Obama le prophète et Sarkozy le chef
par Bernard Dugué
vendredi 25 juillet 2008
Barack Obama a prononcé à Berlin son seul discours public lors de sa visite en Europe. Berlin, lieu symbolique, signe de réconciliation entre l’Est et l’Ouest, annonçant la fin de la guerre froide. Enfin, le bloc européen réunifié et si l’on en croit les observateurs, Obama pencherait pour une alliance transatlantique conçue comme partenariat. Ce serait alors l’Occident réuni avec comme symbole, le mur détruit et un pont virtuel construit sur l’Atlantique. Quel rêve ! Obama en MLK d’un nouveau dessein pour la génération à venir, Obama, plus pape que chef de l’Etat le plus puissant de la planète.
En cette période de vacances, inutile d’ennuyer le lecteur avec de longs articles agrémentés de détails et d’argumentations. D’ailleurs, un schéma évident vient à l’esprit. Il est simple et édifiant. En 2007, le peuple français lassé par l’incurie politique du XXe siècle finissant mais pas pour autant pénétré d’idées et de projets précis, a dû s’en remettre à une femme ou un homme providentiels. Comme pendant la IVe République finissante où De Gaulle a fini par prendre les rênes d’une France avachie par des années de bordel gouvernemental sur fond de crise algérienne mais aussi sociale et économique. En 2007, Sarkozy a pris les rênes, épousant au mieux le costume d’un homme providentiel au sein de son clan, de ses amis, de quelques intellectuels et bien sûr, d’une majorité des Français ayant mis le bulletin dans l’urne. Si ce n’était lui, ça aurait été elle, Mme Royal en dame providentielle. Le sigle « providence » atteste d’une attente quasiment eschatologique de la part d’une société. Non sans quelques éléments religieux. Néanmoins, Sarkozy n’a rien d’un prophète et se précise sous l’autorité du chef. L’une des quatre autorités selon Kojève, avec celles du juge, du père et du maître. Qui pourrait douter que le costume du chef n’habille pas notre président ? Hélas, une nation qui au XXIe siècle s’en remet à un chef n’est pas dans l’avenir. Un chef, ça motive en règle générale mais ça met au pas et ça bride. Sarkozy, en dépeçant la fonction publique de manière intempestive, en élaguant sans la science physiocratique de la gestion des hommes, risque de démotiver une France dont les citoyens seront ramenés à des individus qui les uns, cherchent à sauver leur peau et les autres, à améliorer leurs profits. Adieu la France.
Obama au contraire entre dans une autorité dépassant le cadre dessiné par Kojève et inscrit dans le paradigme gréco-moderne, de Aristote à Hegel. Obama semble sorti d’un énième livre testamentaire, tel le prophète complétant la série des figures bibliques. Sorte de Moïse du XXIe siècle capable de purifier l’atmosphère de ses émissions de CO2 et ses trafiquants de drogue, pour propulser une nouvelle génération vers la planète promise. L’engouement religieux suscité par Obama est avéré, dépassant largement celui suscité par Sarkozy et révélant un tout autre schème, carrément messianique. D’ailleurs, le contraste est saisissant vu l’électorat de Sarkozy, élu grâce au suffrage des plus de 70 ans. Un âge où la vie se termine et où on se contrefout de l’avenir. Obama et ses jeunes équipiers de campagne, c’est presque les JMJ mais plus dans la version prophète historique que celle du cataplasme catholique imprégné de bons sentiments. La différence entre Sarkozy et Obama traduit ce qui sépare l’Europe, la France, de l’Amérique où là-bas les plans messianiques ont la cote, et l’avenir suscite la foi. C’est aussi ce qui pourrait faire qu’à moyen terme, l’Amérique, qu’on dit en crise et dont un E. Todd prédit la chute, risque, après la crise financière, de reprendre de l’avance comme au temps de Bill, alors que l’Europe va sur son déclin, symbolisé par l’inactualité et l’incompétence de Sarkozy dans les affaires d’une nation. Et que Barroso gère la stagnation d’un colosse de nations aux pieds d’argiles.