Les Espagnols défilent contre la répression européenne

par Laurent Herblay
mercredi 26 mars 2014

Dimanche, les Français ont exprimé une profonde insatisfaction contre les principaux partis de notre pays. Samedi, les Espagnols faisaient de même, mais en défilant par centaines de milliers à Madrid contre les politiques d’austérité menées dans leur pays et leurs conséquences monstrueuses.
 
 
La colère du pays réel
 
Comme pour les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, on a l’impression aujourd’hui qu’il y a deux Espagne. D’une part, il y a le pays qui retrouve de la croissance, est parvenu à rééquilibrer son commerce extérieur en quelques années, et qui réduit drastiquement son déficit budgétaire, au point de pouvoir emprunter à 3,3% à 10 ans. Mais cette image est totalement virtuelle, déconnectée de la réalité de la vie de la population du pays, comme l’ont bien démontré les manifestants de samedi dernier, certains estimant même qu’ils étaient près de deux millions à participer à cette « marche de la dignité  ».
 
La manifestation a eu lieu sous le slogan « non aux coupes budgétaires – du pain, du travail et un toit  », dénonçant « l’urgence sociale, le chômage qui touche toujours plus d’un actif sur quatre en Espagne et la politique d’austérité menée par le gouvernement de droite depuis plus de deux ans  ». Une partie des manifestants réclamaient carrément le non remboursement de la dette du pays. Car l’amélioration des statistiques économiques espagnoles est totalement virtuelle pour une population confrontée à un chômage toujours monstrueux et à une baisse du pouvoir d’achat, qui explique en grande partie le redressement des comptes extérieurs du pays, au prix d’une grave misère sociale.
 
L’espoir venu des Pyrénées

Cette révolte pacifique des espagnols est extrêmement encourageante. En effet, l’Espagne a longtemps été un pays béni de la construction européenne, signe de l’intégration au cercle des démocraties et vecteur de progrès économique par le biais des fonds régionaux. Mais aujourd’hui, une grande partie de la population refuse cette politique économique folle et inhumaine où l’on trouve toujours des milliards pour financer les banques et où la population est mise « à l’eau et au pain sec  », pour reprendre la formule très juste utilisée par Coralie Delaume dans son livre « Europe : les états désunis  ».

Bien sûr, pour l’instant, cette révolte n’a pas produit de changement politique, mais les sondages indiquent un affaiblissement des deux principaux partis, dont les électeurs peinent à distinguer les différences dans la réponse à la crise, et la forte poussée de la gauche radicale et d’un nouveau parti, l’UPD. Bref, les élections européennes pourraient bien réserver de sacrées surprises avec un contingent de députés espagnols qui remettrait largement en question les politiques menées depuis des années. Une faille de plus dans cette tour de Babel européenne qui ne semble plus aujourd’hui plaire à grand monde.
 
Merci à l’Espagne et aux Espagnols de nous montrer qu’il faut croire à la démocratie et que le changement peut venir de manière pacifique malgré les énormes souffrances qu’ils traversent. La question n’est plus de savoir si nous allons changer de système mais quand cela arrivera.

 


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