Que se passe-t-il après l’attentat d’Ispahan en Iran  ?

par Dr. salem alketbi
vendredi 17 février 2023

L’attaque par trois drones contre le complexe militaro-industriel du ministère de la Défense iranien à Ispahan n’était pas la première incursion qualitative de ce type en Iran. Elle a été précédée de plusieurs opérations de renseignement, notamment l’assassinat de l’éminent scientifique nucléaire Mohsen Fakhrizadeh, considéré comme l’architecte du programme nucléaire iranien, lors d’une opération très subtile fin 2020. Il a été attaqué près de son domicile, à la frontière de la province de Téhéran, par des agents recrutés en Iran, et là, la voiture du scientifique nucléaire a été visée par une arme automatique télécommandée.

La dernière attaque contre le complexe d’Ispahan a probablement été menée par des drones contrôlés depuis l’Iran. Selon une lettre d’Amir Saeed Irafani, envoyé de l’Iran à l’ONU, adressée au secrétaire général de l’organisation internationale, l’Iran a officiellement imputé l’attaque à Israël. Ceci afin de faire valoir ce que Téhéran considère comme son droit légitime de protéger la sécurité nationale et de répondre de manière décisive à toute menace ou agression, se réservant le droit de répondre en temps et lieu appropriés selon sa propre perception.

L’attentat d’Ispahan aurait utilisé des équipements et des explosifs introduits clandestinement en Iran depuis la région du Kurdistan irakien avec l’aide de groupes d’opposition et en coordination avec un «  service de sécurité étranger ». Certains analystes estiment que l’attentat d’Ispahan n’était pas très violent, ce qui explique la réaction relativement calme de l’Iran à cette attaque. Toutefois, la question n’est pas tant la gravité de l’attentat, mais son ampleur et ses conséquences, car l’ouverture d’une brèche dans le mur de sécurité érigé par le Corps des gardiens de la révolution islamique et ses organisations de sécurité étanches indique un relâchement de l’appareil de sécurité du régime. La réponse de l’Iran à l’attentat d’Ispahan n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît pour les partisans et les fidèles du régime iranien.

Il ne faut pas oublier que le régime iranien n’a pas réagi jusqu’à présent à plusieurs situations plus graves que l’attentat d’Ispahan, notamment l’assassinat du général Qassem Soleimani, dont le régime iranien a fait une affaire de mammouth. Il n’a pas répondu à cet assassinat, dont les États-Unis ont clairement revendiqué la responsabilité. Mais le régime a glacé sa réponse à l’opération, s’en tenant à des frappes de missiles limitées et calculées pour jeter de la poussière dans les yeux des gens et prétendre à une réponse.

En réalité, le régime a minimisé l’importance de la question afin de priver les États-Unis et leurs alliés de la possibilité de frapper le régime iranien par une opération militaire directe.

Mais cette fois, l’analyse des preuves peut montrer que le régime iranien veut riposter parce qu’il craint que la dernière attaque soit le prélude à une série plus dangereuse d’attaques contre des installations nucléaires ou des personnalités iraniennes. Ce qui retient l’Iran d’une éventuelle riposte, c’est la volonté du régime de ne pas se laisser entraîner dans des crises dont il pourrait lui-même être la victime. Ainsi, l’idée d’avaler les insultes est fermement ancrée dans l’attitude des mollahs, qui, à l’époque de Khomeiny, ont légitimé la règle du «  boire le calice jusqu’à la lie  » pour sauver le régime d’un destin fatal.

Le régime iranien est bien conscient que l’environnement international actuel n’est pas propice à une réponse à l’attaque terroriste d’Ispahan. Dans un contexte où l’Iran fournit des drones à la Russie, qui combat en Ukraine, les relations de Téhéran avec la plupart des grands pays sont très tendues. Les relations de l’Iran avec la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne sont notablement tendues depuis qu’il a été révélé que l’Iran a fourni des drones qui renforcent la position de la Russie dans la guerre en Ukraine.

L’Iran est conscient qu’il doit faire face à des circonstances régionales et internationales complexes, notamment le gouvernement de droite de Benjamin Netanyahu, dont certains membres font pression en faveur d’une frappe accélérée contre les installations nucléaires iraniennes, et la colère écrasante des Européens face à la livraison par l’Iran de drones à l’Ukraine qui attaquent et ciblent principalement les infrastructures ukrainiennes. Après l’attaque d’Ispahan, trois hauts responsables américains se sont rendus en Israël  : William Burns, directeur de la CIA, Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale, et Anthony Blinken, secrétaire d’État américain.

L’ordre de ces visites n’est peut-être pas inhabituel, d’autant plus qu’elles interviennent après les plus grandes manœuvres de ce type entre les États-Unis et Israël. Cela soulève des questions sur ce qui se passe entre les États-Unis et Israël en ce moment. L’attentat d’Ispahan a coïncidé exactement avec la visite de Burns. Le véritable problème de l’Iran n’est pas la partie qui a commis l’attentat d’Ispahan, mais surtout le degré de détérioration du système de sécurité iranien. Il est bien connu que l’usine d’Ispahan est une installation importante sous le contrôle du Corps des gardiens de la révolution iranienne.

En outre, l’attaque a été très bien planifiée et informée, car les drones ont atteint la cible avec une grande précision, à l’instar de l’assassinat de Mohsenzadeh avec des balles qui l’ont atteint précisément, mais pas sa femme, qui se trouvait dans la même voiture que lui.

Cela fait écho à l’évolution des moyens techniques utilisés dans l’attaque, ainsi qu’aux informations précises dont disposaient les planificateurs et les auteurs de l’attaque. En définitive, l’attentat d’Ispahan constitue un message clair pour le régime iranien.

Toutefois, la réponse à ce message pourrait tarder à venir, car il est à craindre que toute réponse iranienne ne conduise à une escalade de la confrontation avec Israël.

Le gouvernement de Benjamin Netanyahu est motivé et certains de ses membres sont déterminés à lancer une frappe militaire directe contre les installations nucléaires de l’Iran, surtout après avoir reçu un fort soutien américain lors du récent exercice conjoint, le plus important du genre entre les deux pays.


Lire l'article complet, et les commentaires