Obama ou Romney, le rêve américain en solde

par Guillaume Boucard
jeudi 18 octobre 2012

Le second « duel » Obama Romney n’aura donc pas été sans s’apparenter à un match « nul », et le fait que la première question posée émanait d’un étudiant annonçait la dominante assez « scolaire » du débat. L’un s’auto attribuait sans cesse des bons points, l’autre se présentait en meilleur professeur, plus aguerri face au travail de terrain...ou de "classe" ? L’un ressemblait à un élève trop parfait pour l’être vraiment, l’autre se risquait en censeur ou proviseur, manifestement fatigué par une déjà longue carrière. Hélas, le déplacement scénique et les mouvements marquaient pour tous les deux le cruel passage du temps. L’un et l’autre ne jouaient manifestement pas dans la cour des grands. Obama ne sera jamais Kennedy, Romney tentant peiniblement de se situer dans la filiation de Reagan. L’avenir ne serait donc que dans le passé ? Ainsi, Obama affirmait-il avoir respecté toutes ses promesses, Romney détenant la potion magique pour créer douze millions d’emplois en 4 ans. Faire à nouveau un rêve ?

Alors que le débat s’ouvrait à peine, le président candidat essayait de renvoyer à plus tard la question de sa réélection en se comportant comme déjà réélu. Cette stratégie de déplacement dans le temps reste une vieille ficelle de "com", sa spécialité. Débattre des énergies renouvelables lui permettait ainsi de se situer dans le long terme, dans l'évitement de son bilan, dans le futur. Attestant d’une aisance scénique avérée acquise en dansant régulièrement sur les plateaux de télévision durant son premier mandat, Obama se montrait d'abord assez arrogant. Il souriait avec cet air goguenard des enfants pris la main dans le pot de confiture alors que Romney, le chef d’entreprise, le réprimandait pour son travail mal fait. Obama affichait alors son plus large sourire se contentant de dire « c’est fau, c’est faux ». Et c’était un peu court pour un président.

Rapidement chaque télécandidat dégainait ses éléments de langage dûment répétés avec des conseillers soumis et flatteurs. Obama accusait Romney du scandale d’être riche, Romney contrebalançait en martelant « middle class ». Le gouverneur du Massachusetts au physique digne de la série Dallas osait prétendre être le représentant des petits, au moins de la classe moyenne, bref, il était en représentation de, lui même. La stars Obama désormais plus habituée aux soirées mondaines qu’à une confrontation directe avec des citoyens « de base » semblait souvent très gauche dans sa gestuelle faussement « cool », faute d’être de Gauche. Mitt Romney ne manquait pas de se rabattre sur sa formule favorite du « champion des PME », lui, le milliardaire aux cheveux subtilement teints au niveau des oreilles afin de s’accorder à la blancheur parfaire de ses dents. Afin de paraître beaucoup plus en prise directe qu’il ne l’est avec la réalité du peuple, Romney insistera à plusieurs reprises sur son expérience de chef d’entreprise disant l’avoir été « plus de 25 ANS ». Aucun doute à avoir, ses grandes entreprises ne connaissaient pas la crise, disposant de tous les appuis et ressources nécessaires pour qu’il en soit ainsi. Jusque là le débat s’inscrivait dans les mêmes thématiques que les nôtres durant la dernière présidentielle (dette, énergies renouvelables, emploi...), qui nous semble déjà si loin...comme les illusions perdues ? Aucun doute à avoir, il en sera de même pour le peuple américain, quel que soit le vainqueur.

Le tournant ou « clou » du spectacle devait donc se produire lors de l’affrontement relatif à la politique étrangère ou internationale, sur la Défense, et les confusions manifestes de la mandature Obama. L’évocation de l’attaque passée du Consulat de Bengazi allait créer le moment le plus intense de cette soirée électoraliste. On aurait affirmé alors qu’il ne s’agissait en un premier temps que d’une manifestation pour ce qui s’avéra être un attentat, ou inversement. Le spectateur tentait alors de sortir les vieilles archives de journaux historiques. Les deux écoliers bondaient soudain le torse afin d’adopter l’attitude requise pour une thématique traitant de la Défense nationale. Faute de Défense, les deux semblaient surtout sur la défensive. Chacun sait combien les coulisses et secrets participent de tous les conflits armés.

Même s’il prenait soudain une voix plus grave tout en retenant son sourire de vedette, Obama n’était pas sans manquer d’épaisseur. Romney tentait pareillement de quitter son costume démodé de chef d’entreprise de la vieille école afin de s’improvisait chef de guerre ou cow boy. Le gouverneur se risquera à plusieurs reprises à menacer la Chine à qui il « imposera ses volontés » dans l’hypothèse de son élection. Chacun sait les échanges de bons procédés et sourires bridés prochains dans un tel cas. La Chine fait de plus en plus la Loi, à bas coût, sauf pour la nouvelle bourgeoisie post Maoiste n’ayant d’équivalent que sa sœur post Stalinienne de l’ex URSS. Oui, la politique a parfaitement intégré sa fonction de « représentation », aussi celle des salles de spectacle. Obama rappellait à Romney qu’il n’ pas été lui-même sans sous traiter avec la Chine durant sa riche vie de patron, et le gouverneur de renvoyer le président en titre dans les cordes l’accusant du même grief. Oui, un match très nul.

En fin de duel tacitement accordé s’agissant du rôle de chacun, la Religion faisait une apparition. Romney portant trop haut sur lui tout le contraire des vœux de pauvreté éprouvait donc le besoin de rappeler avec un débit de vois soudainement fébrile et accéléré qu’il « a été Pasteur pendant 10 ans » et qu’assurément « nous sommes tous des enfants de Dieu ». Pour ne pas avoir l’air trop athée ou tendance agnostique Obama aura su anticiper cette mutation religieuse toute provisoire de l’échange en racontant la larme hésitante à l’œil une histoire, une de plus, le récit d’une mère éprouvée par le calvaire de son fils et avec laquelle, il pria. Les deux téléacteurs priaient surtout l’électeur de bien vouloir les nominer pour le prix de maître du monde. Romney conclura en prétendant « faire retrouver le bon chemin à l’Amérique », comme dans un rêve.

Cette émission de variété politique aurait pu s’intituler au départ « Stop ou encore tout pareil avec Obama ? », le nom de Romney s’affichant en remplacement de Obama en fin de spectacle. Comme on plante un couteau avec un large sourire Romney concluait par « Obama est vraiment sensationnel comme orateur ». En effet, les deux n’auront pas démérité dans l’usage de la bonne parole. Romney sembla bénéficier d’en distribuer à volonté, pour la première fois. Obama se répétait affichant en fin de débat cet air livide de ceux qui n’y croient plus, vraiment. Ce président sortant évoqua plusieurs fois « le rêve américain ». Là bas comme ici, le peuple s’est réveillé depuis longtemps, laissant croire le contraire à ses « représentants » afin qu’une parcelle d’idéal collectif demeure.

Ce duel arrangé entre Obama et Romney soldait une dernière fois le « rêve américain » devenu un cauchemar pour des millions et des millions de citoyens « vivant » grâce à des bons alimentaires. Imaginer un instant ces citoyens bafoués et piétinés regardant ce jeu dans une cour d’école médiatique interrogeait plus largement sur la « représentation ». Si « the show must go on », le Politique se doit en tout cas de retrouver le plus haut niveau de sa mission, et pas seulement en Amérique.

Guillaume Boucard


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