Pékin 2008 ?

par DECQ
vendredi 2 juin 2006

Quand la police chinoise s’éveillera, ne sera-t-il pas trop tard ?

Nulle rancœur chauvine, après l’éviction de Paris, si nous dénonçons une fois de plus les décisions du puissant CIO. A deux ans des Jeux de Pékin, il nous a paru judicieux de regarder lucidement les problèmes afin de stimuler les autorités compétentes : une catastrophe est possible, nous la voulons évitable.

Pourquoi, diable, toujours choisir des mégalopoles qui, en temps ordinaire, sont déjà asphyxiées par leurs propres problèmes de transport ? Pourquoi des villes déjà surpeuplées, qui facilitent de ce fait les infiltrations terroristes ? Les anciens Grecs avaient-ils choisi la cité la plus puissante politiquement ? Non, c’étaient des centres religieux de moyenne densité humaine, Delphes, Olympie, qui, le temps d’une trêve pacifique, devenaient des capitales sportives.

Assurément, les Chinois méritent vraiment les JO, mais une ville comme Suzhou, cité satellite de la grande Shanghai et de son aéroport international, nous aurait semblé un choix plus judicieux. Une ville à taille plus humaine qui deviendrait une capitale sportive, avec des facilités d’organisation et de communications bien meilleures que celles de l’immense Pékin, et dont le climat aurait sans doute évité la moiteur estivale de la capitale chinoise.

Car le premier problème, que n’a pas pris en réelle considération le CIO, réside bien dans les conditions climatiques. Il ne viendrait à l’idée de personne d’organiser des Jeux d’été à Bombay ; eh bien ! Pékin, sous la mousson, rencontre d’importantes difficultés d’évacuation d’eau avec des égouts souvent nauséabonds... Terrains détrempés ? Nous espérons que les différents entraîneurs sauront, mieux que le Comité olympique, appréhender les problèmes de la canicule et préparer judicieusement leurs athlètes. (Avec la chaleur, les candidats aux épreuves de natation seront des privilégiés !). Quant aux reportages télévisés, ils risquent fort de ne pas véhiculer une image très ensoleillée de la Chine !

On pourrait rêver que le CIO ait recours, comme notre célèbre Guide Michelin, à d’anonymes ambassadeurs, véritables observateurs de terrain, garants d’objectivité. C’est ce que nous avons voulu être, à deux ans des JO.

De larges avenues, bordées de hauts immeubles aux façades résolument modernes, donnent fière allure à la capitale pékinoise. Tous les nœuds autoroutiers sont savamment et très proprement paysagés. Jaillissent de terre des gratte-ciel aux formes futuristes et aux murs de verre fumé. L’infrastructure hôtelière haut de gamme est déjà au rendez-vous, avec ses Novotel, Howard Johnson et autres : la presse mondiale sera convenablement accueillie. Toutefois, l’eau du robinet n’est guère potable : il convient de la faire bouillir...



Etranges étrangers


Mais les Jeux, c’est aussi une foule de milliers de spectateurs internationaux pour qui le parcours dans la capitale s’avère particulièrement... « chinois ». Nous sommes ainsi allés à la rencontre du pire comme du meilleur : tel ce chauffeur de taxi, qui a maquillé l’écran lumineux du compteur de sa Citroën verte pour proposer obséquieusement ses services à des occidentaux candides et multiplier le prix de la course par trois ! Et à l’opposé, tous ces citadins empressés de rendre service, particulièrement, dirons-nous au risque de passer pour sexistes, les Pékinoises, comme cette receveuse de trolleybus qui a battu le rappel de ses passagers et diligenté deux personnes pour nous guider à la descente de notre arrêt ; un grand merci pour leur serviabilité.

Néanmoins, la barrière de la langue est colossale ; le nombre de personnes ayant quelques rudiments d’anglais semble une aiguille dans une botte de foin. Sur Dongzhimennei Dajie, la rue des « fantômes », comme on la surnomme parce que les restaurants y sont ouverts 24 heures sur 24, deux établissements seulement sur des dizaines offrent un menu traduit en anglais ; pour les autres, avis aux amateurs de roulette russe qui, en l’absence de toute photographie, commanderont leur plat en fonction de la séduction des idéogrammes ! En plein centre ville, à la réception d’un hôtel du puissant groupe United Crescent, il faut montrer les mots écrits en caractères chinois pour se faire comprendre ; le réseau de l’hôtel ne diffuse pas non plus CCTV 9, l’unique chaîne télé en langue anglaise !

Deux années vont-elles suffire pour que les langues vivantes et l’alphabet latin pointent davantage le bout de leur nez ? Voilà un épineux problème de communication et d’ouverture au monde !

Puisque nous sommes dans le domaine de l’éducation, une suggestion aux médias télévisuels (plusieurs dizaines de chaînes !) : une campagne de propagande, comme ils savent bien les orchestrer, en faveur de la courtoisie et du respect de l’autre ne serait pas malvenue, car les Chinois (particulièrement masculins, nous nous répétons !) n’hésitent pas à bousculer, à resquiller, à parler trop fort en public. On fonce dans le wagon de métro sans laisser le temps à l’autre de descendre, et le jeune Chinois regarde sans sourciller sa compatriote céder sa place assise à une personne plus âgée.

Vous avez dit : transports !

Le cinquième (!) périphérique est effectivement ouvert à la circulation, mais les embouteillages persistent, obstinément ! Comme le marché automobile ne cesse de se développer à grande vitesse sous l’impulsion fébrile des firmes japonaises, européennes et américaines qui y mettent toute leur énergie mercantile, la circulation en 2008 risque de poser de redoutables problèmes : en 2006, rejoindre l’aéroport demande déjà une grande patience.

Il n’existe actuellement aucun couloir réservé aux taxis ni aux transports en commun, et des employés armés de fanions rouges se démènent vainement, comme de petits diables, aux heures de pointe, sur les boulevards largement bloqués dans le tintamarre des avertisseurs. Ainsi, alors que le centre ville est remarquablement desservi par un réseau d’autobus, le temps d’attente peut varier de trois à trente minutes selon la circulation. Un renouvellement de ces trolleybus s’impose : carrosserie rouillée, vétusté et crasse, absence de climatisation, pavillon de toit qui menace de prendre la pluie...

Il y a bien le métro, « ditié », pratique, peu onéreux, bondé en semaine, mais le maillage est loin d’être aussi dense qu’à Paris : la plus proche station se trouve facilement à un ou deux kilomètres de votre hôtel ou du lieu où vous désirez vous rendre : le célèbre Parc Beihai ou le Temple du Ciel, pour ne citer que deux exemples. Deux lignes seulement de métro, aux stations fort distantes, pour le large centre ville ; une troisième, en partie aérienne, mais assez lente, dessert la banlieue Nord. Pour les Jeux, il est prévu la construction d’une liaison directe vers l’aéroport, mais ne va-t-on pas reproduire l’erreur du « Maglev » de Shanghai ? Ce « Concorde du rail », qui relie l’aéroport de Pudong au centre de Shanghai, engendre en effet des coûts d’exploitation si élevés qu’il roule pratiquement à vide, faute de clients !

Et la sécurité ?

Même si l’on peine à communiquer, un lexique chinois à la main, pour montrer les mystérieux idéogrammes, même si l’on reste coincé sous une pluie diluvienne dans d’énormes embouteillages, cela ne sera rien, pourvu que les risques d’attaque terroriste soient jugulés. Or, rien de rassurant de ce côté-là, bien au contraire.

Il est vrai que la Chine offre présentement aux touristes le visage d’un pays sûr : nous nous y sommes sentis en sécurité, à des milliers de kilomètres de la menace de nos voleurs à la tire. Seuls inconvénients mineurs, l’arnaque systématique de certains commerçants, qui visent les Chinois eux-mêmes, et, bien sûr, encore davantage les « longs-nez » étrangers.

Les forces de police ou militaires -très souvent de bien jeunes recrues- sont discrètement en faction dans les rues et sur les sites touristiques, mais par contre, la prévention du risque d’attentat à la bombe nous a paru absolument nulle.

De gentilles affichettes, à l’aide de pictogrammes, signalent les produits illicites, armes et explosifs, qu’il est strictement interdit d’introduire dans le métro. Elles voisinent avec une BD qui stigmatise l’incivilité de jeter son chewing-gum à terre ou de le coller sur le dossier d’un banc. Peut-être ces simples affiches ont-elles suffi jusqu’à présent, car un citoyen de l’Empire du milieu connaît assez la réputation des geôles chinoises pour ne pas vouloir enfreindre le règlement, et malgré l’absence manifestement visible de forces de l’ordre sur les quais du métro, nul n’a envie de se trouver hors-la-loi. Mais, avec les terroristes, c’est une tout autre mentalité de kamikaze et de bombe humaine qu’il faut redouter ! Quelle prévention existe-t-il ? Aucune actuellement : aucune surveillance policière sur tout le territoire du métropolitain qui, d’ailleurs, pour les lignes 1 et 2, ne présente nul portillon de sécurité. De larges escaliers conduisent ouvertement aux quais ; le contrôle des billets s’effectue manuellement et benoîtement en haut des marches ; les couloirs du métro servent aussi, la plupart du temps, de passage souterrain pour traverser le boulevard. Il n’est certes pas aisé d’établir une surveillance sérieuse dans les transports urbains souterrains, mais en ce moment, la surveillance est inexistante, les quelques caméras installées contrôlent uniquement la fermeture des portes des wagons. Nous espérons que le gouvernement chinois prendra conscience du phénomène et qu’il saura déployer le même service d’ordre qui, quotidiennement, régit le défilé ininterrompu de ceux qui viennent rendre hommage, sur la place Tian’anmen, au président Mao.

Les armes blanches sont en vente libre et, principalement aux environs des sites touristiques, on peut se procurer très aisément des copies de baïonnettes ou de sabres, voisinant avec cartes postales et fausses antiquités. Nous avons introduit sans problème une valise bourrée d’armes blanches à la gare centrale de Pékin : elle est passée tranquillement sur le tapis de la machine à scanner les bagages. Tout occidental peut d’ailleurs, sans posséder de ticket, pénétrer dans la gare, puisque le guichet réservé exclusivement aux étrangers se trouve précisément à l’intérieur du grand hall. C’est certes un honneur privilégié qui est ainsi fait aux hôtes de la Chine, mais n’est-ce pas de là justement que pourrait venir le risque terroriste ? Ainsi, nous avons pu faire de multiples allées et venues avec, en bandoulière, un large étui d’appareil-photo qu’on ne nous a jamais demandé ni d’ouvrir ni de placer sur le tapis d’inspection des bagages. Il est assez aisé d’ailleurs de se faufiler dans la gare aux moments de « presse » ; il suffirait qu’un complice retienne l’attention de l’employé en omettant de placer son sac à dos sur le tapis pour pouvoir, à ce moment, pénétrer avec un bagage important. Messieurs les policiers, n’allez plus faire votre sieste dans les fauteuils moelleux de la salle d’attente réservée aux voyageurs étrangers, et rendez le contrôle des bagages aussi efficace que celui qui est en place au départ de l’aéroport. La Gare centrale, avec son immense foule quotidienne, demande simplement la même vigilance que celle qui protège le mausolée du grand timonier.

Qu’en est-il de la perméabilité des frontières chinoises ? Assurément les avions en provenance des aéroports européens ou américains sont sérieusement surveillés, mais les liaisons maritimes et terrestres ? La complicité de certains Chinois attirés par l’appât d’un gain n’est pas non plus à exclure... Avec les Jeux, ce n’est pas uniquement la Chine qui a besoin de sécurité, c’est l’ensemble des délégations mondiales qui pourraient être visées, et nous voudrions tant que le rendez-vous olympique reste une fête !

Le peuple chinois mérite largement que cette fête du sport soit belle ; chaque matin, en effet, ce sont des dizaines de milliers de personnes qui mettent en scène le célèbre adage de Pierre de Coubertin : « L’important est de participer ». Très tôt, tous les jours de la semaine, ils envahissent les parcs des villes ; individuellement ou le plus souvent en groupes sympathiques, sans le moindre esprit de compétition, avec le plus grand respect pour les capacités du corps de l’autre, ils s’adonnent au taï-chi. Etonnant spectacle que ces femmes et hommes de tous âges accomplissant en chœur, sur des musiques enregistrées, une gymnastique volontaire, tandis que d’autres, sous les pavillons du jardin, pratiquent un instrument ou du chant choral !

Corps et esprit : le peuple chinois, dans sa grande majorité, renoue quotidiennement avec l’esprit primitif des Jeux grecs. Il remporte, sans conteste, en toute simplicité, la médaille d’or de l’esprit sportif.


Lire l'article complet, et les commentaires