Minsk quel accord ?
par Alain Roumestand
vendredi 13 février 2015
Encore un accord entre la Russie et l'Ukraine !
L'accord laborieux signé à Minsk entre la Russie et l'Ukraine a été préparé par un groupe de contact mis en place par l'OSCE (Organization for Security and Cooperation in Europe qui a été créée pour faciliter le dialogue Est Ouest) avec des représentants russes et ukrainiens, les leaders des 2 régions autoproclamées séparatistes et supervisé par la chancelière allemande Merkel présente en tant que facilitatrice depuis de longs mois dans toutes les tentatives de négociations pour la fin du conflit.
Cet accord en 13 points prévoit un cessez le feu, un retrait des armes lourdes, l'intégrité territoriale de l'Ukraine, une supervision des résultats, la coopération de l'Union Européenne,de l'Ukraine et de la Russie, un accord de libre échange entre l'Ukraine et l'UE, une zone tampon entre les ex belligérants dimensionnée à partir de la dangerosité des armes concernées...On pourrait continuer à énumérer les évidences de cet accord.
Le président Poutine a modéré son attitude en tenant compte des difficultés économiques actuelles (la baisse mondiale du prix des hydrocarbures n'arrangeant pas les choses), en intégrant la baisse du niveau de vie de la population de la Russie. Mais il ne peut pas reculer sur l'essentiel, en sachant que de toutes les manières l'ancrage de son pays à l'Occident a définitivement vécu.
La chancelière Merkel investie et au courant des inextricables problèmes engendrés par la crise ukrainienne, a d'ores et déjà reconnu que de gros efforts restent encore à faire.
Le cessez-le-feu, ne commençant que 3 jours après l'accord, laisse pantois bon nombre d'analystes. Le cessez-le-feu sur la ligne actuelle de belligérance entérine d'ores et déjà les 500km2 gagnés par les séparatistes.
Par rapport au texte d'accord de septembre 2014 il n'y a rien de nouveau. La Crimée annexée n'est toujours pas citée.
L'accord de libre-échange entre l'UE et l'Ukraine a déjà été ratifié dans un passé récent mais sans aucun effet.
La réforme constitutionnelle prévue avant la fin de cette année permettant de mettre à plat les pouvoirs entre la direction nationale et les régions ( les oblasts de Donetsk et Louhansk au N-E et S-E) avec un statut spécial, avait déjà été proposée par le président Porochenko et les séparatistes n'en voulaient pas.
Lors de l'élection présidentielle en mai 2014, lors des législatives en octobre, les séparatistes ne se sont pas présentés ; ils ont organisé des élections en novembre en rupture totale avec l'Ukraine. Il sera difficile de renouer le contact pour des élections nouvelles à l'échelle du pays une fois la réforme constitutionnelle établie.
Les 400 km de frontières ne sont contrôlés par l'OSCE que pour 2 points de passage.
Les Russes n'ont pas varié dans leur analyse de la situation : pour eux il s'agit toujours d'une guerre civile entre Ukrainiens sans aide aucune de la Russie aux séparatistes.
Le gouvernement de Kiev doit reprendre les versements sociaux des régions séparatistes suspendus en novembre 2014 ; mais comment va-t-il agir pour faire face à un coût financier peu en rapport avec l'état de l'économie ukrainienne ?
Ainsi rien ne semble réglé.
L'indépendance des régions séparatistes n'est souhaitée par personne ni par l'Ukraine, ni par la Russie, car son coût économique serait énorme et pour l'une et pour l'autre. La Russie redoute, qui plus est, que l'Ukraine délestée de 6 millions de personnes (Crimée plus les russophones de l'Est) avec un Donbass indépendant ne soit plus contrôlable et soit définitivement ancrée à l'Ouest.
Le président Porochenko a tout naturellement refusé la fédéralisation voulue par Vladimir Poutine avec des pouvoirs très larges pour les régions séparatistes dans le cadre de l'Ukraine unifiée, pouvant aller jusqu'au niveau de la politique étrangère et de la défense ( permettant même une adhésion à l'Union eurasienne).
Si l'on s'en tient aux sondages d'opinion sérieux qui ont été effectués tant à l'Ouest qu'à l'Est en Ukraine, on peut voir que les Ukrainiens sont majoritairement pour un état unitaire mais très décentralisé. Les habitants du Donbass vivent l'enfer, un vrai cauchemar avec la guerre qui détruit tout et veulent une fin rapide de ce conflit sanglant qui a déjà fait 5000 morts.
N'oublions pas que le président Porochenko a été élu dès le premier tour sur l'ensemble du territoire national et que les Russes parlant de fascistes à propos des manifestants de Maidan se sont attiré la colère des Ukrainiens ...