Quand Staline planifiait la Grande famine d’Ukraine

par Francois Vial 75
mercredi 26 décembre 2012

Il y a 80 ans... Un anniversaire dont les médias ne vous parleront pas.

Si l’ONU définit depuis 1948 la notion de génocide comme « l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », l’organisation internationale a toujours refusé de reconnaître les actes commis antérieurement à sa création. Ses commissions évoquent toutefois ces crimes dans leurs travaux, citant pour l’Europe l’Holocauste nazie et l’extermination du peuple arménien par la Turquie.

En raison de ce parti-pris mémoriel, il est un anniversaire dont les médias français ne parleront pas, celui des 80 ans de l’Holodomor – « extermination par la faim » – de 1932-1933 en Ukraine. Joseph Staline veut alors développer l’industrialisation de l’URSS par l’acquisition de biens d’équipement, et choisit pour financer cette opération d’exporter massivement des céréales. Dans le cadre de la collectivisation, il procède à la réquisition des terres des Koulaks, et impose par la force – cordons de troupes armées empêchant tout déplacement – la sédentarisation des paysans nomades. Les récalcitrants sont déportés ou exécutés.

« Nettoyage ethnique » avant l’heure

Privés de leurs terres et de la possibilité de s’installer ailleurs, les paysans ukrainiens sont frappés par la famine et près de quatre millions d’entre eux mourront, au nom des visées du Petit père des peuples. Car le résultat de cette politique est évidemment connu de Staline, qui voit là un double avantage : servir son projet économique, et mater une population dont le sentiment national-ukrainien se développe déjà.

Déclassifiées, les archives de l’ex-URSS sont sans équivoque sur ce point. Staline savait, mais a poursuivi jusqu’au bout cette logique mortifère pour son peuple. Les documents du Politburo comme ceux du Comité central du Parti communiste démontrent en effet que seul dominait le souci de maintenir une productivité agricole élevée, fut-ce au détriment des populations. L’ampleur de la famine est alors telle que des milliers de paysans se suicident ou se livrent au cannibalisme, cyniquement évoqué par le PC soviétique dans une campagne d’affiches proclamant : « Manger son enfant est un acte barbare ! ». En mai 1933, la famine prend fin, la réduction par millions du nombre de bouches à nourrir n’y étant évidemment pas étranger…

Depuis, l’Histoire de l’URSS, puis de la Russie et de l’Ukraine, a connu d’autres soubresauts, qui ont pour un temps jeté dans l’oubli cette période peu glorieuse pour les tenants de l’idéologie communiste.

Génocide, ou « drame partagé » ?

Pour un temps seulement… En novembre 2006, l’Holodomor est revenu au centre des préoccupations de la nation ukrainienne, lorsque le président Viktor Iouchtchenko a favorisé la reconnaissance par son parlement du génocide ukrainien. En janvier 2010, la Cour d'appel de Kiev a examiné l'affaire sur le plan pénal et confirmé « les conclusions faites par les juges d'instruction du Service de sécurité d'Ukraine selon lesquelles les dirigeants du régime totalitaire bolchevique avaient organisé le génocide du peuple ukrainien en 1932-1933 ».

Trois mois plus tard, fraîchement élu à la tête de la République d’Ukraine et pro-russe là où son prédécesseur affichait un certain pro-occidentalisme, l’actuel président Viktor Ianoukovitch indiquait que la Grande famine des années 1930 ne constituait pas un génocide, mais un « drame partagé » avec d’autres peuples de l’URSS. Certes, la Russie centrale, les Basse et Moyenne Volga, la Sibérie occidentale, l'Oural du Sud, le Kazakhstan et le Caucase du Nord ont eux aussi connu des millions de morts au cours de cette période, mais l’Holodomor reste spécifique en ce sens qu’il a permis à Staline de tuer dans l’œuf les velléités nationalistes – et donc d’indépendance – de la population ukrainienne.

Le Parlement européen et de nombreux pays à travers le monde – dont les Etats-Unis – ont quant à eux d’ores et déjà officiellement qualifié de « crime contre l’humanité » ou de « génocide » cette extermination par la faim : le débat reste donc ouvert… Sauf peut-être pour les dinosaures français du bolchévisme, toujours prêts à défendre l'indéfendable.

 


Lire l'article complet, et les commentaires