Questions sur l’hospitalisation d’Abdelaziz Bouteflika à Paris

par Jean-Michel Aphatie
mercredi 7 décembre 2005

Les questions sur l’hospitalisation d’Abdelaziz Bouteflika à Paris sont nombreuses. Les premières seront destinées à scruter la sincérité de la situation. Abdelaziz Bouteflika, 68 ans, est hospitalisé en France, au Val de Grâce, depuis le 26 novembre dernier. Il a été admis dans cet établissement après un passage à l’hôpital militaire Aïn-Nadja, situé à Alger. Officiellement, il souffrirait d’un « ulcère hémorragique au niveau de l’estomac », et aurait été opéré pour cela lundi dernier.

La médecine algérienne ne peut-elle prendre en charge, dans son pays, les problèmes liés à des ulcères de l’estomac ? Fayçal Metaoui, rédacteur en chef et éditorialiste d’El Watan*, m’ a répondu très nettement par l’affirmative à cette question, ajoutant même que l’hôpital Aïn-Nadja d’Alger, l’un des meilleurs du pays, a-t-il dit, était équipé pour administrer des soins et réaliser des opérations de ce type. Pourquoi, alors, le chef de l’État algérien a-t-il décidé de se faire opérer dans un pays étranger ? Manque de confiance dans le corps médical algérien ? Peur des intrigues, d’une surveillance et d’un environnement politiques, plus généralement d’un climat souvent décrit comme délétère, voire dangereux, dans les cercles du pouvoir algérien ?

Ces interrogations demeurent, principalement en raison de l’opacité entetenue par le pouvoir sur la maladie du chef de l’État. On en vient même à mettre en doute, Fayçal Metaoui l’a fait de manière allusive, le diagnostic lui-même. Et ceci d’autant plus que nul ne connaît encore ni la date de sortie de l’hôpital d’Abdelaziz Bouteflika, ni celle de son retour à Alger. En outre, circonstance aggravante, l’entourage du chef de l’État algérien évoque une "convalescence stricte et rigoureuse". Celle-ci est-elle compatible avec la charge qui est celle d’Abdelaziz Bouteflika ? Tout cela entretient le soupçon, et contribue à une forme de dévalorisation nationale visiblement ressentie, selon notre interlocuteur, par une population mal informée, voire désinformée.

Les autres questions relèvent, elles, de la politique. Voilà plusieurs semaines que les autorités algériennes, et Abdelaziz Bouteflika le premier, attaquent violemment la France à propos de cette loi de février 2005 qui évoque "les aspects positifs" de la colonisation. Le jugement, on peut le comprendre, est mal ressenti en Algérie. Au contraire, les autorités réclament des excuses, seraient heureuses même d’une forme de repentance. En l’absence de tels signes, suggèrent-elles, le traité d’amitié entre les deux pays, dont la signature aurait dû intervenir avant la fin de cette année, ne verra pas le jour.

Comment concilier cette position politique, défendable encore une fois du point de vue algérien, avec cette demande d’aide et d’assistance de la part de son premier responsable ? Il y a comme un paradoxe, non pour la France qui apporte une assistance médicale légitime, mais de la part des autorités algériennes, visiblement empétrées aujourd’hui encore dans une double relation de fascination et de rejet, qu’il faudrait pourtant savoir dépasser en ce début de nouveau siècle.

Voilà l’ensemble des thèmes abordés ce matin avec Fayçal Metaoui, un interlocuteur au verbe rapide et à l’intelligence vive. Cette incursion matinale Outre-Méditerranée avait, m’a-t-il semblé, son charme et une séduction particulière, liée peut-être à la franchise et à la simplicité que le journaliste algérois a su mettre dans ses réponses...

* l’un des principaux journaux francophones édité en Algérie


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