Pourquoi les Libanais ont-il peur du recensement ?

par Bassam Bounenni
mardi 26 décembre 2006

Le recensement de la population est une question de plus en plus tabou au Liban. En effet, le pays du cèdre ne s’est plus livré à un tel exercice statistique, fort important, depuis 1932. Des chiffres informels affirment que la proportion des musulmans est de l’ordre de 64%, contre 36% de chrétiens.

Mais le revirement de la balance démographique n’est que le résultat d’une politique de naturalisation pro-syrienne. Pour la seule année 1994, les autorités libanaises avaient naturalisé plus de 320 000 Syriens - dont 80% de musulmans.

Ajoutons à cela le refus de Beyrouth d’accorder la nationalité libanaise à la diaspora, qui compte plus d’une quinzaine de millions de personnes dont la majorité sont de confession chrétienne.

Cela va sans dire que ces mêmes Libanais, véritable manne financière pour le pays, sont privés de leur droit au vote, contrairement à l’usage dans toutes les démocraties et même dans certaines dictatures, telles que la Tunisie.

Cette politisation de la question démographique ébranle le pays qui connaît, actuellement, un « baby boom » chiite.

Comme en Israël, on est de plus en plus sensible, au Liban, à la question lancinante de l’équilibre démographique, équilibre sur lequel est basé l’exercice politique.

La sur-représentativité des uns et la sous-représentativité des autres ne peuvent plus être un baromètre, les autorités libanaises pro-syriennes s’étant adonnées à un rééquilibrage démographique annihilant la libanité même de la population, à des fins politico-politiques, somme toute malsaines et, à la limite, anticonstitutionnelles.

Le Pacte national de 1943 a répondu à une réalité démographique qui n’est plus d’actualité. D’ailleurs, la fin de l’occupation syrienne a laissé apparaître le nouveau poids démographique de chaque communauté. Et, donc, son poids sur l’échiquier politique.

L’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, a donné lieu, dans ce même contexte, à de nouvelles alliances, parfois irrationnelles et illogiques. Et les ennemis d’hier de devenir des « amis », au gré des événements, et ceci pour plusieurs considérations, parfois d’ordre démographique.

D’où la peur, justement, d’un recensement officiel, qui mettrait un terme à la surenchère et aux spéculations sur le poids réel de chaque communauté.

Dans l’état actuel des choses, la question démographique est plus que jamais intrinsèquement liée au partage du pouvoir. Le recensement, comme d’autres entreprises, pourrait être le c du commencement d’un travail de longue haleine, susceptible de remettre de l’ordre dans la maison libanaise. Mais, pour y parvenir, courage politique et honnêteté intellectuelle s’imposent.


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