Primaires Américaines, coup d’envoi imminent dans l’Iowa

par Sylvain Keller
dimanche 31 janvier 2016

Comme le veut la tradition, le petit état de l'Iowa, situé dans le Midwest, ouvrira ce soir la bal des primaires américaines, dont l'issue désignera les deux candidats Républicains et Démocrates qui concoureront pour l'élection finale, le 8 Novembre prochain .

Très différent de ce que l'on connaît habituellement chez nous, le caucus de l'Iowa sert tous les quatre ans de coup d'envoi pour la course aux primaires. Petit état conservateur du Midwest américain, l'Iowa a vu son rôle augmenter au fur et à mesure des années, notamment après que Jimmy Carter (président des USA entre , en ait révolutionné le concept en 1976. Offrant habituellement peu d’intérêt aux candidats, il avait été utilisé à excellent escient par Carter lors de sa campagne, effectuée en grande majorité sur le terrain pour tenter d'y convaincre la population (très représentative de la classe moyenne Américaine), de voter pour lui. Cela lui avait permis de remporter une victoire écrasante dans l'état, et ainsi de faire la différence face à ses adversaires.

Le rôle de l'Iowa comme désignateur s'est encore accru lors des élections 2008, où contre toute attente, Barack Obama l'avait emporté au dépend d'Hillary Clinton, lançant ainsi parfaitement sa campagne. Le premier président noir des États Unis avait tout de suite compris l'importance de cet état stratégique en envoyant sur le terrain des centaines de jeunes bénévoles pour augmenter ses chances de l'emporter. A contrario de Clinton, peu soucieuse de cet état qu'elle avait jugé d'une importante moindre (comme l'avait fait son mari en 1992), ce qui lui a sans doute coûté la victoire.

Aujourd'hui, plus que jamais, l'Iowa semble être devenu un état clé de la primaire, comme l'atteste les nombreux meetings organisés par les différents candidats, malgré les conditions climatiques exécrables qui règnent à cette période de l'année. Les états limitrophes que sont le Wisconsin ou le Minnesota ne bénéficient en rien du même intérêt de la part des candidats, qui savent l'importance stratégique de l’Iowa.

Un système de désignation très particulier...et très important

Contrairement à une élection dite Lambda que l'on connaît habituellement en Europe, les "caucus" de l'Iowa ne nécessite en aucun cas des bulletins de votes, urnes ou isoloirs.

Celles mises en place par le parti démocrate sont ainsi particulièrement complexes puisqu'elles nécessitent une très forte participation su le terrain. 

Les militants du parti sont appelés tout d'abord à se réunir le jour des élections dans différents " bureaux de l'état" (Écoles, Églises, casernes de pompiers) à une heure précise, avant de se répartir de manière distincte à des "tables", selon le choix de leur candidat. L'élection se fait ainsi de manière physique, éliminant au fur et à mesure les candidats ayant obtenu moins de 15% des "votes", dont les votants doivent à nouveau choisir un autre candidat parmi ceux restants. Demain soir les différents électeurs de Martin O'Malley (3e candidat démocrate et crédité de 1% des votes) devront ainsi sans aucun doute se répartir une nouvelle fois pour choisir entre Sanders ou Clinton, ce qui pourrait faire pencher la balance en faveur de l'un ou l'autre.

Moins complexe, le processus républicain (qui se déroule dans 9000 endroits différents) est assez similaire, mais nécessite après avoir pris en compte les arguments des différents représentants ou candidats eux même, de faire son choix sur un bout de papier. 

Sans prédire nécessairement le futur candidat du parti (Clinton en 1992 et Mc Cain en 2008 en sont les meilleurs exemples), le Caucus de l'Iowa sert déjà de premier indicateur pour éliminer certains candidats, et recentrer la course finale à deux ou trois. 

Il est ainsi essentiel de bien se placer dans l'Iowa pour amasser un nombre de voix important et maximiser ces chances pour la suite. Les primaires du New Hampshire, qui se déroulent une semaine plus tard sont généralement fatales en cas d'échec pour les candidats ayant déjà perdu dans l'Iowa.

C'est pourquoi bien se positionner dans les votes est très important afin de garantir une poursuite de la campagne, notamment sur le plan financier, les dons variant selon le positionnement du candidat.

Ce fonctionnement risque ainsi de faire rapidement disparaître Jeb Bush, et ne devrait pas profiter à Marco Rubio, qui vise des états moins conservateurs (Floride...).

Une Lutte Indécise

Pour le moment, difficile de prévoir quel candidat pourra remporter ce premier match, les sondages donnant seulement 4 points d'avance à Hillary Clinton devant Bernie Sanders (47% contre 43%), tandis que Donald Trump reste talonné de très près par Ted Cruz, le candidat ultra conservateur du GOP.

Connaissant les faibles chances de sa campagne il y’a moins de 6 mois, Cruz a joué sur la carte de l’ultra conservatisme. Il n'a ainsi pas hésité à se rendre en plein hiver dans une ville reculé de l’Iowa (Cisco), où il a participé à la demande du pasteur du coin à un meeting qui s'apparentait presque à une messe, en vue de satisfaire les 300 partisans évangéliques présents ce soir là. La lutte contre l'avortement, l'interdiction du mariage homosexuel, ou la volonté de prôner une éducation religieuse, font parti des différents arguments défendus par le sénateur, très apprécié par le courant évangélique protestant, majoritaire chez les voteurs Républicains (près de 57% en 2012).

Sénateur du Texas depuis 2013, le Canadien de naissance, fils d’un père Cubain, joue sur les peurs des Citoyens ultra conservateurs, pour qui la réforme de santé Obama Care ou encore récemment la restriction des armes à feu souhaité par les démocrates ne sont pas concevables avec la "tradition Américaine". Cruz promet également un bouleversement de la politique étrangère engagée par le président, dont la fin de l'accord nucléaire avec l’Iran, les négotiations de la COP 21tout en promettant de "Recouvrir Daech d'un tapis de bombes". 

Le résultat est assez visible dans les derniers sondages, ou malgré la présence de l'ultra conservatrice Sarah Palin aux côtés de Donald Trump, Cruz semble en mesure de l'emporter. Les conservateurs sont en plus assez peu enclins à voter pour Trump, comme nous le montre le récent appel du magazine conservateur très influent "National review".

Trump reste néanmoins très populaire dans cet état, et bien plus encore dans le New Hampshire, ou sa victoire est déjà presque assuré la semaine prochaine. Le milliardaire a su faire valoir son côté "politiquement incorrect" et sa notoriété dans les médias pour s'assurer d'un vote massif dans quasiment toutes les catégories de votants (Jeunes, Gros donateurs, religieux, Ruraux et même femmes..), si l'on excepte les minorités. Ses différentes frasques lui ont contre toute attente permis de remonter encore un peu plus sa côte de popularité dans les sondages, qui le présentent désormais comme le grand favori pour la nomination. Sa popularité semble même s'être accru au sein du parti Républicain, où de nombreux membres ont récemment affiché leur soutien à Trump, dans un choix du "moindre mal" avec Cruz.

C'est dans cette optique que le caucus de l'Iowa sera très important, en ce sens qu'il vérifiera pour la première fois dans les votes ce que les sondages nous disent depuis des mois, à savoir la quasi totale domination de Trump.

Pour les autres candidats Républicains, la lutte pour la troisième place sera très importante, et devrait se jouer entre Rubio, Carson, voire Christie (qui lui mise sur le New Hampshire), et pourrait déjà provoquer le retrait de Jeb Bush ou Carly Fiorina.

Du côté Démocrate, l'histoire risque peut être de se répeter chez Hillary Clinton, pour qui les primaires 2016 ne devait être qu'une simple formalité.

Déjà battu en 2008 par Barack Obama, l'ex sécrétaire d'état doit désormais faire face à un autre individu sorti de nulle part, Bernie Sanders, ancien maire de Baltimore qui se revendique Socialiste.

Malgré des idéologies clairement orientés à gauche, Sanders est parvenu à séduire la majorité de l'électorat jeune (près de 70% des 18-24 ans en Iowa) , comme l'illustre son nombre record de donateurs (2 millions), pour construire une base politique crédible, qui pourrait en faire le trouble fête de ces primaires. Actuellement, Sanders est donné très largement gagnant dans le New Hampshire (57% des voix), et reste très près d'Hillary Clinton dans l'Iowa, où le processus de caucus pourrait néanmoins le pénaliser, étant donné la complexité de ce mode de scrutin pour de jeunes électeurs.

La mobilisation devrait être toutefois très importante pour celui qui se revendique "anti Wall Street" et partisan d'une réforme complète du système de santé, ainsi qu'une hausse du salaire minimum accompagné d'une gratuité des établissements du secondaire. Sanders réussit de cette manière à séduire l'électorat des jeunes, bien plus en réalité que Clinton, très loin d'incarner le même charisme que Obama auprès des minorités et des jeunes électeurs jouant avant tout sur sa carte de féministe et son expérience pour remporter les primaires. L'objectif de Clinton est avant tout de sécuriser sa victoire rapidement, afin de ne pas voir se répéter le scénario de 2008, ce qui passe par une vicoire presque obligatoire demain.

Le caucus de l'Iowa débutera Lundi soir à partir de 7 h (1 h du matin heure Francaise), et servira de premier indicateur pour les primaires Américaines.


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