Les frères musulmans aux abois
par FRIDA
lundi 19 août 2013
Tariq Ramadan soutient mordicus les frères musulmans
Dans une interview paru dans le Parisien, à la question « Quand Mohamed Morsi était au pouvoir, les libertés individuelles ont-elles été réduites ? » Tariq Ramadan répond
« Non, il n’y a pas eu d’attitude liberticide sur le terrain. Les islamistes ont été extrêmement prudents avec tous les symboles, les questions de la femme, des coptes. Ils sont peu intervenus là-dessus. Leurs lacunes étaient ailleurs, et au demeurant plus graves que la gestion maladroites des symboles. Ils se sont même trompés en pensant qu’en gérant bien les symboles (les libertés, la question de la femme, la shari’a, etc.), cela suffirait à être reconnus et normalisés. »
Toujours cette cécité à défendre la confrérie. Un non catégorique. Il en perd même toutes réserves que l'on puisse avoir dans ce contexte. Les frères musulmans sont peut-être incompétents, maladroits, tout ce que l'on veut mais pas liberticides. Au contraire, selon lui, de par leur passé (largement mythifié) ils ont une légitimité historique. Que veut dire ce genre de postulat ? L'histoire ne donne aucune légitimité, aucun certificat de bravoure, aucune attestation d'honnêteté et encore moins une preuve de loyauté et de bonne foi. C'est une rhétorique vide de sens. Elle fait appel à un fonds ou un archétype culturel chez les musulmans afin d'associer aux frères musulmans leur histoire religieuse, et notamment les débuts de la prédication de l'islam, ce qui est communément connu comme les persécutions dont elle a fait l'objet de la part des Qoraïchites avant sa fulgurante expansion.
Pourtant, d'autres voix semblent faire entendre une autre analyse. Soit T. Ramadan est mal informé soit il est incompétent. Ceux qui ont suivi les évènements et le processus des élections en Égypte auraient vu et compris que le coup d'État militaire répond au coup d'État islamiste de Morsi et sa confrérie.
Voici ce qu'en dit Bernard Lugan « Enfermés dans leurs certitudes et soutenus par les Etats-Unis et le Qatar, ils voulurent malgré tout faire passer en force une Constitution islamiste. Pour y parvenir, le 22 novembre 2012, le président Morsi fit un coup d’Etat en signant un décret l’autorisant à prendre les pleins pouvoirs. Des manifestations énormes se produisirent alors et les Frères musulmans qui ne s’attendaient pas à une telle réaction populaire virent leurs locaux pris d’assaut par la foule et incendiés.
Le 7 décembre 2012, dans un communiqué particulièrement clair, l’armée égyptienne mit en garde le président Morsi, soulignant que les pleins pouvoirs qu’il venait de s’octroyer afin de faire adopter en force une Constitution théocratique, allaient faire emprunter à l’Egypte « un sentier obscur qui déboucherait sur un désastre, ce que nous (l’armée) ne saurions permettre »[2].
Tewfik Aclimandos, chercheur au Collège de France, va dans le même sens que Lugan « Ils ont fermé la porte à un compromis politique et sciemment joué la carte du pire. Ils ont fait le maximum soit pour que le gouvernement plie, soit pour qu'il y ait un bain de sang. Si c'est un coup d'État, il était réclamé depuis plusieurs mois par 80 % de la population. Les Frères musulmans ont tenté de mettre en place un régime totalitaire. Ils avaient des pratiques d'extrême droite. Depuis qu'ils ont pris le pouvoir, en juillet 2012 ; leurs miliciens ont très souvent attaqué des manifestants, des journalistes, des opposants… Dans n'importe quel pays démocratique, face à une telle situation, on aurait légitimement décrété l'état d'urgence » Et il ajoute comme je l'explique plus haut, que la stratégie des frères est de se donner l'aura du défenseur de l'islam, de la souveraineté nationale face à l'Occident, voire une lutte contre les attaques islamophobes et anti-musulmans « Les Frères et leurs alliés ont brûlé ces deux derniers jours une cinquantaine d'églises, ils s'en sont pris à des établissements et à des commerces coptes, ils ont agressé des passants qui portaient des croix. Le discours en interne des Frères attribue la chute de Morsi à un complot armé fomenté par des coptes. Ce qui esquive la question de savoir pourquoi autant de musulmans détestent les Frères. Et ce qui permet de se convaincre que ce conflit est une guerre sainte et qu'il est licite de tuer ses ennemis. Plus généralement, la Confrérie est farouchement antichrétienne. »
Ramadan nous explique : « Depuis des années, j’ai toujours pris des distances claires avec les Frères musulmans. J’ai toujours été très critique à leur égard. Mais je ne suis pas d’accord avec le fait qu’on les diabolise, comme c’est le cas de la propagande des dictateurs et des militaires qui les présente comme des violents et des extrémistes ». Pourtant, toujours dans la même interview « Dans une mosquée, des militaires ont encerclé des fidèles qui étaient en train de pleurer leurs morts. On leur a dit : vous ne pouvez pas les enterrer tant que vous n’aurez pas signé un papier attestant qu’ils se sont suicidés ! » Sauf que cette rumeur concernait d'abord les morts à la suite de l'affrontement entre les forces de l'ordre et les pro Morsi lorsque elles ont procédé à l'évacuation des sit-in et ne concernait pas les morts dans la Mosquée Al Fath. Une rumeur qui n'a aucun fondement si ce n'est de jouer sur les peurs et les tabous. Je ne connais pas les formalités administratives égyptiennes concernant les décès. La discrétion quant à la cause du décès est de rigueur dans n'importe quel État y compris un État policier, que cela soit en période d'état d'urgence soit en temps normal. La discrétion est de rigueur quand il s'agit de la vie privée ou d'éléments se rapportant à la vie personnelle des gens.
Ramadan n'a aucun fait matériel pour corroborer une telle rumeur. Je dirai qu'il fait le propagandiste des frères musulmans au même titre que n'importe quel autre propagandiste.
Quant au siège de la Mosquée Fath, les pro Morsi ont pris la Mosquée comme un lieu de retranchement en remplacement des sit-in évacués. Et ce malgré la protestation des gestionnaires de la Mosquée. Ils ont joué sur le registre du sacré et des tabous pour faire passer les forces de l'ordre comme incapables de respecter la sacralité des lieux de prière, ne respectant pas les symboles de l'islam.
Ils pratiquent la politique de la terre brûlée parce qu'ils savent qu'ils ont perdu définitivement le soutien populaire. Ce dernier ne fut somme toute que relatif.
Ce qui n'est pas dit des frères musulmans c'est qu'ils sont une confrérie fonctionnant par cooptation, par réseaux, par allégeance. Ils sont présentés comme un parti politique qui a toujours été réprimé par les militaires. On cite allègement l'assassinat de Hassan Al Banna « Son grand-père, égyptien, a fondé en 1928 le mouvement islamiste des Frères musulmans avant d’être assassiné en 1949 pour ses idées politiques ». Formulé ainsi, cela lui donne la stature d'une victime, l'aura d'un martyr.
Pourtant, c'est un politicien doublé d'un fanatique qui a souvent joué finement en profitant des occasions politiques servant son projet politique et ses propres intérêts. Il a aussi organisé une branche armée pour soutenir sa politique quand il le faut par la violence et la force. On en parle moins. L'idéologie des frères musulmans adopte la pensée takfiriste (c'est à dire frapper d'excommunication celui qui ne pense pas comme eux). Ils devraient en réclamer le copyright.
Pourquoi a-t-il été assassiné et qui l'assassiné ?
Hassan Al banna a été tour à tour allié du parti de Al Wafd (parti nationaliste et laïque ayant pour mot d'ordre : « La religion est pour Dieu et la patrie pour tous » ), d'autres formations politiques et même allié à la monarchie égyptienne.
On cite souvent l'assassinat du ministre de l'intérieur égyptien Mahmoud Fahmi Al Noqrachi le 28 décembre 1948 par un frère musulman. Al Banna désavoua ce crime. Il faut savoir que la confrérie n'a pas besoin de formuler des consignes écrites et claires pour les assassinats et la violence. Ceci est inscrit dans leur idéologie, et n'importe quel fanatique repu de la doctrine se voit autorisé ou se croire investi du devoir éliminer ceux qui sont considérés comme une menace contre l'existence du projet des frères musulmans.
Cet assassinat a été expliqué comme la réaction violente à la dissolution des frères musulmans. C'est oublié que les recrutements se font sur trois nivaux. Il y a les frères idéologues, les frères activistes et les frères djihadistes.
Par ailleurs, les frères musulmans sont une réaction contre l'existence des partis politiques qu'ils récusent tout simplement, s'attaquant notamment au parti Al Wafd en même temps que leur refus de de la colonisation.
Les frères musulmans et Al wafd furent les principaux acteurs pendant la période coloniale et post coloniale. La lutte pour le pouvoir des frères musulmans a été parfois sanglante. Ils n'ont pas hésité quand il le fallait à soutenir la monarchie égyptienne. Celle-ci les a aussi soutenus quand cela s'est avéré utile à ses intérêts. Ils leur arrivent de se montrer très calculateurs et opportunistes quand les circonstances l'exigent. Al Banna n'a pas eu de scrupules à retirer les candidatures des frères musulmans face à ceux de Al Wafd lors des élections législatives de 1942 suite à un accord avec Mustapha Nahas.
La politique est une affaires de d'alliances, de scissions et de contre-alliances. L'assassinant de Hassan Al Banna se produisit comme tous les assassinats des autres grandes figures politiques égyptiennes, le dernier assassinat fut celui de Sadat.
Au mois du mai 1954, le premier ministre Mustapha Nahas réclama la révision du Traité anglo-égyptien de 1936, les Britanniques rejetèrent d'un revers de main sa demande. Des manifestations s'en suivèrent, toutes les mouvances et les courants politiques égyptiens y participèrent. Sauf les frères musulmans. Ils sont restés à l'écart observant le déroulement des évènements de loin et scrutant l'occasion qui leur serait favorable. Attendant la réaction du ministre de l'intérieur Al Noqrachi. Ce dernier venait de leur refusait des aides financières. C'est au lendemain de la manifestation qui a fait des morts que les frères musulmans ont fait leur propre manifestation.
On peut légitiment rapprocher cet événement à l'absence des frères musulmans lors des premières manifestations anti-Moubarak en 2011.
Le renversement du gouvernement Al Noqrachi a eu pour résultat l'arrivée au pouvoir le gouvernement du Ismail Sidqui, un homme brutal et n'hésitant pas à utiliser la manière forte. Les frères musulmans n'ont eu pas des scrupules à le soutenir et collaborer avec lui. Cela dura à peine un an avant le retour de Al Noqrachi au gouvernement. Mais après l'implication des frères musulmans dans une série d'actes violents, il pris finalement la décision de dissoudre la confrérie quand bien même elle lui fut utile de temps à autre. Tous les activistes frères musulmans ont été arrêtés à l'exception de Hassan Al Banna. Ce dernier a par la même occasion perdu toute protection rapprochée.
Pourquoi Al Banna ne fut-il pas arrêté ? Voilà une question qui suscite un débat sans fin parmi les historiens de la mouvance. Comme l'assassinat de Al Noqrachi fut attribué à un fanatique. La confrérie ne désolidarisa de l'auteur de l'assassinat, on peut également avancer l'hypothèse que l'assassinat de Hassan Al Banna est l'oeuvre d'un fanatique vengeant Al Noqrachi. Ou encore tout autre personne estimant que Al Banna joue un jeu personnel contre les intérêts des Égyptiens. Des hypothèses parmi tant d'autres et notamment celle qui désigne l'implication des service secrets de l'État.
Cela fait plus de 80 ans que la confrérie existe. Qu'a-t-elle apporté aux gens ? A-t-elle marqué l'histoire d'une quelconque oeuvre, d'une quelconque avancée, d'une quelconque utilité pour l'ensemble ou une partie des citoyens sans distinction ?
Les frères musulmans n'ont pas la culture du compromis, incapables de faire des concessions ne serait-ce que pour éviter de nuire à leur cause. Quand ils n'ont pas en vu un gain stratégique immédiat et en outre quand ils s'imaginent en position de force, ils deviennent féroces et jouent le tout pour le tout. Qu'apportent ces courants islamiques en général ?
Comparés par exemple à la mouvance sioniste (ses leaders sont quasiment tous athées ou ne mettant jamais le judaïsme en avant), que se soit à ses débuts ou à son apogée (l'AIPAC), la plupart des islamistes qu'ils soient dans les pays arabo-musulmans ou en Occident se comportent comme des marabouts, bien sûr dans le sens négatif du terme.
Ils ne maitrisent que les prêches, l'intimidation émotionnelle et intellectuelle auprès d'une population souvent en manque de culture, ignorant sa propre histoire, ancienne ou moderne, ne connaissant que les rudiments de sa religion. L'information et l'éducation se font par le biais de la superstition, de l'allégeance sans réserve à ceux qui ont la clés du paradis. Par conséquent, ils étaient tout à fait capables, un fonds culturel les y aidant, de renforcer l'indiscipline et l'anarchie, le manque de patriotisme en rejetant ceux qui ne partagent pas leur ferveur religieuse, leur bigoterie et leur fanatisme, un retour vers le passé quitte à oublier le présent et notamment l'avenir.
C'est amusant de voir la diplomatie britannique dénoncer le massacre des militaires égyptiens.
https://www.youtube.com/watch?v=DrsuRI9UEWc
http://www.theegyptianchronicles.com/History/PRIMEMINISTERS43.html
http://www.worldministries.org/egypt.html
http://www.europe1.fr/International/Egypte-place-aux-Freres-musulmans-827617/