Pas de machines à voter électroniques au Nigéria

par Michel Monette
vendredi 10 mars 2006

Le Sénat nigérian vient de rejeter l’utilisation de machines à voter électroniques pour les élections de 2007. Quelques mois plus tôt, la Commission électorale indépendante du Nigéria (INEC) avait enclenché le processus devant conduire à leur achat. Les sénateurs nigérians en ont décidé autrement.

Il semble bien que la question de l’intégrité du vote ait été au coeur des débats du Sénat nigérian qui s’est conclu par l’abolition de la clause de la loi électorale permettant l’introduction des machines à voter, révèle jeuneafrique.com. C’est pourtant au nom de cette même intégrité du vote que la Commission électorale indépendante du Nigéria (INEC) souhaite le passage à un système de vote entièrement électronique.

À la mi-février, Okop Umobong, de l’INEC, était venu expliquer la démarche de son pays lors du séminaire annuel de l’Association of electoral administrators (AEA) à Blackpool (Grande-Bretagne) :

It is the hope of the Electoral Commission in Nigeria that (...) the introduction of the Electronic Voting System will reduce to the barest minimum these unwholesome electoral malpractices.

A paper on the Voting System in Nigeria.

Si les machines à voter ont été écartées pour 2007, il n’en va pas de même de deux autres composantes du système de vote électronique, le registre électronique des électeurs et la transmission électronique des résultats depuis les bureaux de vote vers des centres régionaux de collecte des données.

Le Daily Independant rapporte pour sa part dans son édition du 6 mars que le président de l’INEC, Maurice Iwu, n’a aucunement l’intention de renoncer à aller de l’avant.

« If you listen carefully and if you are watching what is happening, the Federal Executive Council (FEC) has approved a contract geared towards electronic voting system, for the revalidation of the voters register, » he said.
2007 : Iwu Insists On Electronic Voting System.

Une quatrième composante du système de vote électronique en voie d’implantation au Nigéria, outre le registre électronique des votants et la transmission électronique des données, est l’identification électronique des électeurs dans les bureaux de vote. Iwu fait mention au journaliste du Daily Independant de l’introduction d’une « smart card » associée au registre électronique des électeurs qui servira, on imagine, à authentifier les électeurs le jour du vote.

En 2003, N. Johnson Asinugo de l’INEC vantait le registre électronique des votants pour sa capacité à empêcher la fraude dans le recensement des électeurs, une maladie endémique au Nigéria selon lui (Challenges of consolidating the electronics voters’ register). L’élément central du registre électronique est la procédure d’enregistrement des électeurs à l’aide d’empreintes digitales. Le registre va aussi loin que de permettre de comparer et détecter les électeurs non éligibles (immigrants ou prisonniers). La technique utilisée est le Automated Fingerprint Identification Systems (AFIS) . On prévoit une cueillette électronique des empreintes digitales dans un futur proche.

Asinugo donnait comme avantage de ce système, outre la possibilité d’un meilleur contrôle du droit de vote, les économies qu’il permet. « With such money available to government, we are fairly sure that federal and state roads would have been better maintained, hospitals and schools better equipped and lecturers better paid. » Il aurait pu ajouter, sur sa lancée, que la population n’en serait que mieux surveillée.

La technologie n’est pas sans problèmes, avouait Asinugo : l’intervention humaine, qui introduit un grand nombre d’erreurs, prenant beaucoup de temps à corriger ; le personnel technique, qu’il faut recruter et former ; les sérieuses lacunes du réseau électrique nigérian, qui limite l’utilisation de la technologie de cueillette des données auprès des électeurs ; le manque de fiabilité des données actuelles sur l’état civil des Nigérians ; la grande difficulté d’attribuer une adresse civique à chaque électeur, particulièrement dans les villages ; l’incapacité à détecter les empreintes digitales dans certains cas. Asinugo reconnaissait aussi que l’entreposage fiable des données électroniques recueillies est tout un défi.

Que recommande-t-il pour réussir l’implantation à terme d’un système de vote entièrement électronique ? La prière.

Combinée au registre électronique, la technologie de la « smart card » est par ailleurs implantée au Nigéria par ID Solutions qui a aussi obtenu le contrat du passeport électronique nigérian. Comme on peut s’en douter, le marché visé par ID Solutions va bien au-delà du Nigéria : « ID Solutions and its other partners are well-positioned to garner all of the new electronic Passport business in Africa, estimated to be in excess of US$1 billion. (ID Solutions.) »

En ce qui concerne les machines à voter électroniques que s’apprêtait à acheter l’INEC, il semble bien qu’elles seraient venues de l’Inde. Un test avait été conduit sur des machines indiennes lors d’une conférence sur la réforme politique en juin 2005, en présence de Gajola Srihari Rao, de la firme indienne EICL. Rao déclarait alors, à propos de ces machines : « It is relocatable but impossible for any one to pre-programme it to favour any candidate. When operational, a biometric device would be included to avoid malpractices » (Conference adopts electronic voting in polls).

La modernisation du système électoral doit-elle obligatoirement passer par le « tout électronique », surtout couplé à une méthode biométrique qui ouvre la porte aux pires abus de pouvoir ?


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