Les sifflets de Libreville… sont aussi spontanés que les manifestations de Pyongyang
par Pierre Thivolet
mercredi 17 juin 2009
Nicolas Sarkozy sifflé à son arrivée au Gabon aux obsèques d’Omar Gabon : Juste un dernier soubresaut de ceux qui ont bien compris que la « Françafrique », c’était terminée, et avec elle, leur richesse et leur tranquillité. C’est la fin du néocolonialisme. Et après, il y a quoi ?
A son arrivée au Gabon, pour les obsèques officielles d’Omar Bongo, Nicolas Sarkozy a été chahuté par des manifestants qui criaient « US Go Home ! » ou plutôt :« Rendez-nous la Françafrique (à fric ?) » ou encore « Pas touche à « leurs » apparts (appartements à Neuilly-Auteuil-Passy) ».
On peut s’en étonner, après tout ce qu’y a été dit sur le gouvernement français : Sarkozy serait, tout autant que ses prédécesseurs, à la botte de l’argent du pétrole gabonais. Sarkozy se plierait aux oukases de feu le Président Omar Bongo, notamment en virant il y a un an le ministre de la coopération, qui s’était senti mal en découvrant, le fossé, pardon le « rift » séparant la réalité faite de contrats juteux et les déclarations d’intention style « désormais français et africains la mano en la mano marcheront ensemble comme des frères vers le développement équitable ». Comme si Max Havelaar (vous savez celui qui contrairement au « gringo » de Jacques Vabre paierait son café au « juste prix ») était devenu ministre de la coopération.
Les manifestations de Libreville sont aussi spontanées que celles qui se déroulent au même moment en Corée du Nord, c’est-à-dire qu’elles sont totalement organisées ! Elles sont le chant du coq, non pas gaulois, mais de la Françafrique.
Et elles signifient que contrairement à tous les commentaires qui voyaient en Sarkozy un simple continuateur de la politique néo-coloniale française, la Françafrique, c’est terminée. Non pas parce que nous sommes brusquement devenus bons et généreux, mais parce que les intérêts économiques et stratégiques de la France sont ailleurs. Nicolas Sarkozy tranche par rapport à ses prédécesseurs tout simplement parce que nous sommes au XXI ème siècle. Les partenaires des anciennes colonies françaises en Afrique sont désormais les américains, les chinois, les brésiliens.
Tant mieux d’ailleurs pour les africains, enfin là c’est moins sûr, surtout quand on voit le cynisme avec lequel la Chine s’assoit sur la situation des droits de l’homme au Soudan, tout cela parce qu’elle veut s’assurer l’accès à son pétrole et bloque toutes tentatives américaines et européennes de mettre un terme au conflit, au génocide ( ?) au Darfour.
C’est dommage aussi pour l’Europe et pour la France. Parce qu’une fois que nous aurons réorienté notre stratégie, nos partenaires économiques, une fois que nous aurons définitivement tourné la page du néocolonialisme, ce sera dans 10 ans ? dans 20 ans ? nous découvrirons que de l’autre côté de la Méditerranée, il y a un continent peuplé d’un milliard d’habitants (ce sera deux, trois fois plus que l’Europe) qui sera en plein boom avec d’importantes ressources (l’uranium de la Creuse, ça ne suffira pas), des pays puissants, notamment l’Afrique du sud, le Nigeria, le Congo, une population dynamique dont une partie aura la tentation d’émigrer dans l’Europe vieillissante. Et alors on fera quoi ? On enverra le « Charles De Gaulle » pour couler les « boat-people » ?
Et l’Afrique sera devenue pour nous une inconnue. Et les élites africaines, même dans des pays aussi francophiles que le Sénégal par exemple, ne regarderont plus vers nous.
Cela a déjà commencé, de très nombreux diplômés qui en ont marre de galérer pendant des heures ou des jours devant la Préfecture de Police pour obtenir un visa ou une « green card », partent vers les Etats-Unis ou le Canada où ils se sentent mieux accueilli.
Dommage, même au Gabon, de jeter le bébé avec l’eau du bain.