Les gros sabots de la CIA, ou la stratégie du bourrin

par Clark Kent
dimanche 18 décembre 2016

Quand le New York Times relaie des « révélations » selon lesquelles Vladimir Poutine aurait "personnellement" dirigé la façon dont les e-mails piratés de la campagne de Clinton devraient être utilisés, on voit la CIA arriver avec leurs gros sabots.

Ce qui semblait avoir choqué Killary quand elle a été mise K.O., c’était les commentaires des partisans de Trump, jugés « déplorables », et surtout la lettre de Comey, le directeur du FBI qui sortait un joker inattendu avec de nouvelles découvertes d’e-mails compromettants pour le camp démocrate. Tout cela n’avait aucun rapport avec la Russie. D’ailleurs, ces derniers e-mails n'avaient pas été « piratés » : c’était le résultat d’un hameçonnage classique auquel le destinataire avait répondu par erreur en cliquant bêtement sur le lien du courrier électronique reçu (alors que tout le monde sait qu’il ne faut jamais faire ça).

Quoi qu’il en soit, personne ne peut dire si ces fuites d’e-mail passant pas des tuyaux percés ont eu un réel effet sur l'élection, et il n'y a aucune raison d’accuser la Russie d’avoir faussé les élections. Or la CIA explique maintenant comment Poutine aurait lui-même pris le contrôle de l'opération, en raison d'une vieille rancune qu’il aurait ruminée de longue date et qui concernait justement Mme Clinton.

Aucun élément nouveau n’est apparu pour justifier une telle allégation de l'implication personnelle du président russe, mais peu importe, cette vision fabriquée d’un Poutine intervenant personnellement dans une élection américaine a un objectif clair : viser le cœur. C'est visiblement une forme de propagande, qui utilise les vieilles ficelles léguées par le maccarthysme, et qui consiste à personnifier le « méchant » de l’histoire pour lui donner de la consistance et diriger sur lui la vindicte de la foule en colère.

George W. Bush était un utilisateur chevronné de cette technique simple (et donc à sa portée). Il l’avait ressortie dans le discours où il assénait avec vigueur qu'il avait eu raison de débarrasser l’Irak de Saddam Hussein, même si ce pays ne détenait aucune des armes de « destruction massive » qui avaient justifié l’intervention américaine. Pourquoi ? Parce que Saddam Hussein était « mauvais ». Il était l’un des pivots de l’ »axe du mal » dont l Kim Jong-un constituaient l’autre pôle satanique, en Corée du nord.

La « méchanceté » d'un adversaire de la politique américaine est métaphysique et peut servir à justifier presque n'importe quoi.

En 1953, le premier ministre iranien Mohammad Mosaddegh avait osé réclamer à la compagnie pétrolière BP une part équitable des profits réalisés sur la vente du pétrole de son pays. L'administration d'Eisenhower relayée par une presse américaine complaisante (pour ne pas dire « à la botte ») a alors mené une virulente campagne de diffamation personnelle contre le premier ministre en personne, l’accusant d’être un communiste et une marionnette de l'Union Soviétique, alors que Mosaddegh était un aristocrate nationaliste. Faire de lui le Lucifer oriental était le préalable utilisé par la CIA pour renverser le premier ministre élu d'un grand pays parlementaire qui n'a toujours pas retrouvé son régime « démocratique » d’alors.

Plus récemment, au Vénézuela, Hugo Chavez a subi un traitement comparable, tout comme Yasser Arafat en Palestine ou Salvador Allende au Chili en avaient été les victimes.

Chaque fois que les agences de renseignement des États-Unis collaborent avec les médias pour salir un dirigeant étranger, pour l’affubler des cornes du diable et colorier en rouge son visage éclairé par les flammes de l'enfer, il faut comprendre cette projection comme le signe d’un projet visant le pays concerné.


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