Les trois cadeaux des Etats-Unis aux mollahs iraniens
par motsdeplume
mercredi 26 octobre 2011
Ce serait une grave erreur de croire que le torchon brûle entre Téhéran et Washington. Au contraire tout va pour le mieux et les cadeaux pleuvent, étrangement en sens unique, des Américains au pouvoir iranien.
Le dernier cadeau de taille c’est l’annonce par les Etats-Unis du retrait de toutes leurs troupes d’Irak le 31 décembre. Le gouvernement Maliki se frotte les mains et les mollahs de Téhéran, auxquels il est inféodé, sautent de joie.
Tout d’abord parce que le 31 décembre c’est exactement la date à laquelle le premier ministre irakien Maliki a l’intention de fermer Achraf, un camp de réfugiés iraniens au nord-est de Bagdad qui est un bastion du « non » à la dictature religieuse en Iran. Ses 3400 habitants, sans armes et sans défense, refusent quoi qu’il arrive de capituler, de céder un pouce sur le terrain de la liberté et de la démocratie du peuple iranien.
Ces hommes et ces femmes – il y en a mille, signe du fort engagement de la population féminine dans la résistance à l’intégrisme – savent de quoi ils parlent. Il s’agit d’anciens prisonniers politiques, passés par l’épreuve de la torture, de militants ayant fui le pays, ou de parents de victimes des exécutions politiques de ce régime et donc, de par la loi en vigueur en Iran, de potentiels « ennemis de Dieu », lire de Khamenei, le guide suprême des mollahs. Du reste leurs proches restés en Iran sont aujourd’hui persécutés, pour beaucoup arrêtés et pour certains exécutés, comme Ali Saremi, Jaffar Kazemi ou Ali Hadj-Mohammadi, pour délit de filiation, en raison de la présence d’un enfant, un frère ou une sœur, ou même un lointain parent à Achraf qu’ils ont osé aller voir avant la révolte de 2009.
Achraf source d’espoir et d’inspiration pour la jeunesse insurgée d’Iran est l’épine dans le flanc de la dictature qui la rend hystérique. Les mollahs accueillent donc avec un bonheur éperdu ce départ américain qui est un feu vert à l’extermination de leurs opposants les plus farouches.
Le premier cadeau remonte lui en 1997, quand le gouvernement Clinton a mis justement ces mêmes opposants, les Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI) sur la liste des organisations terroristes dans le seul but de satisfaire les mollahs et de tenter un rapprochement. Ce faisant, Washington entrait de plein pied dans la répression de la résistance iranienne. Loin d’amadouer la dictature religieuse, cela lui a fourni un alibi en or massif pour exécuter ses opposants et lancer aujourd’hui des attaques sanglantes « puisqu’ils sont sur la liste noire américaine », disait en avril Maliki les mains couvertes du sang de 36 innocents assassinés à Achraf.
Le second cadeau est venu tout naturellement quand en 2009, les Américains ont livré la protection du camp d’Achraf en Irak aux forces irakiennes... et à Téhéran. Violant ouvertement leur engagement écrit et signé avec chacun des Achrafiens de les protéger de toute violence et d’assurer leur sécurité jusqu’au règlement final de leur situation, les Américains se sont contenté d’un engagement écrit de Bagdad comme quoi ces réfugiés iraniens seraient traités humainement. Le sourire carnassier de Maliki, le séide bien-aimé des mollahs, et la naïveté – intentionnelle ? – des Etats-Unis ont ouvert la boite de pandore. On connait la suite : deux années de blocus inhumain du camp, ne laissant entrer ni médecins, ni médicaments, ni journalistes, ni avocats, ni familles, ni délégations. Des vivres au compte-gouttes, aucune pièce détachée pour la maintenance de l’infrastructure du camp qui se dégrade, une grave pénurie d’eau et pour couronner le tout, deux années de torture blanche. Il s’agit de 300 haut-parleurs méga puissants qui hurlent jour et nuit insultes et menaces de carnage. Sans parler de deux attaques meurtrières qui ont fait 47 morts et un millier de blessés graves.
Voilà pourquoi, quand Mme Clinton met en garde de loin Téhéran qu’elle garde un œil sur l’Irak et qu’elle ne le laissera pas avaler ce pays, les barbus qui se curent déjà les dents du festin, se retournent et lui font « bouh ! » juste pour l’effrayer. L’Irak est déjà englouti, ce qu’ils visent désormais c’est tout le monde arabe et musulman. Et ce retrait américain d’Irak sonne la curée.
Quant à Achraf, il faut bien se dire que tout n’est pas joué. La résilience des Achrafiens et du vaste front de solidarité qui les entourent en a surpris plus d’un. Une campagne est lancée. Le Parlement européen a élaboré un plan de sortie de crise. Catherine Ashton a nommé un ambassadeur, Jean de Ruyt pour suivre au plus près ce dossier. Le HCR est sur la sellette. Il reste le droit international et le principe de responsabilité de protéger. Il reste 4000 parlementaires qui se sont mobilisés en faveur de leur protection. Il reste des centaines d’Iraniens qui manifestent depuis plus de 170 jours devant l’ONU à Genève et devant le département d’Etat à Washington. Il reste des dizaines de milliers d’Iraniens dans le monde et des millions en Iran qui comptent défendre bec et ongle leur « citée de l’honneur », Achraf la bien nommée, le bastion de la résistance. Et tout cela a déjà fait basculer pus d’une fois les événements dans le sens de la liberté de l’Iran.
Il faut sauver Achraf !