Printemps de crise au Québec

par Nastia
lundi 13 avril 2015

Depuis 3 semaines, le Québec vit une crise sociale féroce. Pas aussi incroyable que celle de 2012 (bien que l’histoire n’est pas finie), du moins y fait-elle écho. La police sur le campus, des manifestations qui dérapent, et un droit de grève non admis : voilà en quelques mots le dessein du printemps 2015.

Une grève de deux semaines ou moins avait été votée dans de nombreuses associations étudiantes des différents établissements scolaires du Québec entre le 23 mars et le 6 avril. Des manifestations avaient eu lieu chaque jour dans les villes de Montréal et Québec certaines se finissant par l’intervention des forces de l’ordre à coups de bombes lacrymogènes.

La répression policière a été mise au jour par de nombreux médias. Une étudiante de l’Université de Laval Naomie Tremblay-Trudeau 1 en est même devenue le symbole après avoir été brûlée au visage par un gaz lacrymogène lors d’une manifestation devant l’Assemblée nationale de Québec.

Contrer la grève 

La grève aurait pu s’arrêter après deux semaines si les répressions n’avaient pas été aussi fortes. Alors qu’il s’agissait pour les étudiants de s’unir aux syndicats pour contrer l’austérité, le mouvement a pris un nouvel élan notamment lorsque l’Université du Québec à Montréal (suite aux conseils du ministre de l’Éducation François Blais 2) a menacé d’expulsions des étudiants et a demandé une injonction pour rendre la grève des étudiants illégale.

Des professeurs ainsi que des étudiants ont donc dénoncé cette position antidémocratique le mercredi 8 avril3 en piquetant le bâtiment principal de l’Université du Québec À Montréal. La direction a alors fait intervenir les forces antiémeutes. Une vingtaine d’étudiants ont été arrêtés, mis en garde à vue pour ensuite être interdit de retourner sur le campus.

Les étudiants ont réagi le soir même en occupant l’université. Du vandalisme a été commis au sein des bâtiments, certaines caméras de surveillance ont été arrachées. Mais de nouveau l’occupation a été brisée par les forces antiémeutes. Des vidéos montrent les policiers rentrés en brisant des vitres. Des lacrymogènes ont été lancés et de nouveaux étudiants ont été arrêtés.

Dans un mouvement de solidarité, la grève a été reconduite par plusieurs associations étudiantes du pays.

Les revendications premières

Fin mars, le gouvernement Couillard a émis son budget censé aider à atteindre l’équilibre budgétaire. Il implique des mesures d’austérité visant à réduire les dépenses de l’état grâce aux coupes dans l’aide sociale, la santé, l’enseignement ; Tout cela, afin de diminuer les impôts des entreprises. Au final, le mot d’ordre est de réduire la dette 4.

Cela ne plaît pas aux Québécois, car le gouvernement avait caché ses cartes lors des élections de l’année dernière. Il s’agit de 130 millions de dollars coupés dans le réseau des commissions scolaires, de 172 millions de dollars coupés aux universités québécoises et de 15 millions de dollars coupés à l’aide sociale. C’est aussi la suppression du tarif unique dans les garderies subventionnées québécoises, un gel de l’embauche dans la fonction publique, l’augmentation des frais de scolarité pour les étudiants français et le projet de loi 20 qui revoit le système de santé notamment en imposant des quotas de patients aux médecins 5.

Y a-t-il vraiment quelque chose à gagner ? Les Québécois n’y croient plus. Après une perte de pouvoir d’achat de 4,5 % en dix ans, ils ne souhaitent plus favoriser le secteur privé au détriment du secteur public. C’est d’ailleurs ce que déconseille le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz 6 qui s’était prononcé sur les politiques d’austérité au journal québécois « Le Devoir », il y a un an de cela. « Nous savons pourtant, depuis la Grande Dépression, que l’austérité ne fonctionne pas. [...] L’accroissement des inégalités de revenus va de pair avec un accroissement des inégalités politiques. Notre démocratie s’en retrouve déformée. »

 Les syndicats se révoltent chacun à leurs manières. Les policiers portent des pantalons colorés et le slogan « on n’a rien volé, NOUS ». Les chauffeurs de bus ont collé sur leurs bus les slogans « le gouverneMENT ». Mais c’est dans les universités et les cégeps que le mouvement se fait le plus ressentir.

Au lieu d’être à l’écoute de son peuple en colère, le gouvernement québécois l’attaque. Le printemps au Québec, malgré la neige, est brûlant. Le feu qui anime les étudiants manifestants aurait pu s’éteindre doucement à force de ne pas se faire entendre mais les forces antiémeutes et les répressions du gouvernement sont comme des branches qui alimentent un foyer. Reste à voir si le feu deviendra incendie. 

[1] http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/societe/201503/29/01-4856531-manifestation-a-quebec-naomie-tremblay-trudeau-ouvre-la-marche.php

[2] http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2015/04/01/002-ministre-education-francois-blais-expulsion-etudiants.shtml

[3] http://www.ledevoir.com/societe/education/436734/greve-etudiante-derapage-majeur-a-l-uqam

[4] http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2015/03/25/004-impact-projet-de-loi-20-ministre-gatean-barrette-clinique-actuel-rejean-thomas-traitement-depistage-itss.shtml

[5] http://www.ledevoir.com/politique/quebec/435707/budget-leitao-l-equilibre-aux-depens-de-la-sante-et-de-l-education

[6] http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/375627/l-austerite-quelle-idee-toxique

 

 


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