Plan palestinien dit des « prisonniers »
par Lucien-Samir Arezki Oulahbib
lundi 3 juillet 2006
... ou l’illustration de la complète illusion du néo-obscurantisme à la française.
A en croire certains médias français, ce plan serait un grand pas en avant, alors qu’il ne fait qu’officialiser la suprématie politique et donc théologique du Hamas sur l’OLP ; il prend comme unique base de discussion la situation existant en 1967 sans reconnaître la nécessité deux Etats. Ce qui est un pas en arrière, comme l’explique à juste titre l’Ambassade d’Israël en France.
Mais admettons que cela ne soit pas la bonne lecture, comme l’incite à le penser quelqu’un comme Jean-Claude Rabilloud de LCI, sans parler de la plupart des journaux, et que le Hamas propose enfin la paix contre "les" territoires. On ne voit cependant pas pourquoi la situation actuelle ne se reproduirait pas après avoir évacué 500 000 personnes, détruit tout ce qui a été construit durant 39 ans, en ce sens que désormais les roquettes du Hamas seraient encore plus près d’Israël de 1948... nécessitant dans ce cas un nouveau document du Hamas qui exposerait que la situation existant en 1948 pourrait être une base de discussion... sans toujours préjuger de la suite... à savoir le refus opiniâtre de l’existence de deux Etats, même si Israël faisait toutes les concessions possibles et imaginables.
Ne pas comprendre cela, c’est, bien entendu, se bercer d’illusions, et surtout répandre de faux espoirs, surtout dans les jeunes esprits de certains quartiers manipulés depuis des lustres en France par ces contre-vérités. C’est également gommer toutes les incohérences intermédiaires, à commencer par "1967" qui ne concerne en rien lesdits " Palestiniens" mais plutôt la Jordanie et l’Egypte auxquels appartenaient la dite Cisjordanie et Gaza, qu’ils avaient par ailleurs conquis seulement en...1947, empêchant de ce fait la création d’un Etat palestinien dès cette époque (comme le soulignent Ghez et Messika dans La paix impossible, 2006, L’Archipel, p. 96).
Nous ne sommes donc pas dans une situation identique à celle qui existait entre la France et l’Allemagne après la perte de l’Alsace et de la Lorraine. Il n’y avait pas en 1967 un Etat palestinien qui, à la suite d’une guerre, aurait perdu des territoires. Il y avait des territoires que le Royaume-Uni octroya en définitive au royaume hachémite artificiellement construit par lui, après s’être déjugé, puisque la déclaration Belfour de 1917 supposait donner aux juifs la totalité de leur territoire ancestral, y compris donc la Jordanie actuelle.
Admettons encore que nous allions trop loin dans l’analyse. Comment expliquer, dans ce cas, s’il s’agit réellement d’oeuvrer vers la construction de deux Etats, que le Hamas ne reconnaisse pas Israël comme l’avait accompli, via les Accords d’Oslo, l’OLP ? Par la suite, il aurait été loisible de développer la bande de Gaza, (et la communauté internationale est prête pour ce faire), dont l’ouverture sur la mer et sur l’Egypte, sans parler de la proximité d’Israël en matière d’innovations économiques telles les nano-technologies, permettrait de constituer les bases d’une solide prospérité par le tourisme et le boom numérique.
Puis, peu à peu, comme je l’ai formulé dans un récent article (Libération du 12 juin 2006), les aménagements territoriaux, la possibilité par exemple que certaines implantations juives en Cisjordanie payent un impôt foncier et ouvrent les bras à une mixité ethnique, tout ceci aurait été possible à terme, du moins s’il y avait une réelle volonté d’accepter la nécessité de deux Etats qui, à plus long terme, auraient pu marcher vers une union économique puis politique à la façon de l’Union européenne, et même en mieux....
Nous savons qu’il n’en est rien. Et ce rien provient bien plus de la majorité des organisations palestiniennes que de la minorité dite ultra-sioniste considérant que le seul vrai Etat palestinien existe déjà et qu’il s’appelle la Jordanie... Pourquoi ? Parce que l’orientation fondamentale qui meut l’optique des instances palestiniennes est toujours ancrée dans un national-islamisme se prétendant supérieur à tout, mais dont la critique reste impensée, alors que ses frères jumeaux comme le national militarisme japonais et surtout le national socialisme allemand (auquel il s’affilia des années 1930 aux années 1950) ont bien montré vers quoi leur stratégie raciste menait : à l’impasse et à la nécessité de leur destruction totale, sous peine de voir ce cancer renaître puisque rien ne peut lui faire entendre raison, absolument rien, sinon la force la plus résolue.
Aussi est-il parfaitement injuste et irrationnel que certains journalistes et intellectuels français laissent accroire que le problème, c’est Israël, alors que tout montre l’inverse, à savoir le refus de construire la paix, même à petits pas, du côté palestinien, persistant par exemple à réclamer dans ce dit "plan des prisonniers", Jérusalem, en son entier, et le retour de cinq millions de réfugiés au sein même d’Israël (alors qu’ils étaient 800 000 au départ et que 1 500 000 juifs ont été chassés de leurs terres également ancestrales (les juifs d’Algérie, d’Irak, d’Egypte... étaient là bien avant l’invasion arabe...).
Il est dommage que l’élite médiatico-intellectuelle française ne s’en rende pas compte. D’autant plus qu’elle n’a jamais pris au sérieux la menace du totalitarisme islamiste, ayant en effet toujours considéré qu’il s’agit plutôt d’un produit de la misère politique fomentée par l’Amérique et le (néo)libéralisme que la résultante d’une stratégie anti-moderne (à laquelle se rallient de plus en plus de gauchistes et d’ex-communistes), ce qui sous-entend par là que seul un blanc issu du Nord peut être dominateur et raciste, ce qui explique aussi pourquoi au Darfour, on meurt, sous nos yeux, par dizaines de milliers dans l’indifférence quasi générale, les tueurs n’étant pas américains, les tués étant plutôt des noirs (comme au Rwanda), la bonne conscience peut dormir tranquille et se gausser plutôt du "revers" que la Cour suprême américaine aurait fait subir à Bush, s’agissant des tribunaux d’exception militaires jugeant des criminels de guerre (alors que la Cour a plutôt statué sur la notion d’exception que sur l’existence de cours martiales...).
Qu’importe le Darfour, qu’importe la mort de ce jeune juif de dix-huit ans tué d’une balle dans la tête parce qu’il était juif et qu’un juif n’a pas le droit de vivre là où il est né.
Ainsi va le monde, comme l’on dit sur LCI...