Loukachenko, le dernier dictateur d’Europe

par AJ
lundi 30 août 2010

Alexandre Loukachenko. Son nom ne vous dit peut-être rien, et pourtant, cet ancien directeur de sovkhoze a bien failli devenir, à l’heure où la question de la succession de Boris Eltsine se posait, le président d’une confédération Russie-Belarus, et souffler le Kremlin sous le nez de Vladimir Poutine. Ne pouvant assouvir son désir de grandeur, Loukachenko se contente depuis 1994 de tenir d’une main de fer le Bélarus. Presse muselée, internautes épiés, démocratie déguisée en monarchie héréditaire, dépendance vis à vis du voisin russe : bienvenue dans la dernière dictature d’Europe.

La liberté d’expression bafouée

Aux portes de l’UE, se dresse ce véritable état policier : Minsk compte en effet plus de policiers que la Pologne voisine, pourtant quatre fois plus peuplée. Loukachenko s’est octroyé le pouvoir en août 2008 de suspendre la diffusion d’un média au motif d’une publication "inadéquate".

Les internautes sont également tenus en laisse : depuis le début de l’année, les fournisseurs d’accès ont le devoir de fournir à la police l’identité de chaque internaute utilisant une connexion internet. Dans un pays ou le taux d’équipement en matériel informatique est loin d’atteindre celui d’un marché saturé, les cybercafés tiennent une place importante.

Or, depuis 2007, les propriétaires de ces établissements ont le devoir de communiquer à la police l’identité des clients visitant des sites dits sensibles et depuis le début de l’année, une carte d’identité est nécessaire pour accéder à un cybercafé. Afin de réguler l’anarchie de l’internet, Loukachenko assume prendre exemple sur le modèle chinois. Celui qui a ressuscité le KGB se tient informé en permanence des complots qui le menacent. Back in USSR...

Chronique d’une parodie démocratique

Lors de son élection en 1994, Loukachenko s’était appuyé sur sa popularité dans le monde rural, due à son statut d’ancien sovkhoznik, un charisme certain, et ses positions contre la corruption pour créer la surprise. Deux ans plus tard, la communauté internationale émet ses premiers doutes quand au caractère démocratique de la présidence de M.Loukachenko : le oui l’emporte largement lors d’un référendum visant à renforcer le pouvoir présidentiel, allongeant son mandat de deux ans, mais dénoncé par l’opposition pour des irrégularités.

Entre 1999 et 2001, Loukachenko fait le ménage : plusieurs opposants sont déclarés disparus. En 2006, sa deuxième réélection, acquise avec 82,6% des suffrages, met le feu aux poudres : l’opposition occupe cinq jours durant la place d’Octobre à Minsk en signe de protestation. La veille d’un grand rassemblement organisé par l’opposition, la police évacue la place, la révolte est avortée et Loukachenko reste au pouvoir.

Lors des dernières élections législatives, en 2008, l’opposition n’a obtenu aucun siège. Non démocratiques les élections biélorusses ? Loukachenko, ou "Batka" est passé aux aveux l’an dernier, avouant avoir ajusté les résultats des élections présidentielles 2006...en sa défaveur, car son succès s’apparentait à un plébiscite unanime, et craignait qu’on ne l’accuse de fraudes. Sympathique.

République parlementaire ou monarchie héréditaire ?

La république biélorusse prend d’ailleurs les attirails d’une monarchie héréditaire plus que ceux d’une démocratie occidentale. En avril 2008, Loukachenko s’affiche lors d’une cérémonie avec une petite tête blonde de cinq ans, inconnue jusqu’alors.

Rebelotte lors d’un match de hockey sur glace quelques semaines après. Cette fois plus de doute, le jeune garçon n’est autre que le fils de Loukachenko. Je l’ai déjà dit, mon plus jeune fils deviendra président avoua-t-il, de façon que Nikolay Loukachenko accompagne son père dans tous ses déplacements, non sans séduire les biélorusses. Étrange lorsque l’on sait que Batka avait refusé de reconnaître l’enfant, fruit d’une relation extra-conjugale avec son ancien médecin Irina Abelskaïa.

Une stabilité économique artificielle

Si les échos de Biélorussie ne font pas état d’une impopularité record de Loukachenko, c’est que la plupart des biélorusses se félicitent de la stabilité économique du pays, mais qui n’en reste pas moins artificielle. En premier lieu, l’état maintient la population sous perfusion, consacrant une importante part de son budget aux dépenses sociales. Batka cultive également sa popularité auprès des classes populaires, dans le monde rural en particulier, où subsiste un cruel déficit éducatif.

Mais surtout, le Bélarus profite de la tutelle du voisin russe. Cependant, Moscou, depuis 2007, a mis fin au tarif préférentiel dont bénéficiait la Biélorussie pour le gaz : de 48$ les 1000 m3, Gazprom a fait passer la note à 100$. Une hausse progressive vers le tarif européen de 275$ dont devra s’acquitter le Bélarus dès la rentrée 2011. C’est sans parler du projet de gazoduc North Stream qui vise à contourner la Biélorussie par la Baltique afin de desservir l’Europe en gaz, privant Minsk de ses droits de transit. Face à cette situation, l’Europe a tenté de faire entrer dans son giron la biélorussie en autorisant, il y a deux ans, la présence d’Alexandre Loukachenko sur le sol européen mais en réponse aux appels du pied européens mais aussi iraniens et vénézuéliens, la Russie continue de subventionner la Biélorussie, et reste son premier partenaire commercial (65% des importations et 51% des exportations). 
 
A retrouver dans son contexte original sur http://offensif.net 

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