Quel coût de connexion pour quels droits pour les internautes en Afrique ?

par TSAKADI Komi
lundi 22 septembre 2008

En Afrique, et particulièrement au Togo, le coût de la connexion à l’internet est l’un des plus chers au monde. Non seulement le prix de connexion est prohibitif, mais en plus les droits des consommateurs sont bafoués par les fournisseurs d’accès internet (FAI).


Ainsi les débits annoncés par ces FAI à grands coups de publicité et dans des documents publicitaires ne sont pas atteints. Il en résulte une baisse de qualité de navigation préjudiciable pour le consommateur. La connexion à 128 K est qualifiée de haut débit alors que, selon les critères de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), le haut débit commence à 256 K pour la réception de données.

En outre, les offres internet sont soumises à l’acquisition obligatoire de modem bas de gamme. En France, la loi interdit de subordonner la vente d’un produit ou la fourniture d’un service à l’achat d’un autre produit ou service au consommateur (Code de la consommation art L 122-1). La justice française avait même condamné le FAI free pour avoir proposé à ses anciens abonnés équipés d’un modem Sagem des services de téléphonie et de télévision sur ADSL nécessitant l’emploi d’un modem Freebox (TGI Paris du 23 juillet 2004).


De plus, il n’existe même pas de service technique (hotline) proposé par les FAI en cas de problème de connexion. Pis, en cas de problème de fourniture de service internet, aucun dédommagement n’est proposé à l’abonné pour les jours d’absence de la connexion.


Le droit de l’internet étant peu développé dans nos pays pour une justice défaillante, il est peu probable d’avoir gain de cause auprès d’un quelconque juge, si votre opérateur refuse de vous rembourser.


Au Togo où deux FAI se partagent le marché de l’internet, l’un étatique en quasi-monopole propose son offre ADSL de 128 K à 76 euros (50 000 F CFA) pour les frais d’accès au service et un abonnement mensuel pré-payé de 80 euros (52 100 F CFA). Le 2e FAI privé propose son offre ADSL sans fil à un coût d’abonnement légèrement moindre 55 euros (35 800 F CFA), mais avec les frais d’installation à 366 euros (250 000 F CFA)


Même si on n’est pas tenu de s’abonner pour une longue durée (minimum deux ans), s’offrir une connexion internet ADSL de 128 K dans ces conditions, est un luxe que n’importe qui ne peut se permettre dans un pays qui depuis les années 70 à la mi-août 2008, a eu pour Smic 21 euros (13 787 F CFA) par mois.


Eu égard aux avantages liés à l’internet (rapidité de la communication, recherche pour pallier les manques de documentation dans les bibliothèques de nos écoles et universités…), on ne peut que déplorer ce coût exorbitant dans nos pays, qui contribue à accentuer la fracture numérique et à limiter la vulgarisation de l’internet.


Certes, il y a les cybercafés qui offrent des prix alléchants comme une heure à 0,45 euros (300 F CFA) avec l’inconvénient de devoir surfer avec de vieux ordinateurs « venus de France », rendant la connexion encore plus lente. On peut donc passer des dizaines de minutes à tenter d’ouvrir une page web. Quant au téléchargement, n’en parlons pas.


Nos pays sont donc plongés dans un fossé numérique qui se creuse de jour en jour au grand dam des internautes africains, malgré leur envie de rester arrimer au TGV (train à grande vitesse) de l’internet. Comment peut-on attirer des investisseurs étrangers dans nos pays avec un coût de connexion pareil alors que nous vivons dans monde de communication rapide et globalisée. Comment peut-on relever le défi de l’éducation ?... La Chine communiste a vite compris l’importance de cet outil de développement et y a investi massivement. Quand bien même elle le contrôle toujours en bloquant l’accès à certains sites pour des raisons politiques.


Un projet d’internet par satellite à faible coût dénommé O3b Networks (abréviation de « other 3 billion », les autres 3 milliards), soutenu par le moteur de recherche sur internet Google, le câblo-opérateur Liberty Global et la banque HSBC, vient d’être lancé à Jersey (Channel Islands), avec pour objectif de toucher les populations mondiales qui ont peu de chances autrement d’avoir accès à l’internet rapide, notamment africaines.


Ce projet dont la mise en route est prévue pour fin 2010 et qui va couvrir les grands centres urbains, mais également les zones rurales « va offrir une performance fibre optique sur satellite à des prix comparables à la fibre dans les régions développées », selon le communiqué de O3b Networks rendu public le 9 septembre dernier[1].

Ce projet reconnaît que « … le déploiement d’un réseau de fibres [sous-marines] dans de nombreux pays en développement n’est pas commercialement viable, voire réalisable ». Aussi « en permettant une connexion directe au cœur des réseaux et relais cellulaires 3G/Wimax, le système d’O3b Networks va complètement changer l’économie des infrastructures de télécommunications dans des marchés du monde à la plus forte croissance pour les services de communications », peut-on lire dans le communiqué précité.


Il va falloir donc libéraliser le marché de l’internet en permettant à d’autres FAI d’accéder à ce marché pour plus de concurrence et plus de droits aux internautes africains qui bénéficieront sans aucun doute d’une baisse de tarif avec le projet O3b Networks censé réduire le coût de la bande passante pour les opérateurs télécoms et les fournisseurs d’accès internet.

De plus, nous devons mener des réflexions prospectives sur le développement de l’utilisation de l’internet dans nos pays où il semble que 80 à 85 % des personnes utilisant l’internet, ne le font que pour leur mail. Alors que le champ d’utilisation d’internet est très large.


L’internet est un outil de communication et d’information formidable qui peut contribuer au développement de nos pays tant son champ d’utilisation est énorme, offrant des opportunités à nos entreprises avec des projets porteurs de croissance économique et de développement social


Mais encore faut-il que son coût soit raisonnable et que les droits des internautes soient vraiment reconnus et respectés. Nos dirigeants doivent « magner leur cul » pour que l’Afrique rattrape son retard numérique. A défaut, on nous servira le même refrain que «  le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire »[2]


 Me Komi Tsakadi




[1] http://o3bnetworks.com/press_o3blaunch.html (communiqué en anglais)

 

[2] Discours du président Sarkozy à Dakar en juillet 2007.


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