Les Mots du Génocide des Tutsi du Rwanda
par Bertrand Loubard
mercredi 1er juin 2016
Au moment où, aux Assises de Paris, se tient le procès de deux présumés génocidaires des Tutsi du Rwanda de 1994, paraît sur :
suivant AFP , un "glossaire" de certains mots du Génocide des Tutsi tels que : "Akazu", FPR, "Gacaca", "Hutu Power", "Interahamwe", "Inyenzi", "Inkotanyi"....
Ci-dessous, quelques précisions, corrections ou mises en perspectives (selon ce que j'en crois savoir ou ce que j'en crois pouvoir penser) de certains de ces mots.
Akazu : "la petite maison". Un cercle de dirigeants soupçonné d'avoir organisé le génocide. Suivant Faustin Twagiramungu, ex- Premier Ministre du premier gouvernement rwandais post-génocide (de 1994 à 1995), le mot était employé par les opposants à Habyarimana pour désigner les proches partisans du Président, sans aucune référence à une quelconque organisation. Comme on dit "la bande à...", "le clan de...." etc. Faut-il préciser que Monsieur Twagiramungu a fui son propre pays en 1995 et est réfugié politique en Europe sous protection policière compte tenu des menace d'assassinat dont il est la cible. Il faut aussi se rappeler que la planification du Génocide des Tutsi du Rwanda n'a jamais été retenue dans les condamnations des coupables d'Arusha (TPIR).
FPR : Front Patriotique Rwandais ex-rébellion majoritairement tutsi basée en Ouganda. Le FPR était formé de soldats de l'armée régulière ougandaise, d'origine rwandaise (deuxième génération de réfugiés des années 1959-1963). Il semble aussi qu'il y ait eu aussi quelques mercenaires éthiopiens, somaliens et soudanais. Faut-il rappeler qu'un réfugié qui prend l'uniforme de l'armée du pays d'accueil pour attaquer son pays d'origine perd son statut de réfugié. N'étant pas composé de ressortissant rwandais à proprement parlé, le FPR ne formait donc pas une rébellion en tant que telle. Une rébellion est, de fait, un soulèvement civil ou militaire de nationaux à l'intérieur de leur propre pays contre les diverses formes d'autorité de ce pays même. (Castro n'a pas quitter Cuba pour revenir à La Havane, faire "sa" révolution). La qualification de rébellion dès les premiers jours de l'invasion permettait à la "communauté internationale" (sans majuscule, à l'époque) de ne pas respecter son devoir d'intervention (ne fut-ce que morale) suivant les normes internationales et les accords particuliers d'Etat à Etat de coopération et de défense mutuelle (Donc pas de Conseil de Sécurité de l'ONU !). Même plus : aucune réaction pour condamner ou faire cesser l'agression flagrante. Celle-ci a cependant été caractérisée, dès le début, par des crimes de guerre commis par le FPR, tel que le sabotage de la centrale électrique de Ntaruka (objectif essentiellement civil). Tout cela est passé inaperçu...mais le sigle reste, "FPR", entouré d'une aura d'autant plus intense que peu analysée quant à ce que le sigle couvre réellement. Le FPR était commandé, non par Paul Kagamé, mais bien par Fred Rwigiéma, "poulain" de Musévéni et donc de la CIA (Mobutu étant déjà en déliquescence vis à vis des USA). Fred Rwigéma fut assassiné dès le deuxième jour de l'invasion ougandaise fort probablement sur ordre de Paul Kagamé. Celui-ci avait été, de fait, doublé par Fred Rwigéma avec l'accord de Musévéni et du frère de celui-ci, Salim Saleh. Kagamé avait été mis, sournoisement, à l'écart de l'attaque du 01/10/1990, sous prétexte d'un stage à Fort Leavenworth où il séjourna d'ailleurs moins de trois mois, d'août à octobre 1990 (malgré la légende de sa "formation" made in US Amy). Les Majors Bayingana et Bunyenyezi furent, dès la mi octobre et le retour de Kagamé à Kampala, assassinés sans aucune réaction de qui que se soit, sans aucunes questions sur les mobiles, les auteurs, les instigateurs et les "autres" acteurs !....C'est seulement à ce moment là que Paul Kagame se plaça à la tête du FPR. Après la guerre il fit de Rwigéma un héro (comme Mobutu a fait un héro de Lumumba qu'il avait, lui-même, fait assassiner)
Gacaca "tribunal sur l'herbe". C'est une juridiction traditionnelle datant de l'époque pré-indépendance. Elle était une sorte de justice de paix pour les petits conflits de voisinage. Beaucoup de questions restent posées au sujet de ce qui doit être considéré comme une justice expérimentale comparativement à ce qui s'est fait en Afrique du Sud. Même des ONG comme Amnesty International et Human Wright Watch sont "interpellées" par cette nouvelle approche. Cependant on ne peut pas dire que la Présence de Mme Blair lors d'un procès Gacac soit une référence en la matière, compte tenu qu'elle a été aussi la défenderesse du Général Karenzi Karake lors de son arrestation (loufoque) à Londres en 2015. Il faut noter que la campagne : "Ndi Umunyarwanda" fait que tout Hutu doit demander pardon pour le génocide des Tutsi du Rwanda. (même les enfants nés après le Génocide !). Le Rwanda n'a pas ratifié le Statut de Rome créant la CPI !
Hutu Power : est le nom donné par les extrémistes Hutus, en février 1993 à leur mouvement, réaction à ce qu'ils considéraient comme le terrorisme Tutsi anglophone, suite à l'attaque du FPR sur Ruhengeri. Cette attaque qui était une rupture unilatérale du cessez le feu en vigueur à ce moment, a fait un million de déplacés de guerre à l'intérieur du Rwanda (aux portes de Kigali), dans l'indifférence générale de la communauté internationale (toujours sans majuscules).
A propos des "Dix commandements du Muhutu" qui ont été publiés dans Kangura en décembre 1990, après l'invasion par l'Ouganda le 01/10/1990, il faut savoir qu'ils ont été pour les extrémistes Hutus (qui n'étaient pas encore Power) considérés comme le "pendant hutu" de ce qui avait été "diffusé" sous le titre "les 10 commandements du Mutusi" par un certain François RUKEBA entre 1959 et 1963.
Interahamwe : avant la guerre, et du temps du Mouvement et donc avant l'aggiornamento politique (introduction des partis politiques indépendants du MNRD), les Interahamwe formaient les "groupes d'animation de la jeunesse du partit MNRD". Les autres groupes d'animation étaient liés aux différents ministères, aux différents secteurs de l'activité économique et/ou sociale. Les Interahamwe sont devenus une véritable milice du Mouvement en 1992 à l'instar des autres groupes "officiels" ou "infiltrés". Un des leaders Interahamwe qui organisait des "barrières", a été reconnu comme un membre du FPR infiltré.
Inyenzi : "cafards" en kinyarwanda ". A ce propos il faut savoir que ce sont les réfugiés Tutsi de 1959-1963 qui ont forgé le mot à partie de l'expression kinyarwanda : « ingangurarugo yiyemeje kuba ingenzi » qui signifiait : "Le combattant de la milice Ingangurarugo qui s’est donné pour objectif d’être le meilleur" (Suivant Ngurumbe Aloys in Kanguka février 1992 - Le nom Ingangurarugo est celui d'une armée royale du règne du Mwami Rwabuligi). La traduction française est, bien entendu : blatte, cafard, cancrelat. Ce terme très péjoratif pour la plupart des gens de race blanche, ne l'est cependant pas autant pour la plupart des gens de race noire. Certains insectes sont considérés par les gens de race noire comme comestibles, consommables et consommés tels les sauterelles, les termites et même justement les cafards. Il en est de même des vers de bananiers qui semblent bien être un met présentant des qualités gustatives et nutritives supérieures. Il n'y a rien d'étonnant à cela. Pour la plupart des Européens, les huîtres, les escargots, les cuisses de grenouilles, les crevettes, les viandes faisandée ou le camembert (bien fait) semblent bien appétissant, ce n'est pas le cas pour tout le monde. Un autre exemple : les Nord-Américains ne mangent ni viande de cheval ni lapin. Pendant la guerre de 40-45, beaucoup d'Européens ont mangé du chat... Les Chinois mangent du chien....etc ; etc. Donc insister sur l'aspect répugnant du cafard semble émaner d'une intention biaisée par ceux qui veulent argumenter à la manière d'une propagande démagogique à destination de la sensiblerie européenne. Il faut se rappeler que si en 1959-1963 des contre-révolutionnaires rwandais, les royalistes tenant de l'ancien régime, ont cru bon de créer l'acronyme "Inyenzi" ce n'est pas si innocent que cela. En effet, c'est qu'effectivement les attaques terroristes des milices de cette résistance armée contre les institutions républicaines, se faisaient uniquement... de nuit... Or tout un chacun sait que le cafard fuit le lumière... Hasard ?
Inkotanyi : "combattants infatigables". Effectivement les diverses armées des Mwami et de leurs féaux portaient chacune des noms. Le nom d'emprunt du FPR est assez symbolique de l'ancien régime : dynastie sacrée traditionnelle des civilisations interlacustres de l'Afrique Centrale du Xième au XXième siècle et qui était une féodomonarchie de droit divin basée sur un code ésotérique de transmission purement orale.
Au moment où les génomes peuvent être brevetés et devenir propriétés privées, il est à espérer qu'il n'y ait pas encore de "labels," de "droits d'auteurs" sur les mots... si oui... la renaissance de l'Inquisition deviendrait urgente.... !
Kanguka : périodique d'opposition créé en 1988. Kangura est créé en octobre 1990.