Liberté du Tibet ŕ Paris, les larmes aux yeux

par Ben Ouar y Villón
lundi 17 mars 2008

Dans le contexte internationalement relayé des exactions policières chinoises au Tibet, sa capitale et d’autres régions depuis le début du mois de mars, une manifestation pacifique était organisée à Paris par l’association France-Tibet, sous les beaux quartiers ce dimanche 16 mars 2008. Les médias parlent de manifestions « sans incidents », ce n’est pas tout à fait ce que j’ai constaté.

La manifestation se devait de rester pacifique, et pacifiques étaient venus les manifestants, en famille, bébés sous le bras, personnes de tous âges, sympathisants de la cause tibétaine, et c’est sous la protection efficace de la Police nationale que la manifestation s’est déroulée, comme il se doit.

Il faut un grand courage ou la force du désespoir aux Tibétains qui manifestent à Lhassa sous les balles. Que demandent-ils ? Un Accord en dix-sept points, signé en 1951 (!) par Pékin garantissait l’autonomie politique, la liberté religieuse, et l’autorité du XIVe Dalaï-Lama. "Nous ne cherchons pas à nous séparer de la Chine, nous demandons seulement une autonomie digne de ce nom, qui nous permette de préserver notre culture et l’environnement naturel du tibet", déclarait-il en 2005 (opus cit.). En clair, que leur culture ne soit plus réprimée, qu’ils puissent apprendre leur langue... Alors que le petit Panchen Lama est toujours prisonnier depuis l’âge de 3 ans, le gouvernement en exil du Tibet acceptait le principe de suzeraineté chinoise en 2005 (Courrier international n° 745). Deux ans après, voilà que 80 tibétains viennent de laisser la vie ces derniers jours dans la répression sanglante de Lhassa.

Nous n’en sommes évidemment pas là en France. Chez nous, le fait du jour est dû à un acrobate himalayen qui s’est emparé du drapeau chinois. Il l’a délacé, et l’a remplacé par le drapeau tibétain, en forme de symbole. Et tout ceci avec l’aide des forces de l’ordre qui ont - en fait - facilité le décrochage du drapeau chinois. Je peux affirmer pour l’avoir vu que cela a provoqué la cassure de la flèche de l’ambassade, comme on peut le lire par ailleurs de source Associated Press.

Car, en effet, c’est un policier dans un geste inattendu qui a tiré à mains nues sur le drapeau chinois le mettant à terre (ce qu’il ne faut en aucun cas assimiler à une bavure diplomatique) provoquant une dégradation du bien d’autrui, la cassure de la flèche de l’ambassade, ce qui n’était pas du tout dans les intentions des manifestants. On comprend à lire la dépêche de l’AP ci-dessus que le préfet devait remettre le drapeau en mains propres aux mains de M. l’ambassadeur de Chine en France. Sinon comment expliquer que les forces de l’ordre aient elles-mêmes mis à bas le drapeau chinois ?

De l’autre côté, la beauté du symbole a déclenché la joie des citoyens présents. Leurs sifflets ont atteint jusqu’aux oreilles des fonctionnaires de police qui, malencontreusement, n’ont pu réprimer une légère contraction des doigts de la main sur les outils que l’administration leur met en direction de la sécurité des citoyens. Tout le monde en avait les larmes aux yeux. Mais la beauté du geste était-elle seule la cause de tels émois ? Il s’agissait pour les policiers qui ont toute notre compassion, de raisonner l’acrobate à sa descente de l’ambassade, mais l’intervention "préventive" des forces de l’ordre n’a pu avoir lieu, tant la solidarité des manifestants a été forte. L’acrobate, très "ému" par tant de considérations, a pu s’éclipser.

Cependant, une dame pourtant âgée d’une soixantaine d’années se trouvant dans le mouvement - sûrement malgré elle - se souviendra de la couleur du pavé parisien, après avoir vu celle du drapeau tibétain. Drapeau hissé en place du drapeau chinois comme le symbole de toutes les minorités de Chine oppressées, bafouées, mises à mort dans leur culture, de toutes les bibliothèques du monde qui brûlent, comme les nombreuses bibliothèques de langue tibétaine qui ont brûlé depuis 57 ans déjà.

C’est peut-être pourquoi des icônes aussi médiatiques qu’André Glucksmann ont eu les larmes aux yeux ce soir-là (à moins que ce ne soit encore quelque gaz irritant...) Ceux-là qui ont connu les combats en faveur de Mao hier reçoivent encore aujourd’hui la réalité en plein nez. Mais Hintao et Mao, ça n’est le même combat, d’autant que l’ambassade de Chine est un lieu hautement protégé et que la puissance chinoise est prête à déployer ses fastes aux yeux du monde ébaubi aux prochains JO d’été. Donc, pas de pavés en 2008. Et seulement quelque 800 manifestants. Parmi eux, des élites et des élus en larmes. Tout cela s’est passé sous les yeux du député Patrick Bloche (PS) qui ne démentira pas, et dont la présence a dû avoir un effet tranquillisant sur... la tenue de la manifestation. Lui aussi est reparti les yeux rougis.
Il faut féliciter de tels élus de la République qui travaillent le dimanche pour observer que dans notre pays des droits de l’homme et des libertés, une manifestation pacifique se déroule (comme il est dit dans les médias) "sans incidents" et sans violence sur des enfants, des femmes et des hommes pacifiques.

Trêve de plaisanterie. Ce n’est jamais acquis. La liberté, au moins d’expression, est toujours à gagner, et il semble qu’elle soit de plus en plus mise en cause, in extenso de par l’Europe, où d’abord les votes des peuples ne sont pas respectés, où le divorce entre élites et citoyens est consommé, où la moindre manifestation est réprimée, où l’information est bâillonnée.

Comment alors, si cette pente dangereuse devait perdurer, donner des leçons de liberté aux dictatures telles que la Chine ?
*Association France-Tibet
*Lire l’AFP au Tibet

*Ecouter les reportages de France Info

*Un extrait vidéo amateur de cette manifestation


Manifestation pour le Tibet à Paris
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