pour Australien, Arabe, Cubain et Dominicain. Ce qui n’empêche Padilla de dire que l’usage du logo de TeleSur est "sans importance" : “an insignificant detail given the magnitude”. Une fois encore, les dirigeants se défendent mollement face aux graves accusations, et tentent au maximum de minimiser leurs erreurs, révélées par ces vidéos plus qu’embarrassantes.

Pour les Farc, en tout cas c’est clair : Cesar a bel et bien trahi. Pour appuyer ces dires, TeleSur montre à l’antenne les images de la libération précédente des otages dans les hélicoptères de Chavez : le seul représentant visible des Farc est un homme en noir, la moustache tombante. Gerardo Aguilar, alias "Cesar", toujours le même. Il lui devient extrêmement difficile, à ce stade, d’avouer qu’il a pu confondre facilement les appareils... Pour clore le débat des mensonges, Clara Rojas donne le coup de grâce final, le 11 juillet, en affirmant que ce qu’a dit Betancourt à CNN (chez Larry King) comme quoi elle aurait sauvé la vie du petit Emmanuel est un mensonge. Un de plus, dirons-nous. L’interview de Larry King du 11 juillet nous révèle une autre perle : "But when it arrived, one of the men aboard the helicopter appeared to know the rebel commanders, and the hostages lost hope." Un des hommes de l’hélicoptère "connaissait" donc le dénommé Cesar ? Alors qu’il n’y a dans cet hélicoptère, on le sait, que des militaires et pas un seul humanitaire ? N’a-t-on pas là un aveu de taille ? Celui d’une connivence déjà montrée ici avec la photo sidérante d’un Cesar souriant et d’un Gafas pas stressé pour deux sous dans le Fokker présidentiel qui les ramène à Tolemaida ? Ingrid Betancourt, à trop parler, finit par démontrer toute seule ce dont on se doutait depuis la première vision de ce sauvetage rocambolesque : c’est entièrement cousu de fil blanc. L’opération était bien une reddition contre rançon transformée en raid militaire déguisé, afin de garder la face pour Alvaro Uribe, ou son armée, qui n’avait jamais accepté le principe des échanges d’otages ou du versement de rançon. Des militaires qui n’auraient pas bombardé les leurs faits prisonniers, on le comprend - mais pas hésité à bombarder Reyes -, et qui auraient berné leur propre président en montant de toutes pièces un scénario aussi improbable ? Ou d’autres militaires, pressés de redorer l’image d’Uribe qui ne passait plus dans leur propre pays muni d’un Congrès démocrate ?

Et ce n’est pas fini, question dissimulation : ceux qui portent l’insigne de la Croix-Rouge et qui sont montés dans un hélicoptère (on a apposé à plusieurs endroits un logo précisant "pas d’armes à bord"... ce que ne portaient pas les hélicos de Chavez) étaient tous... armés. Une image fugitive montre en effet à la fin du dernier extrait une arme de poing dépassant du pantalon d’un des libérateurs. Ce n’est pas un emplacement habituel chez les militaires, mais bien une façon courante de porter une arme dans les services secrets. Le CICR s’est fait doublement tromper. L’analyse de la photo montre que l’arme est aussi celle la plus répandue... chez les Forces Spéciales américaines, c’est un pistolet tchèque réputé. Or, ce pistolet, le CZ75B, nous le retrouvons sur un autre super cliché fourni par l’armée américaine, avec ce commentaire : "a U.S Army instructor fires with Colombian soldiers during a combat exercice in a Southern Colombian aera once controlled by left-winf rebels in la Macarean, some 400 kms of Bogota in Meta province." Pour le trouver, pas la peine d’aller en Europe. Une division CZ-USA existe. Avec au catalogue toute la gamme, dont le "compact", qui, comme son nom l’indique, se dissimule plus facilement. Notre homme semblant lui préférer le "stainless"... Un pistolet d’acier qui nous ramène une seconde fois aux Conventions de Genève. Car l’ineffable Padilla, toujours lui, avait affirmé également que "les agents colombiens n’étaient pas armés et que leur mission différait d’une stricte opération militaire", pour contrecarrer maladroitement les accusations de crime de guerre. A part qu’ils l’étaient, armés, on en a la preuve en vidéo, et que l’explication du succès de l’opération a été donnée par les généraux colombiens, qui ont salué au départ en elle une "opération a 100 % faite par l’armée colombienne". Toutes les tentatives pour rattraper les révélations encombrantes de ces cinq vidéos tombent à l’eau : visiblement, le gouvernement d’Alvaro Uribe, qui agit dans l’improvisation face aux accusations, s’est fait dépasser par le contenu du reportage. De là à dire qu’il a été produit et diffusé dans le but de nuire à ce gouvernement, il n’y a qu’un pas que nous franchirons aisément. L’opération rêvée tourne au cauchemar pour Uribe, qui n’a pas été mis au courant de tout et doit se dépêtrer avec ces images plutôt compromettantes pour lui.

On le voit, les erreurs ou omissions s’accumulent dans cette expédition qui n’a pas totalement tourné comme on aurait voulu le laisser entendre. En particulier avec la révélation des vidéos complémentaires, qui embarrassent le président Uribe davantage qu’elles ne l’aident vraiment. A se demander qui tire les ficelles à ce jeu, où l’un des pions majeurs est bien le fameux "Cesar". C’est ce que je vous propose de découvrir dans le prochain épisode de notre saga colombienne d’été.

Documents joints à cet article


Lire l'article complet, et les commentaires