Peuple ouighour : les oubliés de Chine
par Mehdi
jeudi 17 avril 2008
Si la cause tibétaine concentre en ce moment l’attention internationale, il ne faudrait pas pour autant penser que la République populaire de Chine n’exerce sa répression que sur une ethnie en particulier. La politique d’assimilation chinoise et de répression frappe peu ou prou toutes les minorités du vaste pays.
Petit point sur le sort du peuple ouighour, une des minorités ethniques les plus importantes de la République populaire de Chine. Etrangement, elle ne suscite que bien peu l’intérêt de la communauté internationale...
- L’ethnie ouighour
Issus d’un peuple nomade, les Ding-Lings, qui arpentaient les steppes mogoles plusieurs siècles avant J.-C., les Ouighours se sédentarisent au IXe siècle de notre ère dans l’ouest de la Chine actuelle (à la frontière avec le Kazakhstan). D’abord bouddhistes puis nestoriens, ils se convertissent à l’islam au début du Xe siècle. Aujourd’hui, le peuple Ouighour compte près de 9 millions d’habitants, apparentés aux ethnies centrasiatiques avec lesquelles il partage une grande partie de sa culture. La population se concentre essentiellement dans la Région autonome ouighour du Xinjiang.
- Histoire de la terre ouighour
Le Royaume ouighour demeure indépendant jusqu’en 1759, date de la conquête manchoue, armée qui sera chassée en 1863 et qui reprendra le territoire en 1884, le rebaptisant Xinjiang (« nouveau territoire » en chinois). Alors que le dernier empereur chinois est renversé en 1911, le Xinjiang demeure intégré à la République de Chine. Après un nouveau soulèvement contre l’autorité chinoise, les Ouighours obtiennent leur indépendance en 1933 : la République islamique du Turkestan oriental est proclamée... puis renversée par l’armée soviétique. En 1944, un dernier soulèvement permet aux Ouighours d’administrer leur région de manière semi-autonome. Tolérée par le Guomindang (parti national chinois du peuple), le Turkestan oriental, qui reprendra le nom de Xinjiang, est définitivement rattaché à la Chine en 1949 avec la victoire des communistes sur le Guomindang.
- Aspiration à l’autonomieLes Ouighours aspirent à l’autonomie depuis le XVIIIe siècle, mais l’avènement du Parti communiste a accentué le désir d’indépendance face à un pouvoir qui renforce la répression à l’égard des militants politiques et religieux. L’effondrement de l’Union soviétique et l’accession à l’indépendance des populations turcophones d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan et Turkménistan), a par ailleurs renforcé les velléités indépendantistes des Ouighours ces dernières années.
- Entre assimilation...L’assimilation de la population se fait essentiellement par une colonisation massive du territoire par les Han (l’ethnie majoritaire en Chine). Aujourd’hui des millions de Han s’installent dans la région du Xinjiang trustant les postes à responsabilités. D’ici peu, les Ouighours pourraient bien s’avérer une ethnie minoritaire sur leurs terres, ce qui exacerbe les tensions communautaires.
- ... et répressionEn 1997, à la veille du Ramdan, trente dignitaires religieux sont arrêtés par la police à Ghulja. Des centaines d’Ouïghours descendent alors dans la rue pour réclamer leur libération. Les manifestants sont dispersés avec brutalité par la police. Le lendemain, une nouvelle manifestation a lieu, cette fois la police tire sur les manifestants, faisant 167 morts, 5 000 personnes accusées de vouloir « disperser la patrie » et de mener « une activité criminelle et fondamentaliste religieuse » sont arrêtées. Pour l’exemple, le gouvernement chinois exécutera publiquement sept Ouïghours. Face à la protestation de la foule, la police ouvre à nouveau le feu faisant neuf nouvelles victimes.
- Quel avenir ?Plus récemment, les attentats du 11-Septembre 2001 ont donné l’occasion aux autorités chinoises d’accentuer la répression sur le peuple ouighour avec l’aval de la communauté internationale. En effet, les velléités des indépendantistes vont de pair avec l’essor d’un islam qui a gagné en radicalisme ces vingt dernières années. Sur le modèle de l’Afghanistan (dont les talibans ont chassé l’occupant soviétique en 1989), les Ouighours se rebellent chaque jour un peu plus contre la politique coloniale chinoise et ils hésitent de moins en moins à recourir à la violence et aux attaques dites « terroristes » contre les intérêts chinois.
Ah
oui, j’oubliais : le Xinjiang est une des régions de Chine les plus
riches en ressources naturelles (elle renferme les plus importantes
réserves de pétrole et de gaz naturel de l’Empire chinois)... mais cela
n’a évidemment aucun rapport avec le reste...
Crédit photo : www.lesdeuxvoyageurs.com