Onze parlementaires européens à Gaza

par Leila
mercredi 12 novembre 2008

La traversée entre Chypre et Gaza devient une habitude pour les organisations humanitaires. Israël veut éviter un incident diplomatique. Les dirigeants européens font semblant de ne rien voir.

Parti vendredi soir du port chypriote de Larnaca, le yacht Dignity est arrivé à Gaza le lendemain matin, après une traversée sans histoire. C’est la troisième fois que le mouvement Free Gaza force le blocus israélien. Parmi les 23 passagers se trouvaient onze parlementaires européens auxquels les autorités égyptiennes avaient refusé l’accès par le poste frontière de Rafah la semaine précédente. La délégation était dirigée par lord Ahmed Nazir, un Britannique d’origine pakistanaise, auquel s’étaient joints plusieurs parlementaires, dont Mme Clare Short, ancien ministre du gouvernement de Tony Blair.

Il faut noter d’ailleurs que ces onze parlementaires ne sont pas membres du Parlement européen, mais députés et sénateurs dans leurs pays respectifs. Le Parlement européen continue de fermer les yeux sur les exactions commises à Gaza par Israël. La Commission européenne, n’en parlons pas !

L’étrange attitude du président égyptien Hosni Moubarak avait provoqué cette déclaration indignée de lord Ahmed Nazir : « L’Égypte ne nous a pas laissés entrer à Gaza par le terminal de Rafah, mais ceci ne nous empêchera pas de visiter la zone. Nous sommes décidés à briser le siège. » Clare Short avait ajouté : « Ce refus d’accès est une insulte pour nous tous. L’Égypte doit ouvrir sa frontière. »

Selon le journal israélien Haaretz, Clare Short a déclaré aux journalistes avant son départ de Larnaca : « Nous voulons être témoins des conditions de vie de ces gens, lancer un défi à ce siège, et nous élever contre l’incapacité de nos gouvernements de soutenir la convention de Genève. Toute l’Union européenne est complice de ce qui se passe à Gaza et qui fait notre honte. »

liste des passagers

 Ahmed Nazir (Grande-Bretagne)
 Christopher Andrews (Irlande)
 Eva Bartlett (Canada)
 Nikolas Bolos (Grèce)
 Denis Healey (Grande-Bretagne)
 Sami Mohamed Elhaj (Soudan)
 Derek Graham (Irlande)
 Pauline McNeill (Grande-Bretagne)


 Fernando Morena (Espagne)
 Mohamed Nacer (Grande-Bretagne)
 Hugh O’Donnell (Grande-Bretagne)
 Aengus O’Snodaigh (Irlande)
 Fernando Rossi (Italie)
 Huwaida Arraf (Etats-Unis)
 Rob Sharp (Grande-Bretagne)
 David Schermerhorn (Etats-Unis)
 Arafat Shoukri (Palestine)
 Clare Short (Grande-Bretagne)
 Thomas, Rhodri Glyn (Grande-Bretagne)
Jenny Tonge(Grande-Bretagne)
 Sandra White (Grande-Bretagne)
 Josef Zisyadis (Suisse)

Mme Jenny Tonge, l’une des parlementaires, a dit par téléphone lors de son arrivée : « Je suis ici pour évaluer la situation humanitaire à Gaza, spécialement sur le plan médical. Nous apportons des médicaments et des équipements médicaux. Le comportement d’Israël est scandaleux, car il viole toutes les lois internationales. Aucun autre pays ne se permettrait d’agir ainsi. »

En plus des équipements médicaux et des provisions, le Dignity transportait des sacs de courrier provenant des amis et des membres des familles des habitants de Gaza dispersés de par le monde. C’est la première fois depuis de nombreuses années que du courrier arrive directement en Palestine sans passer par des mains israéliennes.

Une célèbre journaliste israélienne qui écrit régulièrement des articles dans Haaretz pour critiquer la politique de son pays, Amira Hass, était à bord. En regardant descendre les passagers, on pouvait voir la joie éclairer son visage, car elle n’avait pas eu le droit d’entrer à Gaza depuis deux ans.

Alors qu’ils étaient sur le point d’entrer dans les eaux territoriales de Gaza, les passagers ont vu une vedette israélienne s’approcher, couper le sillage du bateau et le poursuivre pendant une heure. Finalement, la vedette a contacté le Dignity par radio pour demander qui ils étaient et ce qu’ils venaient faire. Une voix a réclamé ensuite la liste des passagers. Huwaida Arraf a répondu en anglais : « La liste des passagers est sur le site internet de Free Gaza, et tout le monde peut la voir. Et pendant que vous y êtes, vous pourriez nous faire un don, n’hésitez pas. » Son interlocuteur est d’abord resté muet, puis il a eu un petit rire en disant : « Have a nice day. » Le Dignity est entré dans le port de Gaza sous les acclamations de la foule.

De nouvelles agressions

Pendant leur séjour, des bateaux de pêche palestiniens, avec plusieurs humanitaires à bord, ont été victimes de nouvelles agressions de la marine de guerre israélienne à 6 miles de la côte. Dimanche, deux bateaux à bord desquels se trouvaient deux Anglais et un Italien, ont été attaqués pendant deux heures avec des canons à eau. Depuis quelques jours, les marins israéliens projettent sur les bateaux palestiniens une eau toxique et nauséabonde. Ils portent pour cela des masques et des vêtements de protection. Nikolas Bolos, un ingénieur grec, a recueilli des échantillons pour les faire analyser dans un laboratoire européen. Les pêcheurs ont dû rejeter à la mer deux tonnes de poisson impropre à la consommation.

Les onze parlementaires ont annoncé une conférence de presse lundi à 14 heures. De nombreux journalistes venus de Jérusalem se sont présentés au poste frontière israélien d’Eretz pour y assister, mais ils ont tous été refoulés par les autorités israéliennes. Lundi soir, Gaza a été frappé par une panne générale d’électricité. La seule centrale électrique a cessé de fonctionner, faute de carburant. L’approvisionnement nécessaire à cette centrale est bloqué par Israël depuis une semaine.

Le Dignity a quitté Gaza mardi matin. Il a pris à son bord six jeunes Palestiniens qui veulent continuer leurs études à l’université ainsi qu’un couple de Palestiniens âgés qui vont se faire soigner en Allemagne, où sont réfugiés leurs enfants.

Greta Berlin, organisatrice du voyage, a déclaré : « Ces huit Palestiniens ne sont qu’un tout petit nombre de ceux qui sont gardés captifs dans la Bande de Gaza par Israël et l’Egypte. Ils sont punis parce qu’ils résistent à la brutale occupation de l’armée israélienne. Il est temps que le reste du monde s’élève contre ce siège immoral, et fasse quelque chose pour stopper la détérioration des conditions de vie à Gaza. »

Pendant ce temps, non loin de là, le quartette pour le Proche-Orient tenait à Charm el-Cheikh une réunion à laquelle participait Bernard Kouchner. Dans un communiqué final, lu dimanche par le secrétaire général de l’ONU lors d’une conférence de presse, il a exhorté la communauté internationale à « soutenir la poursuite des efforts des parties dans le cadre du processus d’Annapolis. » C’est beau la diplomatie !




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