Les routes de la soie, réponse de la Chine au traité transpacifique des Etats-Unis
par Joaquim Defghi
mardi 13 mai 2014
La tournée asiatique printanière de Barack Obama a mis en relief la volonté des Etats-Unis d’isoler économiquement la Chine via la signature du traité transpacifique, et d’utiliser dans cette optique les conflits territoriaux existant entre la Chine et son voisinage. Cette stratégie américaine, miroir de celle appliquée à la Russie, ne date pas d’hier, de même que la réponse apportée par la Chine pour éviter d’être endiguée.
Les conflits territoriaux opposant la Chine au Japon ou aux Philippines constituent un sérieux handicap pour mettre en œuvre des traités commerciaux. Les Etats-Unis l’ont bien compris et mettent à profit cette situation. Cependant, la Chine fait preuve d’initiatives pour développer les échanges avec ses voisins. Le Partenariat Economique Régional Compréhensif (Regional Comprehensive Economic Partnership, RCEP), un accord de libre-échange incluant les pays de l’ASEAN plus six autres pays, est perçu par de nombreux observateurs comme une tentative de la Chine pour faire contrepoids au traité transpacifique.
Le rail déjà opérationnel, mais pas la route
Parallèlement, au cours de sa visite d’octobre dernier en Malaisie et en Indonésie, le président chinois Xi Jinping a émis l’idée d’une renaissance de la route maritime de la soie. Mais abordons d’abord le côté terrestre dont il est question depuis plusieurs années et qui s’est concrétisé pour le rail. Lors de sa dernière venue en Europe en mars, Xi Jinping a visité le terminus d’une voie-ferrée reliant Duisburg en Allemagne à Chongqing en Chine en 16 jours quand le transport maritime classique prend à peu près un mois.
Cette ligne de chemin de fer passe par la Russie, la Biélorussie et la Pologne. Même si les échanges en train ne représentent que 5% des flux de marchandises entre l’Allemagne et la Chine, ils sont particulièrement intéressants pour les pièces détachées de voitures et les composants informatiques. Non seulement le train est deux fois plus rapide que le bateau, mais son coût est deux fois moindre. Les derniers évènements en Ukraine risquent cependant de mettre un peu de plomb de l’aile de ce nouveau lien économique.
Au niveau terrestre toujours, les projets routiers reliant la Chine à l’Europe ne manquent pas de prétendants. En effet, Le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et le Pakistan peuvent potentiellement accueillir ces nouvelles routes. Ce mois-ci, au cours d’une conférence en Chine, le premier ministre pakistanais Nawaz Sharif a ainsi évoqué la possibilité que son pays figure sur le tracé d’une prochaine route de la soie. Le Pakistan est idéalement situé géographiquement puisqu’il fournit aussi bien un accès vers l’Europe que le Moyen-Orient. Mais il lui faut fournir des preuves d’une plus grande stabilité politique.
Question remous internes, la Chine n’est pas en reste : l’attentat du 30 avril perpétré par les Ouïghours s’est produit dans la région du Xinjiang, concernée en premier lieu par la future route de la soie terrestre. Les difficultés à franchir pour aboutir à une route de la soie terrestre ne sont pas que d’ordre politique : les barrières douanières et les arrêts exigés à chaque frontière (rallongeant le trajet) constituent aussi des freins à ces projets pharaoniques.
La voie maritime
Passer par la mer apparaît moins innovant ou moins conforme à l’esprit de la route de la soie antique, mais plus réaliste dans une optique court-terme visant à éviter l’endiguement américain. Historiquement, cette voie maritime atteignit son apogée au XVème siècle quand l’explorateur Zheng He menait une armada de plus de 300 bateaux et 27 000 marins à travers l’Asie jusqu’au golfe persique.
De nos jours, ces corridors maritimes jouent un rôle vital pour approvisionner une Chine qui a fortement délocalisé à son tour la production de matières premières ou de composants en Asie, mais aussi en Afrique dont le potentiel de croissance ne laisse pas indifférent l’Empire du Milieu. La Chine accuse un déficit commercial conséquent vis-à-vis des pays asiatiques et africains, mais dégage un large surplus dans ses échanges avec les pays occidentaux.
Le fort développement des échanges entre pays asiatiques serait un atout pour la monnaie chinoise qui se verrait acquérir plus rapidement un statut mondial. Le parallèle avec la route de la soie est ici tout à fait pertinent puisque les pièces de cuivre chinoises servaient abondamment quelques siècles auparavant comme moyen d’échange le long de cette voie maritime.
Un autre élément à prendre compte dans cette nouvelle proposition d’alliance commerciale, est la diaspora chinoise. 32 millions sur les 50 millions de chinois vivant à l’étranger habitent en Asie du sud-est. Ils représentent une part importante de la richesse des pays de l’ASEAN et la Chine espère bien qu’ils seront moteurs dans l’établissement de cette route de la soie, permettant de contrebalancer les craintes liées aux conflits territoriaux.
Pour que le projet aboutisse, la Chine va devoir faire preuve de persuasion, notamment dans le fait qu’elle agit dans un but pacifique, ce dont tout le monde n’est pas convaincu à l’heure actuelle. D'autant que Pékin vient d'annoncer la construction d'une plateforme pétrolière dans une zone qui appartiendrait aux eaux territoriales vietnamiennes.
En Inde, un ancien secrétaire aux affaires étrangères dénonçait dernièrement cette route de la soie qui ne sert selon lui que les intérêts chinois ; il préférerait se rallier aux Etats-Unis. En Asie comme en Europe, nous en sommes au temps du choix. Mais est-il nécessaire de choisir un camp ?
Joaquim Defghi
Blog : actudupouvoir.fr
Twitter : https://twitter.com/JDefghi
Sources complémentaires des liens dans l’article :
- Courting Asia : China’s Maritime Silk Route vs America’s Pivot, The Diplomat
- China to boost investment in Silk Road countries, CCTV
- A Bumpy Plan And Silk Road, The Nation
- A new ‘silk road’ linking Germany and China, The Local.de
- China’s maritime ‘silk road’ proposals are not as peaceful as they seem, dailymail.co.uk
- La Chine va construire une Nouvelle Route de la Soie vers l’Europe, Le quotidien du peuple