Naufrages en méditerranée : Les Républiques Cacaoyères d’Afrique ont inventé la diplomatie de la patate chaude

par François BIMOGO
lundi 27 avril 2015

Les récits de la mort de milliers de personnes noyées dans la mer méditerranée alors qu’elles veulent rejoindre l’Europe font froid dans le dos. Mais en Républiques Cacaoyères, le sort de ces kamikazes du désespoir n’intéresse personne, surtout pas nos Présidents, leurs Majestueuses Excellences. 

Le 19 avril 2015, les médias de Républiques Charcutières nous annoncent que plus de 700 ressortissants de Républiques Cacaoyères d’Afrique sont morts en pleine mer méditerranée dans le naufrage d’un rafiot, ces vieux bateaux qui sont devenus l’ultime espoir d’une jeunesse africaine qui préfère partir et mourir au fond de la mer, plutôt que de rester dans leurs pays, où une mer de problèmes de chômage, de misère, d’exclusion de l’échelle sociale, a vite fait de les submerger.

Le sujet a secoué les dirigeants Européens. Ils se sont exprimés, avec des déclarations d’où dégoulinaient le politiquement correct, et où la commisération le disputait au réalisme d’une Europe qui a aujourd’hui tellement d’autres chats à fouetter, que de s’occuper à sauver de pauvres hères dont les passeurs qui les embarquent dans un voyage vers l’inconnu et les autorités des pays d’où ils viennent s’en contrefoutent comme de leur première chemise. Dans ce concert de compassion et de componction, on a entendu de jolis mots fleurir sur les mémoires de ces milliers (4000 rien que depuis le début de l’année) de femmes, d’hommes et d’enfants désespérés : Frontex, Triton, Mare Nostrum. Et en Républiques Cacaoyères d’Afrique, d’où viennent ces gens, qu’en pense-t-on ?

Ha ! c’est limite si ici, leurs Majestueuses Excellences, nos Présidents, ne disent pas « bon débarras ! » à ces jeunes chômeurs, diplômés sans emplois, non diplômés sans perspectives et avenir dans leurs pays. Ces hordes de désœuvrés qui peuvent devenir de véritables « révolutionnaires », ou de rebelles en restant dans leurs pays. Que ces dizaines de milliers de gens quittent le pays, pour traverser la méditerranée dans des bateaux pourris, c’est donc une bonne nouvelle pour une République Cacaoyère qui veut soigner son taux de chômage. Cela fait en effet moins de chômeurs, et moins de demandeurs d’emplois. Est-ce que c’est de notre faute si l’Europe montre à nos jeunes citoyens de Républiques Cacaoyères que « Mbeng », « Paname »[1] c’est le paradis, avec de belles rues pavées, de jolies voitures, des magasins avec des vêtements où même un margouillat serait « frais » (élégant) ? Ca fonctionne comme un marché. L’offre et la demande. Tant que les Républiques Charcutières montreront dans leurs médias que tout baigne chez elles, il y aura toujours du zèle à y immigrer.

Qui sème le vent…

Depuis le drame de Lampedusa qui avait ému le monde en 2013, drame hélas depuis lors relégué au rang de peccadille dans l’ampleur des naufrages ayant fait 500 et environ 1000 victimes en 2014 et ce mois d’avril 2015, l’Europe a pourtant sauvé près de 172 000 vies avec le dispositif (bateaux patrouilleurs) Mare Nostrum. Mais cela avait un prix : 9 millions d’euros par mois. 9 millions d’euros par mois, au nom de l’humanisme, le prix du service après-vente de l’industrie de la misère des Républiques Cacaoyères. Mais, 9 millions aussi comme prime de bienvenue à des hommes, femmes et enfants qui ne veulent vivre qu’en paix pour certains, vivre simplement comme des hommes pour beaucoup. Trop cher payé ? On ne paye jamais assez pour donner le droit à un humain de vivre. A condition que Triton, Mare Nostrum ou Frontex ne soient pas des prétextes à plus de candidats à la traversée de la méditerranée en pneumatique troué.

Mais, en fin de compte, nos Majestueuses Excellences, Présidents des Républiques Cacaoyères d’Afrique, sont contentes de refiler la patate chaude de la misère et du chômage endémique à l’Europe via la mer. Au fond, ces boat-peoples sont une forme de « diplomatie de la patate chaude ». Une « patate chaude » qui aura le temps de refroidir…un peu (sans jeu de mots) en mer, avant la réception sur les côtes italiennes. Oui, recevoir une patate chaude qui a un peu refroidi à l’île de Lampedusa, ou dans un autre port de Sicile, c’est pas quand même la mer à boire non ? Ha, si Kadhafi pouvait voir ça…

François Bimogo

*Un regard impertinent sur l'actualité socio-politique et culturelle du Cameroun et de l'Afrique. Histoires de Républiques Cacaoyères et de République Charcutière. 
Pour lire/écouter ces chroniques, comme leur auteur, François Bimogo, il faut adorer les Républiques Cacaoyères.
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[1] Expressions populaires pour désigner l’Europe


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