Nuages bas sur l’Ukraine
par Mefrange
dimanche 23 novembre 2014
Après un peu plus de deux mois de cessez-le feu très relatif qu’un côté comme de l’autre, le gouvernement Porochenko / Yatseniuk confirmés dans leurs fonctions par les élections du 26 octobre ont reconstitué leurs forces militaires sinon morales et s'apprêtent à faire le siège d’hiver des provinces rebelles du sud-est. De leur côté, les forces sécessionnistes, tout aussi confortées par les élections du 2 novembre avec un taux de participation de 70 %, attendent de pied ferme l’assaut. La situation est bloquée. Les accords de Minsk sont caducs et les l’Ukraine semble postuler au rôle de détonateur pour un conflit mondial qui n’est plus du tout hypothétique, tout ceci dans une indifférence quasi générale.
Dans un article précédent, j'avais montré l'échec de l'opération "antiterroriste" ukrainienne dans le Dombass en espérant un peu de lucidité et un état confédéral qui sauvegarde l'intégrité territoriale de l'Ukraine. A l'heure où ces lignes sont écrites, on en est plus là mais à une radicalisation-fuite en avant. Le gouvernement de Kiev a décidé de mater la rébellion, les insurgés de s'y opposer, l'Ouest de regarder aileurs et la Russie de tracer fermement ses lignes rouges. Il est de la plus haute importance que les amis de la paix fassent capoter également et d'un même mouvement le nazisme en Ukraine et le grand marché transatlantique. Il faut espérer que ce peuple léger, frivole, inconstant et parfois inconsistant se ressaisira. L'histoire de la réintégration dans l'Otan et les justifications oiseuses d'un Sarkozy ou les abdications honteuses d'un Hollande ne doivent pas faire oublier le vote de 329 députés qui, on peut le dire sans exagération, ont trahi sciemment ou par veulerie les intérêts supérieurs de leur pays. La pile de mensonge se dissipe. Ceux qui avaient voté "non" sont au pouvoir, Fabius qui dans l'oposition s'opposait vertueusement à cette réintégration au nom du général de Gaulle (l'avantage des morts est qu'ils ne parlent pas), Hollande qui déclarait le 8 avril 2008 que "Dans toute démocratie digne de ce nom, de tels arbitrages auraient été rendus après un vaste débat dans le pays, et un vote solennel au Parlement." Les masques sont tombés : verbiage de politicien. Le laquais ne peut même pas livrer des navires commandés et régulièrement payés. l'UE/OTAN c'est la guerre, la pauvreté, la rapine et le chaos et la "famille" transatlantique au mieux une tutelle renforcée de quelques banquiers. Il est beaucoup plus difficile de quitter une alliance que d'y entrer. Le braquage de l'or de Khadafi et maintenant la disparition presque totale de l'or ukrainien sent le chacal, le vautour et la hyène réunis.
Compte tenu des impératifs Agoravox, je serai obligé de scinder l’article en trois pendant trois jours de suite :
- 1 : La situation en Ukraine de l’Est : rupture du cessez-le-feu et stratégie de siège dirigé contre les populations civiles et l'impossibilité pour la Russie de ne pas intervenir.
- 2 : L’hystérie anti-russe, les républicains au congrès aux Etats-Unis, le "russian bashing" à l’Ouest. La mobilisation psychique et matérielle en Russie en vue d’une confrontation perçue comme inéluctable.
- 3 : Comment amorcer (ou désamorcer) une guerre mondiale : l’exemple de la guerre de 1914-18
Partie 1 : Nouvelle Russie / Provinces rebelles : le siège hivernal et drame humanitaire en vue.
Quand on parle de l'Est et du monde Russe, une donnée cardinale est le mois. Novembre est le mois où tombent les feuilles avant que ne tombe la neige et dégringolent les températures.
Les températures, les voici :
On ira de semaine en semaine vers les -10 puis -15 puis - 20 °C
Il n'est pas difficile de comprendre le nouveau plan du pouvoir en place à Kiev. Il y a une réticence à parler de gouvernement de Kiev quand la participation a été de 50 % et parmi les hongrois de transcarpathie de 20 % seulement. Qui ce gouvernement représente-t-il exactement ?. La volonté d'exterminer la population russophone du sud-est ? N'oublions pas que la population allemande à qui on a montré les camps en 1945 a été révulsée. On lui avait très soigneusement caché. L'avenir montrera à quel point la population ukrainienne adhère à la politique du gouvernement actuel. Pour l'instant il est bien tôt pour se prononcer. Svoboda, le parti ultra-nationaliste n'a pas eu 5 % des voix.
Quant aux relations entre les deux parties ukrainiennes, elles fraîchissent comme les températures. La communication se fait à coup de duels d'artillerie.
L’esprit des accords de Minsk arrachés aux deux parties par la diplomatie russe et les bons offices du Belarus est mort. Deux élections ont créé deux légitimités. Les chances d'Ukraine fédérale ou confédérale deviennent très minces.
Tirant les conclusions lui-même de cet état de fait, le gouvernement de Kiev a décidé le 14 novembre de ne plus payer les services publics ni payer les pensions dans les zones rebelles à partir du 21 novembre et de subordonner l’envoi d’aide “humanitaire” à la reconnaissance par la population des symboles de l’état ukrainien. Il parle de "guerre". La décision a été prise de mater la rébellion.
Cette acte brutal à l’entrée de l’hiver est l’équivalent d’un siège. Les populations sont privées de travail, d'administration, de salaire. Il y a un équivalent dans l’histoire de France : la décision brutale de Thiers après son échec du 17 mars 1871 de vider Paris de toute son administration. Le chaos voulu n’a pas eu lieu mais les enjeux en sont devenus plus nets. Du 21 au 28 mai, les armes de l’armée de Versailles et de Mac Mahon auront décidé quelle élection était plus légitime que l’autre.
La violence incroyable de la répression fait encore froid dans le dos un siècle et demi après. Écoutons le distingué et regrêté Henri Guillemin nous en parler. On pourrait aussi prendre l’exemple de la Vendée ou de la révolte des Boers contre les Anglais, ou le grand dérangement acadien. L’exemple de la Commune est intéressant : deux élections démocratiques antagonistes, une puissance extérieure (la Prusse) qui veut l’écrasement de la Commune pour que l’autre partie ait les moyens de la payer (le FMI aujourd'hui). Préalablement à l’écrasement, un blocus médiatique total en France et la diabolisation préalable de ceux qu’on allait fusiller même dans leur lits de blessés. “Qu’on en finisse” !
“Leurs enfants se terreront dans des caves et (...) c’est ainsi que nous gagnerons la guerre.” (Porochenko). On pourrait ajouter : ils mangeront des rats gelés et se chaufferont en se collant les uns contre les autres jusqu’à reddition complète. Nous comptons aussi sur des épidémies pour les faire fléchir. Le statut spécial sur le Dombass a été annulé. L'heure n'est plus aux compromis.
Ira-t-on comme pendant les guerres de religion à catapulter des corps de pestiférés au delà des lignes ennemies ? Leur modèle est probablement le siège de Leningrad.
"Ils se terreront dans des caves"
La trêve a permis de remettre de l’ordre dans l’armée ukrainienne avec l’aide des conseillers militaires américains et l’hiver arrivant le but est de faire geler et mourir de faim une population entière jusqu’à ce qu’elle fuie en Russie ou qu’elle se rende. C’est une stratégie de génocide ou du moins d’épuration ethnique. Une fois le Dombass vide de ses habitants, des colons ukrainiens prendront la place et la Russie sera destabilisée par l’afflux de réfugiés en plein hiver
L’ukrainien deviendra seule langue officielle. L’Ukraine rentrera dans l’OTAN et ceux qui ne sont pas d’accord seront torturés dans des prisons spéciales. L'Ukraine est grande et les endroits isolés ne manquent pas.
Cette stratégie est-elle possible ? Il faut reconnaître que oui et qu’en faisant abstraction de toute considération morale, elle est cohérente. C'est Louis XIV qui mate les soulèvements de paysans ou qui pousse les protestants vers l'exil.
Les photos montrent réellement des populations qui se terrent dans les caves. Si les insurgés parlent de cas de pneumonies chez les soldats ukrainiens, pensent-ils que les personnes terrées dans les caves seront épargnées ?
Les photos ci-dessus, qui sont plausibles avec le climat, montrent des habitants installés dans des caves déjà bien emmitouflés dans leurs habits d’hiver. Il y a encore de l’électricité : des radiateurs à bain d’huile donnent de la chaleur. Pour qu’on mette un bonnet à l’enfant et une “doudoune”, la température ne doit pas être élevée. Elle va baisser inexorablement comme une nasse qui se referme sur 3 millions de personnes.
"11 – Duels d’artillerie (y compris lance-roquettes multiples) aux environs de la centrale thermo-électrique de Lougansk, à Stchatye et Vesyola Gora. Deux civils blessés à Vesyola Gora."(source)
On espère se tromper mais le plan semble être de faire sauter les stations d'électricité, le conduites de gaz, les stocks d'alimentation etc ... En gros affamer et faire geler : partez chez les russes.
Pendant ce temps, des tirs de Grads sèment la mort au hasard. Bavures, actes isolés, ordre des autorités militaires ou politiques ? La mort de proches crée le désir de vengeance. Un scénario palestinien. Si l’Ukraine occupe la Novorossie celle-ci deviendra quelque-chose comme Gaza.
La population civile des deux république du de Novorossie ont-elles quelque-chose à attendre des organismes internationaux ?
Croix Rouge française |
Page 1 = RIEN Communiqués de presse = RIEN |
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UNICEF |
Page 1 = RIEN Communiqué de presse 20 février 2014. Après : RIEN Les enfants sont particulièrement vulnérables dans les situations de conflit violent. Ils sont non seulement exposés à la violence elle-même mais aussi aux effets traumatisants que subissent ceux qui en sont les témoins. En outre les enfants risquent d’être séparés de leurs parents dans le chaos, et les services de base à destination des enfants sont soumis à rude épreuve. Dans les zones touchées, certaines écoles ont déjà été fermées et il est devenu plus difficile d’accéder aux établissements de santé. Dans ce genre de situations, il est impératif de prendre des mesures spéciales en faveur des enfants. Lien |
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ONU |
Page 1 : RIEN Page ukraine : élections “rebelles” contre-productives.
Lutte contre la rougeole au point mort |
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OSCE |
Informations en anglais. Travail intéressant et sérieux dont on entendra jamais parler. Par exemple seuls 20 % des hongrois de Transcarpatie ont voté. Les deux camps s’accusent de violations de cesser le feu. Salaires non payés. Soupe populaire. Police payée en nourriture à Lougansk. |
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Ministère des affaires étrangères ET européennes |
Page 1 : RIEN Page “Ukraine” : communiqué : “Ce scrutin constitue, après l’élection présidentielle du 25 mai dernier, une nouvelle étape du processus de stabilisation politique en cours en Ukraine” |
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Conclusion : un nettoyage ethnique de type Palestine est en préparation dans l’Est de l’Ukraine et à part l’OSCE, on a à faire à une omerta en règle à l’Ouest. Il n'y a rien à attendre des organismes internationaux qui ont décidé ou à qui on a demandé de regarder pudiquement aillleurs. Il y a à attendre de vous chez lecteur d'AgoraVox. Il faut que ça remonte, que ça perce l'omerta du silence : couvertures, kits de survie, médicaments, lettres d'enfant à enfant. Courier des lecteurs aux magazines pour enfants ou adolescents.
"Ils se terreront dans des caves", mais pas dans l'indifférence.
Un peu partout en Europe se créent des comités de soutien pour le Dombass ; Cet article ne montrera pas des cadavres d'enfants sanguinolents, des membres déchiquetés, des squelettes calcinés au phosphore. Il suffit de taper dans goggle "massacres dombass" et cliquer sur "images".
Ce qui est fait dans le Dombass est une réplique de ce qui se passe à Gaza. Même but : une prison géante, même moyens : les bombes au phosphore, la torture, les viols, les achèvements de blessés, les exécutions sommaires. Le gouvernement de Kiev a d'ailleurs fait savoir qu'll n'appliquerait plus les conventions de Genève dont aucune n'était de fait respectée.
Que le lecteur ne s'inquiéte pas : il ne recevrez pas un SMS l'informant de son statut de "terroriste", on ne lui coupera pas du jour au lendemain tout moyen d'existence, il ne devra pas attendre son salaire pendant des mois ou vendre son vote pour survivre. Mais attention : le fascisme arrive vite. Mieux vaut l'arrêter aujourd'hui et comprendre qui l'utilise que d'avoir à faire une guerre mondiale demain pour sauver ce qui restera de civilisation.
Quant à Poutine, et ce sera le sujet de l'article de demain, il a clairement dit qu'il ne laisserait pas faire une épuration ethnique au Dombass. Cette mauvaise farce du Maidan va trouver son dénouement cet hiver, soit par révolte ukrainienne contre son gouvernement, soit par pronunciamento, soit par occupation russe, soit par la fourniture aux séparatiste d'un matériel qui leur permette de prendre Kiev soit par une conflagration mondiale.
On ne peut encore que déplorer amèrement que 329 députés aient lié à ce point la France à des politiques extérieures qui n'ont rien à voir avec ses intérêts.