Migrants, TAFTA : l’épreuve du feu pour l’UE (I)

par Mefrange
mardi 7 juin 2016

Confrontée à une crise des migrants, l'UE est entrée dans un processus de dislocation qu'elle ne pourra peut-être pas empêcher. A certains peuples usés par 250 ans d'individualisme qui semblent incapables de réagir, s'opposent d'autres qui conservent intactes une vigueur et une volonté de survie en tant que peuple.

La grande division de fait entre l'est et l'ouest du bloc UE. La façon dont réagira in fine le bloc germanique décidera de l'avenir de l'UE. 

Note au lecteur : cet article est trop long pour être lu en une seule fois. Il sera donc proposé au lecteur en 2 jours consécutifs. Merci de votre aimable compréhension. 

Le principe et son incarnation

On n' a pas été surpris de la réaction négative des auditeurs quand le comte de Paris est passé chez Jovanovic. Jovanovic est vif et intelligent et a naturellement reconnu un homme hautement spirituel bien que son « monseniooor » de bienvenue ait été déplacé. Pourquoi ne pas lui taper dans le dos en faisant un selfie ? Un prétendant au trône incarne un principe. Toute personne qui incarne in principe élevé dégrade ce principe quand il veut "faire cool". Quand les prêtres ont voulu être cools et jouer de la guitare, ils n'ont pas recruté plus et ont dégradé le principe qu'ils incarnaient. Quand Sarko a fait ses pitreries, c'est le principe présidentiel gaullien déjà bien dégradé qui a été dégradé encore. Quand les principes sont élevés, il ne peut pas y avoir de familiarité sous peine de salir et d'abaisser le principe. La dictature de la coolitude démocratique abaisse tout ce qu'elle touche d'élevé.

Non ou mal incarné un principe est plus difficile à comprendre et à suivre. Jésus incarnation du Père a rendu plus facile la compréhension du" chemin, de la vérité et de la vie". De même pour les rois de France. Crucifier Jésus ou couper la tête au Roi ne détruit en rien le principe qu'ils incarnaient mais l'obscurcit. Le principe n'en reste pas moins là Le risque d'égarement et de déboussolement augmentent. De même, une république incarnée par un "président absent" n'aide pas le principe républicain mais l'affaiblit. 

On a coutume de dire que la France suit les États-Unis de 20 ans. La révolution française a suivi l'américaine de 20 ans. Alexis de Tocqueville avait su interpréter correctement cette tendance de l'esprit démocratique à peine visible à son époque. De la démocratie en Amérique date de la première moitié du XIXème siècle. Ouvrage aussi clairvoyant que l' »ancien régime et la révolution » 

… tandis que l'homme se complaît dans cette recherche honnête et légitime du bien-être, il est à craindre qu'il ne perde enfin l'usage de ses plus sublimes facultés, et qu'en voulant tout améliorer autour de lui, il ne se dégrade enfin lui-même. C'est là qu'est le péril, et non point ailleurs. (Tocqueville : De la démocratie en Amérique p 141)

La France n'est pas une république démocratique mais oligarchique. Les tendances perçues par Toqueville en Amérique on donc été moins rapides à se faire sentir (la Révolution remplace une oligarchie par une autre avec un zeste démocratique).

Un peuple inculte (XIXème) ou décérébré (XXI), aveugle ou aveuglé à qui on donne le droit de vote tous les 5 ans n'est pas bien dangereux pour l'oligarchie. Il suffira de le manipuler de façon adéquate et en temps utile. Cette science date du début du XXème siècle (ingéniérie sociale) et s'est raffinée constamment. Goebbels paraît de l'enfantillage par rapport à aujourd'hui.

Pour le reste il suffit de donner du pain (des allocs), des jeux (la fête bien arrosée, euro 2016) et des discours (Les vœux de premier de l'an de Mitterrand et de Chirac représentent des exercices de virtuoses dans le style « morphine » républicaine). Chapeau les artistes ! On a une légère préférence pour Chirac mais Mitterrand n'était pas mal du tout. Sarkohollande furent moins nets dans le « dormez bonne gens tout ira mieux demain » mais chacun ses goûts.

Si le peuple se met à bouger, on le fusille (XIXème), le matraque (XXème), lui envoie des gaz ou ultra-sons (XXIème) ou, plus radicalement, on l'envoie se faire tuer à la guerre. C'est ce qui a été fait constamment depuis 1848 en France.

Un principe élevé fait sortir les gens d'eux-mêmes (altruisme, empathie, sympathie). l'abandon ou l'éloignement d'un principe élevé le fait rentrer en lui-même (égoïsme, utilitarisme, "moi-je").

L'égoïsme dessèche le germe de toutes les vertus, l'individualisme ne tarit d'abord que la source des vertus publiques ; mais, à la longue, il attaque et détruit toutes les autres et va enfin s'absorber dans l'égoïsme. L'égoïsme est un vice aussi ancien que le monde. Il n'appartient guère plus à une forme de société qu'à une autre. L'individualisme est d'origine démocratique, et il menace de se développer à mesure que les conditions s'égalisent. (p98)

Quand le corps social atomisé ne répond plus, la seule façon qui reste est l'amende systématique : (la politique de la prune) et le prospectus : l'endormir en lui imposer des comportements pavloviens au moyen du "je coche", "je consulte", "je choisis". Sous Pétain c'était plutôt "le français cochera, il ne se laissera pas séduire par les sirènes gaullistes : du futur au présent performatifs (quand dire c'est faire). 

Néanmoins et c'est l'objet de cet article, aussi décérébré soit-il, le festif moyen de 2016 commence à se poser quelques questions. après avoir perdu 7 ans depuis la crise de de 2009. Beaucoup de troubles, d'attentats, de guerres, des impôts très nettement en hausse, des scandales à répétition concernant les HLM quand les SDF sont dehors et que les "travailleurs" sociaux ne se sentent plus concernés par la misère du monde et demandent leur mutation, la vie chère que ni le foot, ni la réalité augmentée, ni les jeux, ni les films, ni les pokes facebook ne parviennent à cacher. Ça ne bout pas mais on en est au frémissement. Même la sacro-sainte essence manque. 

Retour au réel ?  Et si on lui avait menti ? Le doute s'instille et s'installe. Pour les lecteurs qui n'ont pas décroché, on va proposer une explication en deux articles. Il ne s'agit que d'une proposition et d'une tentative dans un très modeste article. De la démocratie en Amérique date de la première moitié du XIXème siècle. En ce qui concerne la France, le temps ayant fait son œuvre, ce livre devient un aveu d'échec pour la grande Révolution Française. Le français n'est pas plus libre qu'il y a 250 ans. Il est le serf de sa banque. L'égalité ? On ne cesse d'entendre le français parler avec fierté de ses petits privilèges (mes entrées, carré VIP, carte coupe file etc …). Mais surtout l'égoïsme a fait des progrès terrifiants. Comment fonder la fraternité sur l'égoïsme. On est encore dans les oxymores à la française. La Révolution française d'inspiration franc-maçonne est un échec historique. Ceci est la tendance pluri-séculaire. La vertu est devenue un mot bizarre et incongru. Sous la Révolution, il fallait prouver qu'on n'avait pas de dettes pour avoir le droit de se faire tuer pour la République. Autre époque ! Retour à la case départ ; on arrive à la fin du cycle prédit par Tocqueville lui même : le re-création d'un despote, aujourd'hui incarné par l'UE. 

Le despotisme, qui, de sa nature, est craintif, voit dans l'isolement des hommes le gage le plus certain de sa propre durée, et il met d'ordinaire tous ses soins à les isoler. Il n'est pas de vice du cœur humain qui lui agrée autant que l'égoïsme : un despote pardonne aisément aux gouvernés de ne point l'aimer, pourvu qu'ils ne s'aiment pas entre eux. Il ne leur demande pas de l'aider à conduire l'État ; c'est assez qu'ils ne prétendent point à le diriger eux-mêmes. Il appelle esprits turbulents et inquiets ceux qui prétendent unir leurs efforts pour créer la prospérité commune, et, changeant le sens naturel des mots, il nomme bons citoyens ceux qui se renferment étroitement en eux-mêmes. Ainsi, les vices que le despotisme fait naître sont précis ment ceux que l'égalité favorise. Ces deux choses se complètent et s'entraident d'une manière funeste. L'égalité place les hommes à côté les uns des autres, sans lien commun qui les retienne. Le despotisme élève des barrières entre eux et les sépare. Elle les dispose à ne point songer a leurs semblables et il leur fait une sorte de vertu publique de l'indifférence (p 102)

A quoi bon tenir la porte à quelqu'un qu'on ne reverra jamais ? Pourquoi donner sa route à un touriste ? « Il me fait chier merde. Qu'est-ce qu'on en a à foutre ». Dans 10 ans, on demandera 5 euros si l'euro existe encore naturellement. Beaucoup ont déjà sombré dans la malveillance pure et envoient le touriste dans l'autre direction.

Tout ce qui élève, grandit, étend l'âme, la rend plus capable de réussir à celle même de ses entreprises où il ne s'agit point d'elle. Tout ce qui l'énerve, au contraire, ou l'abaisse, l'affaiblit pour toutes choses, les principales comme les moindres, et menace de la rendre presque aussi impuissante pour les unes que pour les autres. Ainsi, il faut que l'âme reste grande et forte, ne fût ce que pour pouvoir, de temps à autre, mettre sa force et sa grandeur au service du corps. Si les hommes parvenaient jamais a se contenter des biens matériels, il est à croire qu'ils perdraient peu à peu l'art de les produire, et qu'ils finiraient par en jouir sans discernement et sans progrès, comme les brutes. (de la Démocratie en en Amérique – p 146. Classiques des sciences sociales)

Qu'est-ce qui énerve notre contemporain sinon ces informations qui ne le concernent pas directement, cette « démocratie » de carton-pâte, ces débats stériles de gens qui n'ont de toutes façons aucun pouvoir, ce brouhaha chaotique de « moi-je » laissez-moi-parler-je-ne-vous-ai-pas-interrompu qui s'entrechoquent à ta télé. 95 % des informations qu'on reçoit sont inutiles. Dans une perspective systémique, il y a l'information utile (celle qui permet de prendre une décision et d'agir) et l'information inutile et (heureusement) non décodée et appelée « bruit ». Qu'est ce qui l'abaisse sinon le sarcasme, les ragots de comptoir, les convoitises, les calomnies, la déresponsabilisation par une bureaucratie qui surveille et décourage à priori toute initiative individuelle ?

Qu'est-ce qui élève ? Le savoir, la foi, la vertu, les religions bien comprises, l'empathie et les projets réalisés en commun. On va pas attendre les pompiers pour prêter sa pompe et son groupe électrogène en cas d'inondation. S'il neige le paysan donne un coup de main avec son tracteur. D'où la nécessité de faire disparaître ces satanées 36 000 communes. 

Dans un premier temps, un peuple individualiste puis égoïste est très utile aux élites. Jusqu'en 1848 les « honnêtes gens »(la bourgeoisie principalement) ont vraiment tremblé. En phase finale par contre, elles découvrent qu'on ne peut plus rien obtenir d'un peuple qu'on n'a cessé de déresponsabiliser. On se heurte à l'apathie. Les initiatives s'enlisent dans une déresponsabilisation générale. Pour garder un peu de ressort, on ne peut plus rien d'autre que de serrer la vis en direction du despotisme (UE (le MES ou autre organisme) et d'importer des populations venues de pays non démocratiques qui, elles, ont encore du ressort.

La France de l'entre-deux guerres saignée par la première guerre mondiale était un pays atteint démographiquement qui donnait son chant du cygne dans les œuvres littéraires et artistiques parmi les plus raffinées de son histoire. Cependant le patriotisme y restait vivace, des populations étrangères lui étaient reconnaissantes de son asile politique, le socialisme faisait rêver certains. Il y avait une forte morale communiste. Le redressement spectaculaire des "trente glorieuses" et du baby-boom a aussi été facilité jusqu'en 1980-90 par la décolonisation et leurs réfugiés (Pieds noirs, Vietnam du Sud), et par la première vague migratoire maghrébine . A partir de 1990, l'atonie et la sinistrose recommencent. On en est pas sorti. »A quoi ça sert d'aller mieux » ? Que de tentatives de « réformes », combien de lois votées. Le gouvernement voit ses initiatives imperturbablement s'enliser : il se heurte à ce qui est prédit par Tocqueville il y a bien longtemps. Un matérialisme sans foi crée sa propre déresponsabilisation. La foi fait sortir l'Homme de lui même. Elle casse sa gangue d'égoïsme. Sans foi, le vortex du « moi-je » se met en place. Les civilisations qui ne peuvent pas maintenir une foi en quelque-chose sont au mieux pétrifiées.

ll ne s'agit naturellement pas de dire que la France a atteint ce stade ultime. On dit simplement qu'il faut de plus en plus d'énergie pour faire sortir ces français de leur égoïsme : pression insistante voire agressive de téléthons, des collecteurs de rue, déductions fiscales etc … Ce que le simple sentiment de pitié et de sym-pathie faisait sous Rousseau demande une énergie de plus en plus grande. Le bon samaritain donne « son » manteau (il aura froid après). Le bourgeois se débarrasse des vieilles nippes qui l'encombrent. L'esprit d'égoïsme allant en s'accroissant, il faut que celui qui donne ait intérêt à donner (déductions ou crédit d'impôts) ce qui fait tomber la société dans un utilitarisme dangereux.

Qu'en sera-t-il dans dans une génération ? Où sera le degré d'humanité de cette société-là ? Vaudra-t-elle même la peine d'être vécue ? 

Suite de l'article demain. En attendant n'hésitez pas à vous abonner au site www.mefrange.wordpress.com pour recevoir les articles directement dans votre boite e mail en priorité. 

 


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