Libye : la résolution 1973, une erreur de frappe ?

par djams delinstant
samedi 19 mars 2011

La résolution 1973 a été adoptée afin de protéger « les manifestants pacifistes » de la répression féroce des forces loyales à Khadafi. Cette résolution à visée « humanitaire » a en réalité permis le rééquilibrage du rapport de force entre les belligérants du conflit libyen qui jusqu’à hier soir était très clairement défavorable aux rebelles. Les insurgés libyens en mauvaise posture sur le plan militaire face à l’aviation gouvernementale et à l’armement lourd au sol des troupes khadafistes ont à plusieurs reprises demandé l’aide des chancelleries occidentales afin de pouvoir contrer l’avancer des armées loyalistes. L’une des options était de pouvoir les approvisionner en armes mais cette dernière fut très vite exclue par la France et la Grande-Bretagne du fait de l’embargo sur les armes auquel était soumise la Libye. Les mains liées, la seul option crédible qui s’offrait alors aux « nouveaux alliés de la résistance libyenne » était l’adoption par les nations unies d’une résolution humanitaire permettant la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne afin de protéger les populations civiles et du même coup les insurgés armés mêlés aux habitants. L’adoption de cette résolution a fait des insurgés, qualifiés de « manifestants pacifistes » par la très distinguée secrétaire à la défense Hillary Clinton lors du point presse suivant l’adoption de la résolution, les maîtres dans les airs et sur terre, en étant détenteurs, certes de façon indirecte, de la puissante force de frappe des principaux membres de l’OTAN.

Une telle résolution était-elle appropriée à une situation de guerre civile où les deux camps qui s’opposent sont armés et défendent des particularismes régionaux et tribaux ? Certes les rebelles sont soutenus par une grande partie du peuple mais on ne peut pas nier l’existence au sein de la population libyenne de sympathisants sincères attachés à la personne du guide de la révolution verte.

On peut se demander si cette résolution n’était pas plus adaptée à la situation politique au Yémen et au Bahreïn où des manifestations populaires et véritablement pacifiques font l’objet d’une répression féroce de régime autocratique. La situation au Bahreïn très préoccupante avec l’arrivée de troupes saoudiennes et de policiers émiraties sous l’égide de l’association des dictatures du Golfe — plus communément appelé Conseil de coopération du Golfe (CCG) — pour mater une contestation populaire qui depuis le 14 février ne semble pas s’essouffler. Cela ne semble pas indigner les chancelleries occidentales malgré la mort de nombreux manifestants sans défense. A l’heure actuelle aucun des va t’en guerre occidentaux n’a pour le moment lancé d’ultimatum à ces régimes tout aussi autoritaires que celui de Mouhamar Kadhafi.

Dans le cas de Libye, il s’agit bien ici d’une ingérence étrangère dans les affaires d’un pays et d’un peuple souverain. Cette résolution a été accueillie avec soulagement par les opposants au régime retranchés à Benghazi et célébrée comme toute manifestation pacifiste qui se respecte par des tirs d’armes automatiques.

Dans cette guerre civile qui porte le nom inadéquat de « révolution » il est vrai que la population est en train de payer un lourd tribut. La responsabilité en incombe à l’entêtement des deux partis à ne pas vouloir se retrouver sur une table de négociation.


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