Que penser de l’émergence de Podemos en Espagne ?

par Laurent Herblay
lundi 6 octobre 2014

Plus la morsure des programmes néolibéraux est forte sur le corps social, plus cela semble provoquer une réaction démocratique. La Grèce en montre l’exemple malgré la composition du gouvernement. Mais on décèle également des mouvements intéressants en Espagne, avec l’ascension de Podemos.

Coup de tonnerre démocratique
 
Mi-2013, j’avais déjà noté que le bipartisme qui domine la vie politique espagnole, le PPSOE, comme ils le disent, tremblait sur ses bases avec la montée de la gauche de la gauche et de l’UPD. Les résultats des élections européennes en mai dernier l’ont confirmé puisque si ces deux partis sont largement arrivés en tête avec 26% pour le PP et 23% pour le PSOE, ils perdent chacun pas moins de 16 points par rapport au scrutin de 2009 ! Ils sont passés d’une domination absolue (82% des suffrages) à 49% des voix en 5 ans ! Suivent la Gauche Plurielle, équivalent du Front de Gauche, avec 10% des suffrages, qui triple son score, Podemos, un nouveau venu, à 8%, et UPD, à 6,5%, qui double son score.
 
Comme le note le Monde, le succès de Podemos (et des autres forces en ascension), rebat les cartes politiques outre-Pyrénées, au point de déclencher des réactions agressives des deux grands partis, qui les accusent de proximité avec ETA ou de suppôt de Chavez. Mieux, comme le révèle Marianne, les sondages indiquent que Podemos pourrait réunir 15 à 21% des voix lors des législatives de l’année prochaine, ce qui pourrait, soit imposer au PP et au PSOE de gouverner ensemble et faire de Podemos la vraie alternative politique du pays, soit permettre à une majorité vraiment de gauche d’émerger, puisque la Gauche Plurielle et l’UPD se situent également à la gauche du PSOE.
 
Une ascension très intéressante

L’ascension de Podemos, lancé en janvier 2014 seulement, représente un immense espoir démocratique car elle montre que le peuple, quand il est martyrisé par ses dirigeants, peut se révolter démocratiquement et que cela peut aller vite. Les idées défendues par le mouvement sont assez larges : elles comprennent un volet institutionnel avec la volonté de promouvoir une démocratie réelle transparente, un volet économique qui s’appuie sur l’Etat pour réduire la pauvreté, entre autres, avec l’instauration d’un revenu de base, une volonté de mettre au pas les lobbys et les multinationales qui font de la désertion fiscale. Il dit vouloir remettre en cause en partie le libre-échange. Et s’il critique la direction de l’Europe, elle reste son horizon naturel. Enfin, il propose de réduire la consommation d’énergies fossiles. 

Beaucoup de choses intéressantes, même si l’ambition de changer cette Europe peut sembler illusoire tant ce discours a été servi depuis des décennies. Il faudra tout raser pour essayer de construire quelque chose de totalement différent et qui servira les peuples européens. Il faut également noter que Podemos défend le droit à l’autodétermination de la Catalogne tout en militant pour le « non » à l’indépendance, lui donnant une position intéressante dans le débat qui fait rage en Espagne. On peut déceler un léger fond libertaire qui fait de ce parti une sorte de fusion entre le Front de Gauche et les Partis Pirates qui ont émergé dans quelques pays. Son chef est un professeur de sciences politiques de 35 ans.
 
Ce qui se passe en Espagne, après la Grèce, est un immense motif d’espoir. Tôt ou tard, les promoteurs de ce système malade finiront par être balayés. Mais parce que c’est une décision lourde, cela prend du temps, a proportion inverse de la dureté subie. Mais le changement n’est qu’une question de temps.

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