Il faut rappeler que le pays était presque en cessation de paiement dans les années 80 et après un passage de plus d’une décennie sous la houlette du FMI, il a recouvré ses capacités d’investissement. Plus de deux millions de marocains ont été tiré du seuil de pauvreté. Le PIB du pays a plus que doublé. En 2011, le pays a réalisé en dépit de la crise, le taux de progression de PIB le plus élevé de la région du MENA (Afrique du Nord et Moyen Orient).
Il faut néanmoins signaler que des insuffisances subsistent. Je ne vais pas en faire un état exhaustif mais citer les plus importantes à mon sens et qui concernent, la justice, l’enseignement, la corruption mais surtout les maux dont souffre le monde politique. La résorption de ces insuffisances conditionne à mon sens l’atténuation ou la disparition de toutes les autres, notamment les précarités dont souffrent de larges couches de la population du pays.
Concernant la justice, des lacunes dénoncées par le Roi lui-même continuent d’entacher le système judiciaire. Comme le relevait le nouveau ministre marocain de la Justice, Mustafa Ramid, en avril dernier, plus de
4000 cas de corruption impliquant des juges, magistrats ou autres corps de la magistrature ont été présentés devant les tribunaux marocains en 2011. Il a qualifié la situation « d’alarmante ». Le ministre affilié au parti islamiste du PJD a rappelé que « le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) a suspendu huit juges pour affaires de corruption, prononcé des sanctions à l'encontre de 44 magistrats et averti 650 membres du corps de la magistrature » l’an dernier. Ceci alors même que l’
article 92 de la nouvelle Constitution stipule que
« les magistrats sont indépendants dans l’exercice de leur fonction, [et qu’] ils ne peuvent recevoir d’ordres, instructions, directives, recommandations ou suggestions concernant l’exercice de leur pouvoir juridictionnel.
» La Haute instance du dialogue national sur la réforme de la justice, mise en place récemment arrivera-elle à mettre l’appareil judiciaire sur les rails ?
Il faut l’espérer, car sans reforme judicaire, tout le travail législatif accompli ces dernières années ne peut être concrétisé sur le terrain. Il s’agit entre autres, du droit des affaires et du travail , des garanties judiciaires, de la criminalisation de la torture, de l’interdiction de travail des enfants, de l’élargissement des champs des libertés. Cette reforme constituera en outre, le seul rempart contre les cas d’injustice et d’abus de pouvoir.
Pour l’enseignement ; en dépit des sommes importantes consacrés à ce secteur qui engloutit prés 25% des dépenses budgétaires, les résultats sont décevant : échec scolaire élevé, le système ne permet pas de scolariser l’ensemble des enfants en âge de l’être ; (10%) d’après le chiffres officiels restent sur le carreau. En outre, le taux d’analphabétisation (30 à 40%) plombe le développement humain et économique du pays. Le pays qui accumule réforme sur réforme est toujours à la recherche du modèle qui lui permettra de rattraper le retard et d’assurer un enseignement de qualité. Le Roi convient dans son dernier discours du 20 aout dernier
qu’il est donc impératif de se pencher avec sérieux et résolution sur ce système que nous plaçons, d'ailleurs, en tête de nos priorités nationales.
En dépit de la lutte contre la corruption, ce fléau continue de sévir. La corruption dénoncée quotidiennement par la presse marocaine constitue un frein au développement économique et social du pays et à l’état de droit. Certes, un organisme sensé « prévenir la corruption » a été mis en place par le Roi ces dernières années ; l’ICPC
l’Instance Centrale de Prévention de la Corruption. Mais ce dernier au lieu d’être une
administration de mission avec des structures légères et efficientes est devenu une sorte « d’usine à gaz » avec une
organisation administrative lourde plus capable de rédiger des rapports, d’organiser des réunions et de participer à des conférences internationales que de proposer des actions concrètes sur le terrain. Or le travail de fond à engager est d’abord de simplifier les procédures administratives et de les rendre plus transparentes, de codifier les interventions des agents publics et surtout d éliminer autant que possible l’intervention humaine dans certaines situations pouvant donner lieu à corruption d’agents telles l’installation des radars automatiques sur les routes et autoroutes notamment.
Il n’y a pas de démocratie sans démocrates, c’est bien connu. Les reformes constitutionnelles ne vont permettre au pays de sauter le pas vers une véritable monarchie parlementaire que si le personnel politique fait sa mue. Car le bilan de la gestion notamment des communes et des villes par les partis politiques est désastreux à de rares exceptions. En effet les rapports de la Cour des Comptes et ceux de l’inspection territoriale du ministère de l’intérieur ont montré sous de mauvais jours, des conseillers communaux alliant l’incompétence, la mauvaise gestion à la corruption. La presse marocaine a rapporté dans le détail des affaires de corruption ainsi que toutes sortes de marchandages à l’occasion des élections communales. Cet état de choses du à la cupidité des conseillers a été rendu possible par le fait que les partis politiques ne sont pas très regardant sur leurs candidats.
D’ailleurs, une fois élus, ces candidats ne sont plus encadrés par les partis politiques et ne rendent aucun compte à ces mêmes partis. L’exemple le plus caricatural est le conseil préfectoral de Casablanca qui ne se réunit presque plus. La première ville du pays
est prise en otage par des querelles de clochers entre politiciens .Lors des inondations que connaissent des régions du pays de temps à autre, les élus locaux brillent par leur absence. Cette absence s’est illustrée de manière flagrante aux yeux des marocains lors du tremblement de terre de la ville d’Al Hoceima et sa région en 2004 et qui a fait plus 700 morts et des milliers de sans abris.
Jusqu'à présent le Roi se « substitue » à des élus communaux pour sillonner de pays en long et en large et à longueur d’année visitant les moindres recoins pour faire élaborer des projets, les mettre en chantier et en suivre l’exécution (réhabilitation urbaine, lutte contre la précarité et l’habitat insalubre, assainissement etc..). Faire en sorte que le travail pour lequel des conseillers communaux sont élus soit fait. Si des villes et des communes urbaines et rurales sont en chantiers actuellement et si le paysage urbain de nombreuses agglomérations marocaines a changé, ce n’est certainement pas du fait des élus locaux. Le meilleur exemple est le développement au pas de charge
des régions du Nord et de l’Oriental du Maroc.
Les retransmissions par la télévision des débats parlementaires achèvent d’assombrir ce tableau avec un hémicycle clairsemé donnant une piètre image sur le sens de responsabilité des élus de la nation. La plupart assistent certes à la rentrée parlementaire présidée par le Roi mais disparaissent après. Aux
affaires de corruption révélées dans les communes s’ajoute l’incompétence de beaucoup de ministres issus de ces mêmes partis qui se sont succédé sur différents départements essentiels comme la santé et l’enseignement et n’ont rien apporté.
Enfin, la longévité de certains hommes politiques (trente ans, quarante voire cinquante ans et plus de politique) a fini par lasser les électeurs et jeter le discrédit sur la classe politique.
En sera –t-il de même pour le nouveau gouvernement conduit par les islamistes du PJD qui ont en plus pour défis, la crise économique et la mise en place des dispositions de la nouvelle
constitution ? Il est trop tôt pour le dire.