Libye : liberté religieuse limitée pour les non-musulmans
par Catherine Segurane
jeudi 25 août 2011
En Libye, le Conseil national de transition avait adopté le 3 août une "déclaration constitutionnelle" que l'Express s'est procurée. Ce document, qui n'est qu'un avant-projet, met en avant certains principes démocratiques appréciables, mais la charia reste la source principale de la législation, et la liberté religieuse des non-musulmans n'est pas assurée au sens plein.
Ce texte servira sans doute de base de discussion à la future loi fondamentale permanente du pays, dont la rédaction sera confiée à une commission ad hoc, et qui sera soumise par référendum au peuple libyen.
Le texte de la Déclaration constitutionnelle a été mis en ligne par l'Express et commenté par Vincent Hugueux.
L'article 1er nous dit ceci :
"La Libye est un Etat démocratique indépendant ou tous les pouvoirs dépendent du peuple. Tripoli est la capitale, l’Islam est la religion, la Chariaa Islamique est la source principale de la législation. L’Etat garantit aux non musulmans la liberté d’entreprendre leurs rituels religieux. L’Arabe est la langue officielle, en garantissant les Droits linguistiques et culturels des Amazighs, des Tabous, des Touaregs et des composantes de la société libyenne."
La liberté religieuse consentie aux non-musulmans est limitée à un double titre :
D'abord, elle consiste seulement en une liberté d'entreprendre leurs rituels religieux. Rien n'est dit sur la liberté de manifester sa religion par l'enseignement par exemple.
En outre, rien n'est dit sur le droit de ne pas avoir de religion. Les non-musulmans, tels qu'ils sont envisagés par cet article 1er, sont forcément des adeptes d'une autre religion. L'existence des incroyants n'a, semble-t-il, pas été envisagée.
De même, rien n'est dit sur le droit de changer de religion, en particulier sur le droit de quitter l'islam.
Nous voyons là une sévère limite au caractère démocratique de ce texte, qui par ailleurs proclame de nombreux droits fondamentaux : pluralisme politique, recherche de l'alternance, ; implication de l'Etat dans la recherche d'un niveau de vie convenable pour la population ; protection de la vie privée ; liberté d'opinion et d'expression ; garanties judiciaires. Pour une prise de connaissance complète, nous renvoyons le lecteur au texte donné en lien.
Le panel des libertés modernes semble au complet, du moins au niveau très général qui est celui d'un texte consitutionnel.
Reste à savoir comment se passera la mise en oeuvre concrète, et comment certaines contradictions seront levées.
Nous pouvons lire, par exemple, à l'article 6, que :
"Les Libyens sont égaux devant la loi, jouissent équitablement des droits civils et politiques a opportunités équitables que ce soit en devoirs et responsabilités publiques, sans distinction entre eux a cause de la religion, la doctrine, la langue, la richesse, le sexe, la relation de sang, les opinions politiques, le statut social, ou l’appartenance tribale, régionale ou familiale."
Pas de distinction sur la base du sexe, donc. Voilà qui n'est pas très conforme à la charia. L'avenir nous dira ce qui finira par prévaloir. Soit la charia restera un simple arrière-plan auquel on se contente de manifester un vague respect superficiel, soit l'égalité homme/femme restera un voeu pieux.