Maroc : Les réformes nécessaires à le démocratisation

par Ben Slimane Mohamed Réda
mercredi 26 janvier 2011

La révolution de jasmin, totalement inattendue même au Maghreb, soulève un certain nombre de problématiques au Maroc, où des points communs, mais aussi des spécificités propres au royaume peuvent être spécifiés. Cette grille d’analyse peut par la suite être utilisée pour concevoir un plan d’action pour la démocratisation des mentalités, et du pays par les forces significatives de la nation, intellectuels, homme politiques, société civile etc…

Des points communs entre certains pays arabes (dont le Maroc) et la Tunisie, on a déjà dit l’essentiel. Pauvreté et pouvoir d’achat minime des citoyens, corruption généralisée, hégémonie d’un chef d’Etat sur les contre-pouvoirs politiques sont autant de facteurs qui ont fait explosé le système Ben Ali et qui sont aussi présents dans nombre de pays arabes.

Je suis d’avis que chacun de ces pays dispose tout de même de ces propres spécificités, dont le Maroc.

Tout d’abord, le degré de liberté entre le régime marocain et celui de Ben Ali est sans commune mesure.

 Certes, on ne peut pas dire que la liberté d’expression est un droit reconnu au Maroc. Le contrôle sur les médias écrits et Internet est toutefois plus souple, plus relâché et utilise des techniques utilisant un semblant de légalité (procès en diffamation et autres poursuites légales). Cela n’a pas empêché le journal le plus critique envers le régime (Le Journal hebdommadaire) d’arrêter sa diffusion du fait des coups de boutoir du pouvoir. Les journalistes pratiquent aussi un degré relativement important d’autocensure. Mais, si les commentaires ne dérangent habituellement pas le pouvoir, force est de constater que la presse relate plus ou moins fidèlement les faits.

Les élections sont quant à elles, du moins jusqu’aux législatives de 2007, plutôt propres. Le contrôle, il est vrai se déroule beaucoup plus en amont, avec les médias audiovisuels tous étatiques, la presse subventionnée par le « makhzen économique » et le découpage électoral. Le système électoral (une sorte de proportionnelle locale) est customisé afin d’éviter que tout parti puisse prendre une majorité absolue au parlement et donc concurrencer réellement le pouvoir monarchique, nonobstant les autres niveaux de contrôle sur les résultats (les médias, la loi sur les partis les amenant à s’allier à toutes sortes de notables véreux et donc à se discréditer etc…).

Le fait islamiste est quant à lui beaucoup plus présent au Maroc. La norme salafiste (femmes voilées, homme barbus, discours moralisateurs …) est partout présente dans les classes populaire, alors qu’en Tunisie, du fait de méthodes répressives d’autres facteurs, elles est beaucoup moins importante. Le principal parti d’opposition parlementaire, (en fait la seule opposition ayant une idéologie différente de la majorité) et la seule grande force d’opposition illégale (mais tolérée), respectivement le Parti de la Justice et du Développement et le mouvement Al Adl Wal Ihssane sont issus de l’idéologie islamique. En d’autre terme, la seule opposition organisée, que ce soit contre le gouvernement ou contre le régime sont des mouvements islamistes.

Enfin, le Maroc est loin derrière la Tunisie dans tous les classements touchant à la richesse par habitant, au niveau de vie et au développement humain. La pays est encore à forte composante rurale (40% de la population), avec un niveau d’éducation plus faible (40% d’analphabétisme par exemple) et une pauvreté plus grande, que ce soit pour la proportion de lumpen ou pour le niveau de vie médian dans la société.

Donc, entre un système de contrôle politique beaucoup plus doux, l’importance des islamistes dans la société beaucoup plus importante, et un niveau de développement moins important, la situation marocaine, malgré les points communs du despotisme (éclairé ou non), de la corruption et de l’ascenseur social en panne n’est pas identique à la situation tunisienne.

Du fait de ces spécificités, la situation au Maroc nécessiterait préférablement une transition plus douce vers la démocratie qu’une révolution populaire. Cette transition douce permettrait ainsi d’éviter un scénario à l’iranienne, un possible bain de sang (du fait d’une intervention de l’armée) et d’éviter un vide politique qui ménerait droit le pays vers un nouveau régime tout aussi despotique, qu’il soit islamiste ou du fait d’un « homme providentiel » qui rétablirait l’ordre après des troubles qui ne pourraient être canalisé que par des islamistes.

La solution consiste donc à, graduellement et pacifiquement, mener des actions afin de mener le pouvoir hégémonique du pays, le cercle monarchique, à en venir lui-même à une ’option démocratique véritable.

L’action visant cet objectif devrait être une action de masse et devrait être menée non pas avec des organisations ou des hiérarchies mais avec des réseaux, moins contrôlables par des leaders toujours manipulés.

Mais que faire ? Les conditions pour une démocratie au Maroc sont nombreuses. Une réforme de la constitution limitant les pouvoirs du personnel nommé au profit des personnalités issus des urnes (le Parlement en d’autres termes) est nécessaire. Par ailleurs, une réforme de la loi sur le financement des partis, permettant aux partis de se passer des notables locaux à l’enrichissement douteux est aussi nécessaire. Enfin, un système électoral uninominal à deux tours aux législatives permettrait la création de coalitions véritablement proches idéologiquement qui donneraient une certaine cohérence au champ politique. Ces réformes conduieraient à la réhabilitation de la politique partisane, à un véritable pouvoir des instances élues, tout en conservant un cercle royal comme garde-fou contre des aventures (islamistes, militaire ou populiste) qui ramènerait le pays à la situation présente, voire pire. Mais les réformes législatives et constitutionnels ne sont pas suffisantes, une véritable culture de la pluralité des opinions doit naître, et c’est là aussi que les élites démocratiques doivent intervenir, réfutant toute éradication pour « nihilisme », « athéisme » ou autre « salafisme » des idées débattues et donc permettant un débat sain sur le futur sociétal du pays.

Enfin, au niveau populaire, tout type d’action amenant à ces divers objectifs est souhaitable. Je me permets toutefois d’appeler la population à ne pas participer aux élections pour le moment présent, tant que les conditions constitutionnels et légales d’un véritable pouvoir élu, ne d’écrasant pas systématiquement devant le pouvoir éxécutif monarchique toujours hégémonique, ne sont pas réunies. Un taux de participation minime, comme en 2007 (37%) qui se répéterait ménerait quasi-automatiquement vers un système de plus grande représentativité des élus (dans le cadre d’un système électoral moins loufoque) et aussi probablement d’un réél pouvoir des instances représentatives.


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