Menace iranienne : un pas en avant, un pas en arrière...

par Bayard
lundi 28 août 2006

Nous sommes d’accord pour négocier, on ne négocie plus. En réponse à cette politique à l’hypocrisie à peine voilée de Téhéran sur son programme nucléaire, le conseil de sécurité de l’ONU a donne son ultimatum. Téhéran a jusqu’au 31 août pour suspendre ses activités d’enrichissement d’uranium sous peine de « sanctions ». Seulement, il est peu probable que le conseil de sécurité trouve une sanction « non militaire » qui ne fasse pas mourir de rire le régime des Mollahs. Entre légitimité du conseil de sécurité et pétrodollars, les occidentaux ont du souci à se faire.....

1) Téhéran : tu joues ou tu joues pas ?

Avant toute chose, il faut se remettre dans le contexte de cette « crise » qui nous préoccupe depuis quelques mois déjà. Plusieurs questions, et c’est bien la le centre du problème, restent en suspend. Est-ce que l’Iran a réellement la volonté de se procurer l’arme atomique ? Dans un pays ou l’on fouette encore en pleine rue, lapide, pend haut et cours pour un oui ou pour un non, on n’est en droit de se dire que les dirigeants ne font pas dans l’humaniste pacifiste, et qu’il ne se privera pas d’une telle arme. De plus, Téhéran est bien loin de montrer patte blanche sur ce dossier. Les réticences aux inspections et les discours anti-israéliens extrêmes du Président Mahmoud Ahmadinejad sont sans aucuns doutes les preuves (parmi tant d’autres) que l’on ne discute effectivement pas avec une nation qui affiche sa bonne volonté. La seconde question n’est pas la plus simple :

Doit-on interdire à Téhéran de se procurer l’arme atomique ? Dans l’absolue, moins il y a d’arme atomique sur terre, mieux l’on se porte.... Dans cette logique, oui, il faudrait le lui interdire. Seulement, quelle autre nation dans l’histoire du « nucléaires » c’est vu menacée de sanctions ? Quelles sont les mesures concrètes contre la Corée du Nord par exemple ? Pays tout autant, si ne n’est plus, belliqueux que l’Iran. Les pays occidentaux, Etats Unis en tête, sont donc confrontés à un problème majeur : Comment ne pas passer pour des « impérialiste » aux yeux des pays musulmans tout en empêchant Téhéran de se procurer la bombe ? En Iran, on l’a bien compris, et on montre du doigt les Etats Unis et son soi disant pantin : le conseil de sécurité. En pleine période de tension et surtout d’incompréhension entre les pays musulmans et les pays occidentaux, Téhéran joue une nouvelle fois la carte de l’héroïque nation qui défend l’islam face à ses persécuteurs. Vous vous souvenez de Salman Rushdie ? D’où est venue la fatwa qui récompensait d’un million de dollars celui qui couperait la tête du mécréant ? Quelle nation propose actuellement une exposition de caricatures douteuses sur l’holocauste en réponses aux piteuses caricatures de Mahomet ? Téhéran a donc pour habitude de surfer sur les périodes de crise des civilisations pour monter au créneau et affirmer son autorité. Et à l’heure actuelle, nous sommes sans aucun doute dans une crise déjà très profondes entre pays musulmans (au sens large) et occidentaux. Terrorisme islamiste, affaire des caricatures, conflit au proche orient, invasion non reconnue par l’ONU de l’Irak par les Etats-Unis, etc... Le moment est donc propice pour Téhéran de montrer les dents de nouveau.

2) Etats-Unis et alliés : l’effet boomerang

Face à cette inquiétante montée en puissance de Téhéran avec la menace grandissante que l’Iran se procure l’arme atomique, la communauté internationale se doit de réagir. Seulement, le problème pour les occidentaux (car se sont finalement eux qui ont le plus de souci à se faire) est que désormais le Conseil de sécurité se retrouve dans une impasse. Les Etats-Unis ne peuvent formuler les moindres désirs d’interventions militaires.... Leur crédit s’est totalement effondré après les conflits successifs en Afghanistan, mais surtout en Irak. Depuis l’invasion de l’Irak, les Etats-Unis ont en effet perdu toute crédibilité aux yeux du monde musulman, et la moindre intervention militaire ne ferait que donner raison à Téhéran aux yeux du monde de vouloir se protéger face à l’envahisseur et ennemie de l’Islam en construisant sa bombe. Les Etats-Unis peuvent se mordre les doigts d’avoir envahi l’Irak alors qu’un véritable danger potentiel se dresse désormais devant eux (même si une intervention américaine n’est pas à exclure). Ce sont en effet les Etats-Unis qui ont le plus à craindre au niveau stratégique tant que politique d’une bombe iranienne. La Grande Bretagne est, elle, dans une situation analogue, en tant qu’allié perpétuel des Etats-Unis. Comment la France, en tant que membre permanent du conseil de sécurité, réagit à cette affaire ? En toute frilosité. Entre le commandement de la Finul au Liban et l’affaire de l’atome iranien, Paris peut très vite se retrouver dans l’étau. Comment le Hezbollah accueillerait il les militaires français si Paris montre les dents face à Téhéran ? De plus, comment prendre au sérieux un pays qui pour le moment « n’ose envoyer que » 200 militaires pour une mission de maintien de la paix quand on lui en propose le commandement, et qui se retrouve très fréquemment à redoubler de prudence des qu’il s’agit du monde arabo-musulman (même si l’Iran est perse, le symbole de défenseur de l’Islam lui vaut pas mal de sympathisant). La solution du nucléaire Iranien ne viendra donc pas de la France, du moins tant que Téhéran ne jouera pas franc jeu...car Paris reste, après sa position sur le conflit irakien, sans doute un interlocuteur plus crédible que les Etats Unis...mais Téhéran n’as t-il jamais voulu dialoguer ? Et ce ne sont pas les déclarations du bien peu charismatique Douste Blazy qui vont faire peur à Téhéran. Reste la Chine et la Russie, qui ont toutes les deux des intérêts économiques d’envergures en Iran et qui ne vont certainement pas prendre le moindre risque avec leurs intérêts financiers. Il semble donc bien peu probable que les « sanctions » de l’ONU soient à la hauteur de la mauvaise foi iranienne. Les Etats-Unis avaient annoncé qu’ils étaient prêts de nouveau à former une « coalition de volontaire » non pour une invasion militaire, mais pour des sanctions économiques. Mais en pleine explosion des prix du brut, à ce petit jeu la, c’est finalement Téhéran qui peut se gausser. Le Japon l’a annoncé’ : il n’interviendra pas dans un conflit économique avec l’Iran, tant sa dépendance énergétique est importante.

L’heure peut être aux regrets pour les pays occidentaux d’avoir laisser tant de place au lobbies pétroliers et leurs entêtements à vouloir faire en sorte que le fric coule à flots des pompes à carburants... La palme revenant aux Etats Unis qui n’ont pas hésité à déclencher des guerres pour quelques barils de plus. Peut-on s’étonner aujourd’hui de la situation en Iran ??

A moins d’une intervention militaire unilatérale américaine, d’une attitude plus raisonnable de Téhéran (peu probable) ou d’une mobilisation plus globale de la communauté internationale en dépit des enjeux économiques (Chine et Russie surtout), nul doute que les sismographes vont enregistrer d’ici peu de l’activité entre la Caspienne et le Golf d’Oman, sans que personne ne puisse rien y faire..


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